I) OPINIONS DIVERSES

1) Georges GLAESER "Mathématiques pour l'élève-professeur" Hermann 1971

"Le calcul ne fournit souvent qu'un résultat ou une vérification. Il n'en demeure pas moins qu'il constitue un excellent bricolage puisqu'il permet de deviner la réponse, ce qui facilite la découverte d'une démonstration causale.
Les chercheurs se livrent souvent, en secret, à de lourds calculs, mais s'efforcent de les éliminer des textes qu'ils publient, masquant ainsi le cheminement de leur découverte. C'est ainsi que le mépris du calcul est devenu une mode"

(G. GLAESER à écrit un excellent livre en 1951, "L'entraînement mathématique au calcul algébrique", livre qui n'est pas réédité car tout le monde s'en fout)

2) Marc Ferrant, ingénieu(x ou r) commercial de chez Casio nous déclare tout au contraire :
 
"Au risque de me répéter, je considère que faire des mathématiques ce n'est pas faire montre de compétences calculatoires (que ce soit numérique ou algébrique), même si, jusqu'à ces dernières années, ces savoir faire étaient indispensables au bon déroulement d'un cheminement mathématique.
Les outils de calcul n'existant pas :
- ou il fallait tout faire à la main (avec tout ce que cela comporte de temps perdu, de sources d'erreurs et d'érosion de l'objectif à atteindre),
- ou il fallait les inventer! "


L'intégralité du chef d'oeuvre est sur le site CASIO. Lisez-le intégralement car il contient d'autres joyeusetés du même type et notamment l'affirmation de la primauté de la France pour la vente des calculettes "On est les champions" non démentie par la pratique du ministère qui réglemente sans honte l'utilisation des calculettes lors des concours par des restrictions sur la taille du boîtier :

"La France est sans doute le plus gros consommateur de calculatrices au monde.
Tous les élèves de Collège et de Lycée en ont au moins une. (Montrez moi du doigt ceux qui n'en ont pas !). Tous les professeurs de math devraient en exploiter pédagogiquement les possibilités (Je ne veux pas connaître les derniers irréductibles !). L'usage des calculatrices dans les autres pays du monde en est aux balbutiements (tous ne sont pas encore sortis du ghetto de l'interdiction)."
3) Les experts chargés officiellement de la « Prévision » par l'État (Simon NORA très proche de Jacques Delors et Alain MINC consultants qui auraient besoin d'un consultation sur une mission donnée par VGE) avaient déjà prévu le coup en 76, on ne peut donc pas dire que l'on ignorait que l'emploi massif des calculettes ne favoriserait pas la baisse de niveau "humaine" en calcul :
 
"Dans un premier temps, cette informatisation de l'écrit portera sur les textes les plus pauvres en "signifiants". Ce ne sera pas une mutation majeure par rapport à un mode d'écriture déjà répétitif et mécanique. Mais au-delà ? Où s'arrêtera la communication informatisée, lorsque les ménages commenceront à être équipés en ordinateurs ? La question pourrait apparaître gratuite, s'il n'y avait le précédent des calculatrices électroniques. Nul n'aurait imaginé, il y a quinze ans, la floraison d'appareils peu onéreux, à la portée de chacun et d'abord des élèves. Aujourd'hui la question n'est plus de savoir si le calcul va reculer, mais quand il va disparaître."
Rapport NORA / MINC : "L'informatisation de la société" Ed. du Seuil (p 117)
Pour les jeunes qui n'ont pas connu cette époque et qui penseraient que je cite un texte secondaire, il faut dire que le rapport Nora/Minc fut un texte très connu qui a même été publié en collection de poche. Donc, pour ceux qui sont plus vieux et responsables, on ne ne peut pas dire qu'ils pouvaient ignorer ce fait.
 

4) Les membres de la COPREM, "dont on sait le rôle essentiel qu'elle a joué dans l'élaboration des nouveaux programmes de mathématiques " dixit M. Pierre Legrand, Doyen de l'Inspection Générale de Mathématiques étaient de véritables visionnaires puisqu'ils avaient préparé le terrain dès 1983 pour le BO Spécial 7 actuel en écrivant :

 
"La maîtrise parfaite des “quatre opérations” effectuées sur papier n'est plus de nos jours une nécessité absolue en soi, puisque le cas échéant la machine peut jouer un rôle de “prothèse pour le calcul”. Il n'est donc pas très important d'atteindre une grande fiabilité dans l'exécution sur papier des opérations : en cas d'urgence, on pourrait se procurer pour une somme modique (quelques paquets de cigarettes) une calculette à la boutique du coin. [...]
 L'algorithme de la division pose plus de questions d'enseignement que celui de la multiplication. D'une présentation moins facile, encore que certains maîtres savent bien la mettre en place auprès de leurs élèves, il est aussi d'une exécution plus délicate dans le cas général, avec la nécessité d'une estimation (en tant il y va combien de fois tant ?) à chaque étape. Les avis sont alors partagés, entre les deux positions extrêmes :
— viser à l'acquisition sûre d'une technique de division à la main
— abandonner la division à la main.
Il a paru prématuré dans le présent texte de trancher entre ces deux positions, ou d'opter pour une position intermédiaire. La question mérite d'être approfondie à l'occasion de l'étude du thème “algorithmes”, actuellement entreprise au sein de la COPREM.
En tout cas, ce qui n'est pas à remettre en cause, mais au contraire à développer, c'est le sens de la division"
Les membres de la COPREM ("Commission Permanente de Réflexions sur l'Enseignement des Mathématiques") étaient :
Jean Martinet (Président de la COPREM jusqu'en 1985), François Pluvinage (Responsable du groupe “Collège"), Henri Bareil, Claudine Chevalier, Régine Douady, Françoise Ligier, Jean-Pierre Ohran, Nicole Picard, Serge Thévenet, Gérard Vergnaud, Gérard Vinrich.
Étaient représentées à la COPREM : la Direction des Écoles (Mme Vimont), celle des Collèges (M. Rouquairol), celle des Lycées (D. Reisz), et I ‘Inspection Générale de Mathématiques.

Y'avait du beau linge. Y'avait même tout le monde, des concepteurs aux vérificateurs. Il manquait, mais seulement physiquement, les éditeurs et les vendeurs de bidules. Il serait intéressant de savoir quels ont été les arguments de ceux qui "visaient à l'acquisition sûre d'une technique de division à la main" car ne sont présents dans le texte sur le calcul numérique que ceux des "autres".
Les citations sont tirées de "Contribution à l'enseignement mathématique contemporain : Analyse des contenus, méthodes, progressions, relatifs aux principaux thèmes des programmes : La proportionnalité / Le calcul numérique" MEN CRDP Strasbourg Dépôt légal 1987
Une critique partielle de la partie " Calcul Numérique" de cette brochure accompagne ce texte.

 5) Dernière nouvelle : B.O. 7

"L'existence des calculettes oblige à reconsidérer globalement l'apprentissage de la division. Alors que les techniques de l'addition, de la soustraction et, de façon plus délicate, la technique de la multiplication permettent d'enrichir le sens que les élèves donnent à chaque opération, il n'en est pas de même pour la division. Apprendre à faire une division est un travail formel qui n'éclaire pas le sens de cette opération et qui par ailleurs prend beaucoup de temps. D'autre part, même si l'élève parvient à acquérir cette technique, celle-ci est souvent vite oubliée."


Ceci émane des instance rédactrices des programmes de notre chère mère l'Éducation Nationale et se trouve dans le BO Spécial 7.
Ce bijou post moderniste est arrivé alors que j'écrivais ce texte mais s'insère tout à fait dans la logique prévisible et prévue il y a 25 ans par le rapport Nora/Minc. Mais il aurait été inacceptable de le dire tout cru en 1975 quand la majorité des profs connaissait encore les vieilles progressions et n'avaient pas été formés par les ténors des sciences de l'Éducation dans les IUFM.
Une critique partielle du BO Spécial 7 accompagne ce texte

6) L'American Mathematical Society publiait déjà en Fevrier 1998 un rapport de son groupe de travail sur l'éducation ou elle affirmait :

"We would like to emphasize that the standard algorithms of arithmetic are more than just 'ways to get the answer' -- that is, they have theoretical as well as practical significance" . Càd : "Nous voudrions particulièrement insister sur le fait que les algorithmes classiques de l'arithmétique càd les opérations ne sont pas seulement un "moyen de trouver la réponse" c'est-à-dire qu'ils ont une signification théorique et pratique"
La COPREM en 83 disait texto* : "L'important n'est pas alors d'apprendre une technique mais de trouver un moyen d'obtenir un résultat"
Au même moment, plus de 100 Mathematiciens Californiens adressaient une lettre à M.Reed, Chancellor of the California State University system, pour protester notamment contre le fait que l'on n'exige pas que les élèves entrant en college sache faire de longues divisions et qu'on ne limite pas leurs capacités à faire des divisions ou le diviseur a un seul chiffre  ("The letter explicitly pointed out that the rejected Commission Standards "fail to require K-12 students ever to master long division when the divisor has more than a single digit.").
Le BO7 1999 fait mieux dans la bêtise puisqu'il limite même le dividende  "en restant dans le champ de la table de multiplication liée au diviseur (si on divise par 6, le dividende ne dépassera pas 60)".

Ces position  répondaient textuellement à la position "d'experts" l'Amérique a aussi ses experts chargés de la mise en place de nouveaux programmes qui affirment eux :

"It's time to recognize that, for many students, real mathematical power, on the one hand, and facility with multidigit, pencil-and-paper computational algorithms, on the other, are mutually exclusive. In fact, it's time to acknowledge that continuing to teach these skills to our students is not only unnecessary, but counterproductive and downright dangerous." . Càd "Il est temps de reconnaître que, pour beaucoup d'élèves, s'excluent mutuellement d'une part, la véritable puissance des mathématiques et, d'autre part, la capacité des faire des opérations à plusieurs chiffres à la main. En fait, il est temps de comprendre que le fait de continuer à enseigner ces techniques n'est pas seulement non nécessaire mais contre productif et tout à fait dangereux"
En novembre 99, est parue, sous la responsabilité entre autres des principaux mathématiciens qui avaient organisé la lettre à Reed de 1998, une lettre ouverte à M. Riley, secrétaire d'Etat Américain à l'Education qui s'oppose directement aux spécifications de l'expert cité ci-dessus. Cette lettre (0b),  a été cosignée, ce coup-ci au niveau national, par plus de 200 chercheurs de toutes les spécialités, y compris quatre Prix Nobel et trois titulaires de son équivalent mathématique, cad des  médailles Fields  (Paul Cohen, Vaughan Jones et Edward Witten)  . Le 4 Janvier 2000, le Wall street Journal (0a) a pris la défense des auteurs de la lettre dans son éditorial principal.
On trouve à cette adresse aussi la traduction en Français : cette traduction n'a pas été faite par le GTD qui ne parle pas du tout , dans les documents joints pour justifier ses programmes, des positions des mathématiciens américains, fussent ils soutenus par des  Médailles Fields, positions qui ne datent pas d'hier : il y a deux solutions aussi lamentables pour des gens qui prétendent connaître le sujet dont ils parlent : soit ils ne connaissent pas ces positions - les maths seraient-elles maintenant définies par leurs "spécificités nationales" par les gens qui, en d'autre temps,  les avaient définies comme "langue universelle"- , soit ils les cachent volontairement.
On peut aussi remarquer le silence assourdissant de la communauté des mathématiciens français sur des sujets qui sont quasiment les mêmes que ceux qui sont abordés par la lettre à Riley et notamment - mais il y a bien d'autres sujets communs-  sur l'importance de la pratique des opérations : il n'y a eu ni protestation officielle lors de la publication des textes de la Coprem en 1983 ni lors de la publication du BO7 en septembre 99, ni entre temps.

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