Communiqué de presse 02/09/02


Combattre l’illettrisme à l’école primaire

Luc Ferry manque son entrée en scène.

 

 

Aujourd’hui un élève sur cinq entre en 6e sans savoir lire. Depuis quelques mois, cette proposition consternante ne donne plus lieu à controverse. Le ministère de l’éducation nationale admet l’ampleur de l’échec, non sans une certaine pudibonderie lexicale (" mauvais lecteurs ", " retard d’apprentissage ", etc.) ou tortillements ridicules.

Depuis près de deux ans, le collectif Sauver les lettres réclame les décisions fortes appelées par le bilan catastrophique, que personne ne peut plus dissimuler, des principes et des méthodes mis en œuvre depuis au moins deux décennies avec un aveuglement coupable.

Il y a trois mois, le collectif Sauver les lettres a condamné les faux-semblants et la présentation hypocrite de la réforme des programmes de l’école primaire conçue par le ministère Lang. Quand le brouillard des belles paroles sera dissipé, on constatera combien cette réforme accentue encore la misère culturelle et les inégalités sociales auxquelles elle est censée remédier. Rien n’en distingue l’esprit des précédentes : réduction dans les faits de l’étude de la langue, nouvelle diminution de l’horaire spécifique consacré au français, dissolution de la matière dans toutes les autres.

M. Luc Ferry avait l’occasion de marquer son arrivée par un acte fort ; il s’est contenté de belles paroles : réhabiliter le travail, le mérite, l’effort et l’autorité. Et au nom de ces louables principes, il s’est réjoui de mettre en application la réforme Lang. Aucune surprise à cela : le même Luc Ferry, encore président du Conseil national des programmes (CNP) l’avait amplement défendue dans les media.

Le collectif Sauver les lettres attend tout autre chose que le nouvel emballage d’une réforme inadaptée et néfaste.

Le collectif Sauver les lettres réclame du ministère Ferry précision, clairvoyance et détermination.

Précision

"Deux heures de lecture et d'écriture par jour", si elles ne sont que deux heures "transversales" réparties "dans toutes les disciplines", n'apportent rien de nouveau et sont sans effet. Seule la lecture systématique, contrôlée et corrigée, y compris à voix haute, serait une proposition pour combattre l'illettrisme.

"Un livret pour le CP" qui répertorie une "typologie des difficultés rencontrées" dans l'apprentissage de la lecture, "ainsi que les activités permettant d'y remédier" pourrait bien être un remède utile… à condition qu’il ne soit pas prétexte à rajouter des exercices de " lecture globale " pour mieux combattre les méfaits de la même " lecture globale ", comme on le fait depuis 20 ans.

Quant au rêve éveillé des solutions miracles que les ordinateurs apporteraient aux lecteurs sinistrés, il est de toute première urgence de mesurer, avant d'aller plus loin, "les bénéfices [de leur usage] pour les élèves".

Clairvoyance.

Il est temps d’examiner soigneusement et rigoureusement les causes proprement pédagogiques de cette épidémie moderne d'illettrisme. La dénonciation de la lecture " globale " dans les nouveaux programmes est en effet une bonne analyse. Poursuivons-la précisément. La responsable de l'illettrisme en France n'est pas seulement LA méthode globale, qui n'a quasiment jamais servi, mais LES méthodes globales qui servent, elles, depuis 30 ans sous les noms de méthode " mixte ", " naturelle ", " à hypothèses " ou " phonétique ". Il faut également cesser de " médicaliser " l’échec pédagogique et d’en rendre responsable l’élève lui-même. Sur 10 élèves prétendument " dyslexiques " ou " dyphasiques " fréquentant les cabinets d’orthophonistes, 9 sont uniquement, de l’avis des praticiens, des élèves auxquels on a mal appris à lire.

C'est ici qu'il faut de la détermination.

Parce qu'il va falloir du courage pour faire la promotion des méthodes syllabiques, ou même simplement faire respecter le principe de la liberté pédagogique : ce serait la preuve de la confiance que le ministère dit accorder aux enseignants.

Il ne suffira pas de " lutter contre l'illettrisme ", il faut apprendre à lire à tous nos élèves.

Et pour cela, faire la promotion des méthodes dont l’efficacité est la plus grande, en faisant fi des cris d'orfraie des apôtres de la méthode globale et de tous ses avatars, qui " tiennent " la lecture dans l'éducation nationale depuis 30 ans et sont les vrais responsables de cette catastrophe culturelle.

Il est temps également de réhabiliter l’apprentissage systématique de la langue par le recours à des exercices grammaticaux nombreux et variés, et rendre à l’exercice formateur de la dictée la place importante que des apprentis sorciers lui ont ôtée. À cet égard, puisque M. Ferry reconnaît en donner une à sa propre fille quotidiennement (Le Point, 25 janvier 2002), il n’est pas concevable que, pour se conformer à la désastreuse démagogie qui a gangrené le système scolaire français, il continue à défendre des programmes qui en consacrent le bannissement.

 

 

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter sur le site du collectif Sauver les lettres (www.sauv.net) les textes suivants :

- " Mathieu et Océane au C.P. ", http//www.sauv.net/oceane.php

- " Le ministère condamne la méthode globale et recommande… la méthode globale ", http://www.sauv.net/primilsdisent.php

- " La " réforme " Lang : analyse des textes concernant l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ", http://www.sauv.net/wettstein2.php

- " de Ferry Jules à Ferry Luc ", http://www.sauv.net/ferry.php

- " Apprentissage de la lecture : le non-sens des pédagogies actuelles ", http://www.sauv.net/wettstein.php

- Horaires de français dans l’enseignement élémentaire, 1923-2002, http://www.sauv.net/prim_horaires.htm

Et d’autres.


Collectif Sauver les lettres