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  Enfance et scolarité J’ai grandi dans les années soixante-dix, dans le milieu dit  « gauchiste » post soixante-huitard, à Montpellier.Mère médecin généraliste versée dans la psychanalyse, père ingénieur  agronome à l’INRA, intéressé par le développement du Tiers-Monde.
 Dans la famille, un certain nombre de médecins, de psys et de profs.
 Mes grands-parents paternels, en particulier, avaient été professeurs en  Ecole Normale d’Instituteurs. Ils avaient connu l’ascension sociale que pouvait  offrir l’école des années 1920 : repérés par leur instit dans leur école  de campagne, certificat d’étude, entrée à l’Ecole Normale à quinze ans, formés  trois ans, diplômés instits à dix-huit ans, quelques années d’enseignement,  puis concours, pour terminer, elle, professeur de mathématiques, lui,  professeur de physique. Ils avaient connu deux guerres, ils étaient pacifistes,  favorables au Front populaire, engagés dans le mouvement des Auberges de  Jeunesse, et plus tard, ils ont apporté leur soutien au mouvement des  objecteurs de conscience.
 Mes parents, eux, ont toujours voté à gauche, et pour autant que je  sache, socialiste. Quand nous étions enfants, ma sœur et moi, ils nous  emmenaient dans des manifs ou dans les grands rassemblements du Larzac.
 Nous sommes allées à l’école publique du quartier, à La Paillade, qui  rassemblaient des enfants de petits bourgeois, comme moi, des enfants de  familles ouvrières, des enfants d’immigrés algériens, de familles gitanes, de  familles pieds-noirs… L’ambiance était parfois agitée, il arrivait aux maîtres de  se fâcher très fort, mais rien qui pouvait effrayer un enfant de six ans ou dix  ans. Pour moi, tout allait bien.
 J’adorais l’école. J’aimais l’air du matin quand je sortais de la maison  pour m’y rendre à pied, avec ma sœur. J’aimais l’odeur des couloirs, des  salles, des livres, des cahiers. J’aimais la paix de la classe.
 J’ai commencé à lire, à un rythme soutenu, à partir du CP. Ma grand-mère  paternelle alimentait régulièrement ma bibliothèque. Je trouvais aussi un grand  choix de livres dans la maison de vacances de mon grand-père maternel :  des romans pour enfants, des livres jaunis, dont j’adorais l’odeur de vieux papier.  La lecture s’est installée dans ma vie pour toujours. Puis l’écrivain, comme  figure idéale.
 Mars 1981 : élection de François Mitterrand à la présidence de la  République. Explosion de joie, champagne, les voisins en liesse et des mois  d’euphorie, dans l’entourage de mes parents.Alors que j’étais au milieu de mon CM1, en mars 1982, nous sommes partis  pour deux ans au Mozambique, qui avait accédé à l’indépendance en 1975. Mon  père s’y rendait en tant que coopérant, employé au ministère de l’agriculture.  Nous habitions Maputo, la capitale, dans un petit appartement d’un immeuble de  deux étages. Ma mère occupait un poste de médecin à l’hôpital psychiatrique,  employée du gouvernement mozambicain.
 Maputo… les jacarandas, les bougainvilliers, les flamboyants, la terre  rouge des trottoirs. Les mangues, les goyaves, les papayes et les mandarines,  la farine de maïs et le poisson préparés quotidiennement, les parties de corde  à sauter endiablées des petites filles dans la rue, les femmes et leur enfant  dans le dos, la façon experte et gracieuse d’installer l’enfant et de nouer le  tissu, la grâce de la démarche, bébé tendrement endormi contre sa mère portant un  grand paquet sur la tête. L’accent chantant du portugais mâtiné de shangane,  les longues marches à pied dans la ville, avec ma sœur, pour rendre visite à  des amis, le salut joyeux des femmes : « Olà, meninas ! »,  quand elles voyaient passer les enfants blondes que nous étions ; le monde  entier réuni, par le biais des coopérants ou des réfugiés politiques : l’Amérique  Latine, l’Europe du Nord… La lumière radieuse, l’air léger, la plage au bord de  la ville. Les discours interminables du président, quelques mesures contre la  liberté d’expression, les contrôles militaires lors des déplacements hors de la  ville, l’Afrique du Sud voisine encore sous apartheid, les magasins souvent  vides, les coupures d’eau régulières, les longues files d’attente pour toute  démarche administrative, les inondations d’après cyclone, suivies de sécheresses,  la guerre civile qui commence au Nord et descend vers Maputo, lentement et  sûrement, les routes devenues dangereuses… La guerre était aux portes de la  ville, quand nous sommes partis. Je n’ai jamais senti la guerre. Juste la paix  magique de cette ville magnifique, avec ses grands jardins fleuris aux vues sur  l’Océan Indien.
 Retour en France en décembre 1984.Ces années-là, politiquement, c’était avant tout la montée inquiétante  du Front National.
 Première percée spectaculaire en 1986, lors des législatives.
 A Montpellier, au collège, j’entendais régulièrement des discours  violemment racistes, de la part de certains enfants, souvent de famille  pieds-noirs. J’avais parfois des discussions houleuses avec des camarades qui  affirmaient : « Tu diras ce que tu diras, les Arabes, il y en a trop. »  A la caisse d’un supermarché, une jolie caissière, qui dit tranquillement :  « Ma fille n’aura pas d’enfants tant que ce pays ne sera pas  nettoyé ». Tant de propos de ce type. A vous nouer la gorge pour toujours.
 1987 : Le procès Barbie. Je l’ai suivi avec passion. J’ai lu des  livres sur la Shoah, dont le magistral, incroyable, Dernier des Justes, d’André  Schwart-Bart.
 1988 : Arrivée en banlieue Parisienne. Les luttes contre le Front  National se poursuivaient. « Touche pas à mon pote », « SOS racisme »,  « Fêtes de toutes les couleurs » à la Courneuve… Mes amis et moi  étions de tous les rassemblements.1991 :  Fac en philo, à  Nanterre. Je traversais une période sombre. J’étais une étudiante moyenne. Mais  j’ai réussi à mener quelques lectures et suivre des cours magnifiques, qui  m’ont laissé, par bribes précieuses, des marques définitives. Ce sont les  écrits politiques qui m’intéressaient le plus : Kant, Condorcet Rousseau…  et surtout Spinoza, dont je n’ai jamais lu l’Ethique en entier, mais  plusieurs fois les écrits politiques et les lettres.
 1997 : Maitrise, sous la direction d’Etienne Balibar : Spinoza  et la tolérance.
 A bonne école
 Je suis venue à bout de la rédaction de ma maîtrise grâce au soutien  bienveillant du compagnon de ma mère - père de mon petit frère -, Christian  Geffray, détenteur d’une maîtrise de philosophie, puis d’un doctorat en  sociologie, qui lui avait valu d’être nommé dès la fin de sa soutenance à  l’Orstom – IRD-, dans le département d’ethnologie, en 1987. Il s’est intéressé à mon sujet, en a longuement discuté avec moi,  particulièrement quand je me trouvais bloquée dans l’avancement de mon texte,  me permettant chaque fois de résoudre mes difficultés. Il m’a même accompagnée  au magasin de reprographie pour faire imprimer et relier mon texte, concluant les  quelques semaines de travail en sa compagnie par un tranquille :  « C’était bien ».
 Ma mère, séparée de mon père depuis 1983, l’avait rencontré au  Mozambique, où il travaillait pour sa thèse, une étude de la société Makhuwa, dont  il a tiré son premier livre : Ni père ni mère, publié en 1990.
 Son deuxième livre, La Cause des armes, paru lui aussi en 1990,  porte sur la guerre au Mozambique. Ce qui m’a frappée dans ce beau texte, c’est  son immense considération pour ses interlocuteurs. Des gens montrés dans leur  dignité et leur courage, comme cette femme réfugiée, qui venait de traverser  les lignes ennemies à pied avec ses enfants, qu’on s’attend à voir décrite  comme épuisée et inquiète, et dont il souligne avant tout le sourire radieux.
 Il a travaillé ensuite six années au Brésil, enquêtant  sur les récolteurs de caoutchouc, les trafiquants de drogue, les Indiens Yanomami.  Il en a tiré deux autres livres : Chroniques  de la servitude en Amazonie brésilienne : essai sur l'exploitation  paternaliste, paru en 1995, Le  Nom du Maître : contribution à l'anthropologie analytique, publié en  1997.
 Tous les terrains qu’il a étudiés étaient violents. Je me demande si la  grande affaire de sa vie, ce n’était pas de comprendre la violence, de ne pas  se laisser vaincre par elle, en la canalisant, filtrant, transformant par  l’écriture. Autre affaire primordiale : rester confiant. « Le  courage, ça existe, tu sais », m’a-t-il souvent rappelé. Quiconque discutait  avec lui se sentait considéré au plus haut de lui-même. Un jour qu’il me  parlait de la Shoah, il m’a dit : « Il faut chercher à comprendre  tout le monde, même les nazis ».
 Il avait terminé le manuscrit de son cinquième livre, Trésor, et  il commençait un travail sur le génocide du Rwanda, quand il a soudain disparu.  Emporté, en deux heures, le vendredi 9 mars 2001 après-midi, par un infarctus  massif.
 Pour tous ceux qui l’aimaient : la fin du monde.
 J’ai grandi sous ses ailes, je suis entrée dans ses pas, je l’ai suivi  comme une ombre, je me suis tenue tout près, encore plus près qu’il ne s’en  doutait, j’ai écouté, observé, j’ai gardé tout ce que je pouvais. J’avais  trouvé, avec lui, quelqu’un qui partageait et faisait vivre devant moi mon  idéal : l’écriture et le combat.Je l’ai vu écrire. Il m’a laissé des principes simples qui ne me  quittent jamais : « Tu auras revu ton texte cent fois avant qu’il  soit terminé à tes yeux. Quand tu relis, tu coupes, tu coupes, tout ce qui est  en trop, impitoyablement. Si une expression n’est pas parfaitement claire, tu la  reprends. En cherchant une meilleure forme, tu peux tomber sur un nœud, et de  devoir le démêler peut te conduire à tout recommencer. Et c’est comme ça que tu  auras appris quelque chose. Ensuite, lisser, lisser le texte, comme un  sculpteur polit une statue. Et si c’est difficile, et que la nuit, tu ne dors  plus, quand un texte résiste ? C’est la moindre des choses. »
 Je lui ai un jour demandé : « Sinon, toi, qui constate tant  d’injustice et de malheurs, que fais-tu pour améliorer le monde, à part écrire  des livres ? » Réponse après réflexion : « De toutes  façons, quand il y a vérité, il y a effet ».
  IUFM et associations
 Après avoir échoué deux fois au CAPES de philo, je me suis tournée vers  le CRPE – Concours de Recrutement des Professeurs des Ecoles. Je l’ai passé  pour avoir une idée de l’examen, en vue de m’y consacrer l’année suivante.  Surprise, j’ai été admissible. J’ai préparé l’admission en catastrophe, en deux  semaines, et j’ai été admise, en grande partie grâce au grand oral, au cours  duquel j’ai pourtant annoncé au jury que je transformais la question du sujet  parce qu’elle me paraissait mal posée ; j’ai parlé librement, je me suis  même un peu fâchée pour répondre à une question légèrement provocatrice de  l’examinatrice – qui m’a adressé un grand sourire quand je me suis levée. Je  pensais avoir tout fait capoter. Ils m’ont attribué 18. Coefficient 5.  Je suis entrée à l’IUFM -Institut Universitaire de Formation des Maîtres  - en septembre 1999. Un drôle de monde à mes yeux. Des discours dogmatiques.  Des démarches d’apprentissages figées. Un grand accent mis sur la forme, très  peu de contenu. Une méfiance féroce à l’égard toute pratique ou pensée qui  avait plus de dix ans d’âge. Une surveillance menaçante des propos des  stagiaires. Ces derniers, mal à l’aise. Une grande tension. A mes yeux un  scandale, pour un lieu de formation d’enseignants. D’autant plus qu’il n’était  pas connu à l’extérieur.Souvent, après les cours, j’avais de longues discussions avec Christian  Geffray. C’est lui qui m’a suggéré de tenir un journal. J’ai alors pris des  notes précises pendant les cours, interrogé les formateurs pour les encourager  à développer leur discours, et je notais mes remarques le soir dans un cahier.
 J’avais pris contact pendant l’été précédent avec l’association Reconstruire  l’Ecole. Elle était constituée de professeurs du secondaire qui  constataient que s’opérait, dans les programmes, les directives, les manuels,  la formation des enseignants, dans toute l’institution scolaire, depuis  quelques années, un recul inquiétant des contenus de savoirs, accompagné d’une  tension idéologique et dogmatique sur les méthodes et les discours. Ils  s’efforçaient d’y résister en continuant d’enseigner d’une part, et en  proposant d’autre part des textes d’analyse de la situation, des réflexions,  des propositions, selon le principe : « Rendre la parole sur l’école  à ceux qui la font ». 
 Instit : enseigner, observer, témoigner
 Quand j’ai commencé dans le métier, je me suis dit que non seulement je  devenais instit, mais que j’entrais aussi, pour y participer, dans la grande  histoire de l’école républicaine, qui commence avec la Révolution et les Mémoires  sur l’Instruction Publique de Condorcet, dans l’héritage des Lumières et  des textes de Rousseau, dont la pensée se poursuit avec les textes de Ferdinand  Buisson, les lois Ferry sur l’école publique, et continue avec des auteurs  comme Alain, Muglioni, Milner… L’école est pour moi l’élément le plus important de la société. Toutes  les institutions sont importantes, tous les domaines professionnels, mais avant  tout : l’école. Elle détermine le reste. Dans la vie des individus, dans  la vie d’un pays entier. C’est d’elle que dépend que les citoyens détiennent les  connaissances qui leur permettront de mener une vie libre, choisir un métier,  décrypter les événements, s’exprimer avec aisance, résister s’il le faut.
 L’histoire prouve que l’Ecole publique, ça ne va pas de soi ;  instituée de haute lutte, elle est ensuite continument menacée par des logiques  qui lui sont contraires, hors et dans l’institution elle-même… De fait, l’école  ne tient, depuis ses débuts, que par la combativité de ses membres. Comme la démocratie  dans son ensemble, elle aussi obtenue de haute lutte et à garder avec  vigilance. Les libertés ne se maintiennent pas toute seule. Il  appartient aux citoyens qui le peuvent et le veulent de veiller. De guetter les signes du  danger. De se battre si besoin. On ne choisit pas. Une fois qu’on a connu  l’alerte une fois, le radar est en place. L’alarme sonne avant qu’on ne  comprenne, sous la forme d’un malaise sourd.
 Mon premier poste a été un CP. Ce niveau tombait bien pour moi. J’y  retrouvai une réflexion qui me rappelait la philo : pour trouver les  chemins pour conduire les enfants à apprendre à lire, il fallait chercher dans  les détails, découvrir des mondes infinis dans de l’apparent pas grand-chose, rechercher  pourquoi ce qui semble évident ne l’est pas…  J’ai poursuivi le travail de réflexion avec Reconstruire l’Ecole,  puis avec Sauver les Lettres, et plus tard avec le GRIP (Groupe  de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes). Les heures de discussions  avec les collègues de ces associations, lors de réunions ou de séances de  travail, m’ont appris énormément sur l’histoire de l’école et sur les  conditions actuelles, m’ont permis d’avoir des nombreuses références de textes divers,  de manuels variés de qualité, et m’ont aidée à élaborer peu à peu mon  enseignement. C’était l’époque des grandes manifestations contre Allègre, qui avait  réussi à mettre bon nombre d’enseignants, toutes tendances pédagogiques  confondues, dans la rue, en adoptant, pour conduire ses réformes, des moyens  particulièrement autoritaires et en tenant des propos méprisants à l’égard des  enseignants.
 C’est en partie de m’être trouvée dans cet environnement associatif  militant qui m’a donné l’idée d’opter, dès ma première année, pour une méthode  syllabique pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. C’est un choix  qui peut sembler naturel vu de l’extérieur, d’autant plus aujourd’hui, mais à  l’époque, c’était presque comme convoquer le diable et revenir à des temps  sauvages. Il fallait alors enseigner par la méthode mixte. C’était la seule  dont il était question dans les textes officiels et les manuels disponibles n’en  proposaient pas d’autres. J’ai acheté sur mes frais une ancienne méthode  syllabique - la méthode Boscher -, que je cachais lors que j’étais visitée par  des formateurs.
 En 2002, encouragée par des amis enseignants, j’ai entrepris, en  collaboration avec Françoise Samson, éditrice chez Ramsay, de mettre en forme  mon journal et mes notes de cours d’IUFM, qui a donné Journal d’une  Institutrice Clandestine, sorti en 2003. Ce qui me motivait par-dessus tout à publier ce livre, c’est que j’avais  détesté la tension idéologique que j’avais connue à l’IUFM, et que j’avais été  désolée de voir certains collègues ployer sous cette tension. Je me disais qu’il  fallait simplement que cette réalité soit connue. Pour que  les choses soient portées à l’extérieur et, éventuellement, débattues.
 Les années 2000 étaient riches en réformes, en mouvements de  protestation, en débats sur l’école. Le livre a trouvé sa place dans ces  débats, il a été largement relayé dans divers médias. Il a connu un certain  succès, puisqu’il s’est vendu dès la première année à 10 000 exemplaires et a  continué par la suite, dans son format de poche, pour atteindre, dans les  années suivantes, environ 40 000 exemplaires (1).
 Des enseignants m’ont dit être soulagés, que leur pensée soit enfin  exprimée. Des parents et des professeurs du secondaire m’ont remerciée de  mettre au jour l’inquiétante indigence de la formation des enseignants  primaires. Le livre a aussi provoqué des réactions très hostiles chez quelques  enseignants et parfois une irritation du côté de certains cadres de l’Education  Nationale.
 Beaucoup d’autres livres ont paru dans ces années-là, dans une optique  similaire au mien : exprimer une inquiétude sur l’avenir de l’école et réfléchir  à comment maintenir un enseignement de qualité à la portée de tous. Tous ces  livres ont compté. Tout ne va pas parfaitement bien aujourd’hui, mais le  discours s’est un peu allégé de son poids idéologique.
 Au bout d’un an, Françoise Samson m’a proposé de signer un deuxième  livre, qui est sorti en 2005 : Pourquoi et comment j’enseigne le b a ba.  Dans ce texte, émaillé d’interventions d’instits chevronnés, je m’efforçais de  décrire de quelle façon je concevais le travail en classe. Il a connu moins de  succès que le premier, a suscité des réactions furieuses chez certains  enseignants primaires, pendant qu’il trouvait chez d’autres, et chez des  parents d’élèves, une approbation chaleureuse. Sur les deux livres, dans certains forums, les propos outranciers  allaient bon train : « réac », « fasciste »,  « nazi »… Ces propos démesurés ont disparu aujourd’hui. Les  enseignants qui les ont tenus ont peut-être eu le temps de réaliser  qu’enseigner en banlieue dans une école publique avec le souci de faire réussir  tous les élèves, ce n’est pas ce qui correspond le mieux à la définition de  « fasciste »…
 
     (1) La maison mère des éditions Ramsay s’étant retrouvée en redressement judiciaire en  2004, je n’ai pu toucher à ce jour que les droits d’auteur des premiers  exemplaires vendus – quelques milliers.  
 Août 2020 On peut noter ces derniers temps quelques améliorations,  dans le fonctionnement de l’école, comme des changements intéressants dans la  formation initiale et, plus récemment encore, la prise de conscience de la  difficulté scolaire et la recherche de solutions ; mais on ne peut pas  dire que l’école aille tout à fait bien. Les charges administratives croissent  pour les enseignants, les programmes laissent à désirer – entre autres par la  prose lourde et complexe dans laquelle ils sont rédigés–, les évaluations nationales  s’allongent et se multiplient, l’enseignement en primaire se déroule encore  dans des conditions matérielles difficiles, pendant que de grandes pressions  pèsent sur les enseignants ; par ailleurs, les bons résultats se font  attendre, les postes manquent et les candidats au concours se font de plus en  plus rares…  Durant ces quinze dernières années, j’ai continué à enseigner,  appliquant des méthodes que je me forgeais petit à petit, par expérience,  observation, lectures, discussions avec des amis et des collègues. A partir de  2008, j’ai recommencé, parfois de façon irrégulière, à tenir un journal, à  raconter des moments de classes et à noter des réflexions. J’écrivais au gré des  sujets qui se présentaient au jour le jour – à la faveur d’une question, d’un  moment de classe, d’une discussion… Pour tout dire, je passe mon temps à prendre des notes mentalement, en me promettant  : "Il faudra écrire ça un jour". Souvent, en entendant quelqu’un  raconter un épisode de sa vie, je pense : "Tout ce que tu me racontes,  c'est si beau, il faudrait le mettre en texte un jour". C’est  comme si je me disais : « Tout doit être écrit, un jour où  l’autre ». Tout ce qui est beau, parce que c’est beau. Tout ce qui n’est  pas beau, parce que tout devient beau quand c’est bien écrit. Tout ce qu’on n’a  pas pu dire, pour une raison ou une autre, faute de temps, faute de pouvoir  être entendu. Tout ce qui inquiète. Tout ce qu’on ne comprend pas bien. Comme  si rien, à mes yeux, choses, pensées, événements, lieux… n’avait atteint  réellement son existence avant d’avoir été écrit. C’est en 2016 que j’ai souhaité reprendre la plume plus  activement, en vue d’un témoignage sur l’école. C’était tout ce qui me semblait  à ma portée pour à la fois continuer d’enseigner et apporter ma petite pierre à  la préservation d’une école de qualité. Je ne peux pas bouger des montagnes,  mais je peux raconter, exposer, réfléchir, dire ce que je fais, ce que je vois,  ce que je pense, et soumettre tout cela à la lecture du publique. C’est ainsi  que l’aventure du dernier livre a commencé. J’ai travaillé quatre ans, en  collaboration avec Françoise Samson, reprenant l’ensemble de mes textes depuis  2008, continuant mes chroniques, triant mon immense matériau, cherchant comment  organiser le tout, jusqu’à aboutir à ce troisième texte sur l’école, Bonjour  Maitresse !, Journal d’une institutrice d’aujourd’hui, qui sort ce 27  août 2020.  
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