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QUELQUES REMARQUES
SUR L’EVOLUTION DES HORAIRES DE FRANÇAIS
A L’ECOLE ELEMENTAIRE

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      M. Jean Ferrier est Inspecteur général de l’Education nationale. Il fut le Directeur des écoles du ministère Jospin et, à ce titre, l’un des promoteurs de la Loi d’orientation sur l’éducation, qui instaura la " politique des cycles ".

 

1. Un " rapport " méconnu

      En 1998, M. Jean Ferrier remettait à Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l’enseignement scolaire, un " rapport " intitulé Améliorer les performances de l’école primaire, dans lequel il notait :

Selon les années, ce sont entre 21 et 42% des élèves qui, au début du cycle III (entrée au C.E. 2), paraissent ne pas maîtriser le niveau minimal des compétences dites de base en lecture ou en calcul ou dans les deux domaines. Ils sont entre 21 et 35 % à l'entrée au collège. […] l'institution ne peut pas ne pas prendre très au sérieux la situation ainsi révélée : on peut estimer à environ 25% d'une classe d'âge la proportion des élèves en difficulté ou en grande difficulté à l'entrée au collège. "

 

2. " La qualité des apprentissages et les progrès des élèves sont en relation directe avec le temps consacré aux apprentissages "

      Pour expliquer cette situation – assurément dramatique – et ces constats chiffrés – en totale opposition avec le " mythe " du " niveau qui monte " – Jean Ferrier indiquait :

Le temps dévolu au français et aux mathématiques varie du simple au double : en français, entre 7,42 heures et 15,8 heures (11,25 heures en moyenne) et en mathématiques entre 3,17 heures et 7,12 heures (4 heures en moyenne). Une étude conduite sous l‘égide de la direction de l’évaluation et de la prospective en 1994 et 1995 révèle, pour des classes de C.E. 2 que le temps de travail journalier va de 3 heures 50 à 4 heures 45 et que le temps quotidien des récréations atteint en moyenne 49 minutes (le temps officiel étant de 30 minutes). Ce seul écart du temps de travail quotidien qui avoisine une heure par semaine représente, cumulé sur l’année, plus d’une semaine scolaire. II n’y a aucune raison de penser que les classes des autres niveaux fonctionnent de manière plus rigoureuse. Or, la qualité des apprentissages et les progrès des élèves sont en relation directe avec le temps consacré aux apprentissages, diverses études en attestent en France et à l’étranger. C’est d’ailleurs une approche de bon sens : on ne peut s’étonner de déficits d’apprentissages quand le temps de travail est réduit, surtout quand il n’y a aucun relais extrascolaire. "

      Jean Ferrier notait aussi que " le scolaire se dilue dans le social voire dans le récréatif ", et dénonçait " le nombre croissant de sorties scolaires " ou " les délégations abusives de compétences faites à des intervenants extérieurs ".

      Assez curieusement – ou bien plutôt : très naturellement – ce " rapport " est, pour ainsi dire, passé inaperçu.
      Pourtant, l’un des constats qu’il fait, et présente comme relevant du " bon sens " – " on ne peut s’étonner de déficits d’apprentissages quand le temps de travail est réduit " – est attesté par les faits, comme en témoigne la comparaison suivante.


3. Comparaison horaire 1967-68 / 2000-01

  1. L’horaire de l’année scolaire 1967-68 – horaire national – était conforme aux IO du 23 novembre 1956. Il a été appliqué jusqu’en 1969 (IO du 7 août) – année qui a vu le passage de 15 h. à 10 h. de français au C.P. (soit une diminution d’un tiers).

  2. L’horaire actuel est conforme à l’arrêté du 22 février 1995. Il comporte une part de " flexibilité " (comme le notait Jean Ferrier dans son rapport, " le temps est très inégalement utilisé par les enseignants "):

Horaires hebdomadaires du cycle II (C.P., C.E. 1) (1)

Niveau

1967-68

2000-01

Variation hebdomadaire

Variation annuelle

C.P.

15 h.

9 h.

- 6 h.

- 216 h.

C.E. 1

11 h. ½

8 h. / 9 h.

- 3 h. ½ /

- 2 h. 1/2

- 126 h. / - 90 h.

Horaires hebdomadaires du cycle III (C.E. 2, C.M. 1, C.M. 2)

Niveau

1967-68

2000-01

Variation hebdomadaire

Variation annuelle

C.E. 2

11 h. ½

7 h. ½ / 9 h.

- 4 h. / - 2 h. ½

- 144 h. / - 90 h.

C.M. 1

9 h.

7 h. ½ / 9 h.

- 1 h. ½ / 0

- 48 h. / 0

C.M. 2

9 h.

7 h. ½ / 9 h.

- 1 h. ½ / 0

- 48 h. / 0

Variations globales

Année

1967-68

2000-01

Variation

Total (2)
école élémentaire

2 016 h.

1 422 h. / 1 620 h.

- 594 h. / - 396 h.

Moyenne hebdomadaire
école élémentaire

11 h.

8 h. / 9 h.

- 3 h. / - 2 h.

      Outre la réduction drastique des horaires de français, que fait apparaître cette comparaison, on notera la disparité entre les écoles :

  1. Ecole où l’on n’enseigne pas les langues vivantes
    1. Perte en 5 ans : 396 h.
    2. Nombres de semaines supplémentaires à effectuer (sur la base d’une semaine à 9 h. en moyenne) pour retrouver l’horaire de 1967-68 : 44 – soit 1 année scolaire et 8 semaines. A l’inverse, pour passer à l’horaire actuel, il aurait fallu retrancher aux élèves de 1967-68 (sur la base d’une semaine à 11 h. en moyenne) 36 semaines – soit l’année de C.M. 2.
  1. Ecole où l’on enseigne les langues vivantes
    1. Perte en 5 ans : 594 h.
    2. Nombres de semaines supplémentaires à effectuer (sur la base d’une semaine à 8 h. en moyenne) pour retrouver l’horaire de 1967-68 : 74 – soit 2 années scolaires et 2 semaines. A l’inverse, pour passer à l’horaire actuel, il aurait fallu retrancher aux élèves de 1967-68 (sur la base d’une semaine à 11 h. en moyenne) 54 semaines – soit l’année de C.M. 2 et une moitié de l’année de C.M. 1.

      La réalité du nombre d’heures perdues varie selon les établissements (jusqu’à une date récente, les enseignants du premier degré semblent s’être montrés peu enclins à l’enseignement des langues vivantes. Néanmoins, le cours des choses s’est en partie inversé, en raison de l’introduction d’" intervenants extérieurs ", dont les " aides-éducateurs "). Il est probable qu’elle se situe aux alentours de la moyenne des deux situations (théoriques) présentées ci-dessus : 495 h. – soit, sur la base d’une semaine à 8 h. ½ en moyenne, un peu plus de 58 semaines.

      Il est de bon ton, désormais, de multiplier les " aides individualisées ", " aides au travail personnel ", ou autres " heures de remise à niveau ".
      Mais le " bon sens " – celui de M. Jean Ferrier – ne commanderait-il pas de rétablir d’abord – et au plan national, afin de faire cesser les disparités – un horaire de français suffisant à l’Ecole primaire ?


Julien Esquié

1. Le découpage en " cycles " n'existait pas en 1967-68. Il a été introduit par la loi d'orientation du 10 juillet 1989.
2. Sur la base d'une année scolaire comptant 36 semaines.

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