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Quatre siècles de réformes.

Fiche de synthèse sur les réformes de l’enseignement du français.

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Dates

Contenus et modalités

Explication sociologique

Contenu idéologique

Apport disciplines périphériques

Place de la littérature

XVIe siècle

Valorisation progressive du français par rapport au latin.

1535 :
Ordonnance de Villers-Côterets.

Le latin règne encore exclusivement à l’école. Si, durant les premières années, les élèves se penchent sur les formes françaises, c’est uniquement pour mieux comprendre les formes latines. Une fois les rudiments acquis, on abandonne le français et seul le latin est toléré dans les établissements scolaires.

Le latin est la langue de l’Eglise catholique, langue des clercs.

L’Eglise réformée diffuse les textes sacrés en français.

Le latin

Des écrivains de haut talent tels Rabelais, Ronsard et Montaigne créent des œuvres marquantes en français. Le poète Du Bellay publie en 1549 sa Deffence et Illustration de la langue francoyse, dans laquelle il cristallise divers courants de pensée selon lesquels le français est promis à un grand avenir et peut égaler les langues anciennes dans tous les domaines.

XVIIe ET XVIIIe

siècles

Valorisation progressive du français en tant que langue nationale et internationale (au XVIIIe s)

La France d’alors ressemble en fait à une extraordinaire mosaïque linguistique. Les paysans et la plupart des gens du peuple parlent diverses langues et divers patois ou dialectes, lesquels varient d’une région à l’autre et ne sont pas forcément compréhensibles entre eux.

On ne voit pas la nécessité d’initier les masses à l’écriture, puisque les tâches manuelles qu’elles ont à accomplir ne demandent pas d’écrire. Il existe d’ailleurs des " écrivains publics " qui font profession de rédiger lettres, actes ou pétitions pour le compte des gens qui ne savent pas écrire.

On apprend à lire aux enfants pour favoriser l’enseignement du catéchisme, pour faire apprendre les prières.

Le français joue le rôle de langue nationale dans la mesure où il est en usage à la cour et dans les organismes de l’État, c’est-à-dire dans les cercles des classes dirigeantes et instruites.

Au XVIIIe siècle, il gagne les sciences et les techniques, et l’Europe des Princes l’adopte en tant que langue internationale.

Le latin

 

Sur la scène culturelle, le français accroît son prestige grâce à de grands écrivains comme Molière, La Fontaine, Voltaire , Diderot et Rousseau.

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Place de la littérature

Révolution de 1789

la Révolution de 1789 a combattu les langues, patois et parlers locaux pour faire du français la langue de tous les citoyens.

 

Souci de renforcer l’unité nationale.

   

XIXe siècle

La triade du lire-écrire-compter va constituer le pilier de l’enseignement primaire.

Le baccalauréat a été créé en 1808, lorsque la rhétorique et l’enseignement du latin, voire en latin, ont été restaurés dans les lycées napoléoniens.

L’examen est d’abord oral : les candidats sont interrogés collectivement, dans les conditions de la classe.

Alphabétisation de la majorité de la population atteinte à la fin du siècle.

Poursuivre l’unification nationale.

Pressions de l’industrie : progressivement, le besoin d’une main d’œuvre alphabétisée se fait sentir.

Essor des sciences et techniques : apport d’un vocabulaire nouveau.

Recul du latin : l’Université va autoriser la rédaction des examens et des thèses en français (en ce qui concerne la thèse de doctorat ès lettres en France, il faudra attendre un décret de 1903 pour que l’usage du latin devienne facultatif).

 

L’Histoire, jusqu’en 1830, fait partie des " humanités " : beaucoup de sujets de devoirs sur des questions morales, politiques, historiques.

En 1840, langue et littérature françaises trouvent place à l’oral, dans l’explication de textes : celle-ci sert de support à un programme de textes d’auteurs des 17ème et 18ème siècles, accompagné de 50 questions littéraires à traiter.

Les épreuves orales font une place essentielle à la mémorisation de noms, de dates, de titres, pour l’histoire littéraire ; de règles, de figures, de définitions, pour la rhétorique.

La littérature est introduite au primaire durant le dernier quart du XIXe siècle, avec l’apparition en France de manuels de " morceaux choisis ". Ces anthologies sont censées éduquer, voire édifier, les enfants ; elles leur procurent en outre des rudiments de culture en les exposant à de " belles pages " d’auteurs reconnus (La Fontaine, Hugo, Daudet, etc.).

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Place de la littérature

Le tournant de 1880

En 1880 Jules Ferry remplace l’épreuve de discours latin par celle de composition en français, dans l’idée d’intégrer l’enfant dans la société française, après le désastre de 1870-71, en le moralisant et en développant son sentiment patriotique.

 

Enseignement à visée nettement sociale, explique A. Prost, en ceci qu’il apprend aux jeunes bourgeois, à travers les lettres et harangues demandées au bac, à faire des discours de circonstance et à tenir ainsi leur rôle de notables dans les banquets, les salons ou les mairies.

La République veut réformer un système éducatif qui a fait faillite à Sedan.

Les universitaires sont fascinés par le modèle de l’université allemande, tournée vers l’érudition et la philologie.

L’esprit patriotique veut promouvoir l’enseignement du français et celui d’une littérature nationale.

Apport du positivisme, des sciences, de l’Histoire positiviste :

Gustave Lanson est un universitaire et critique français qui tenta au début du siècle d’appliquer la méthode historique à l’histoire littéraire.

Mais l’enseignement de l’histoire littéraire en tant que telle a été très éphémère en France (né en 1885, le cours d’histoire littéraire disparaît en effet en 1902)

L’esprit positiviste entend mettre l’accent sur l’observation du réel, sur les choses plutôt que sur les mots.

Selon A. Prost, l’introduction de l’explication de texte, en 1880, se fait sous l’influence du positivisme : la méthode expérimentale, en français, ce sera l’explication de textes.

On élargit alors le corpus de textes qui comprenait jusqu’alors les seuls auteurs de l’antiquité et du XVIIè et XVIIIè siècle et l’on fait appel au Moyen-âge, au XVIè et au XIXe siècles.

La dissertation l’emporte sur les autres formes de composition française. Elle est prescrite en philosophie et en lettres.

Elle se définit par son sujet : les problèmes généraux de la littérature, de la critique et du goût.

La dissertation se nourrit du programme d’histoire littéraire qui se met en place dans les années 1890.

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Place de la littérature

1e moitié du XXe s

Codification de l’explication de textes

Rôle d’un inspecteur général, Pierre Clarac

Massification progressive à l’arrivée au collège des enfants issus du " baby boom " de l’après guerre.

Création " d’un collège par jour " pendant la période gaulliste.

Création des CES : on détache le 1e cycle (collège) du 2e cycle (lycée) en 1959.

 

Clarac introduit le modèle du professeur charismatique, débordant d’amour et pour les textes et pour sa classe, et place au cœur de l’enseignement du français le contact direct et prolongé avec les grandes œuvres littéraires. Période de sacralisation du texte littéraire et d’une conception très humaniste de la littérature.

Disparition progressive du latin : à la Libération, création d’une agrégation de lettres modernes.

Plan Langevin et Wallon : les sciences peuvent aussi constituer une culture. À cette époque, la majorité des élèves de sixième ne font déjà plus de latin et les CAPES de lettres certifient davantage de "modernes" que de "classiques". Dans ce paysage, le latin est devenu une matière parmi d’autres, qui signe la présence perpétuée d’une filière sélective élitiste qui succombe en 1968.

 

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Place de la littérature

1968

Fondation de l’Association française des enseignants de français (refus du terme " prof de lettres ").

Création du " collège unique ", avec suppression des filières en 1977.

(compression des horaires, suppression des 1/2 classes)

Ce mouvement (né en 1968) s’en prend à l’idée d’un patrimoine culturel fixé et figé, et refuse de sacraliser arbitrairement un certain nombre d’auteurs, invitant au contraire à une lecture critique, impertinente et refusant les textes qui font autorité, soucieuse d’initier au plaisir du texte et à la création littéraire.

Principe de plaisir : la priorité accordée aux lecteurs, à leurs capacités et à leurs intérêts réels ou présumés, évoque un " discours de bibliothécaires " (Chartier et Hébrard).

 

Plus l’objectif est le savoir-lire, plus il s’instrumentalise, plus, en somme, il s’inscrit dans une perspective de didactique du français, et plus la littérature, comme ensemble organisé et significatif, tend à s’effacer, devant des textes littéraires d'abord des textes non autrement définis ensuite. Dans une telle perspective En ce qui concerne la littérature, la pédagogie de la communication offre relativement peu de directions nouvelles. Le plus grand changement qu'elle a suscité touche l'apparition dans la classe de français de textes utilitaires à côté de textes littéraires, auparavant hégémoniques.

Le tournant de 1970

Le baccalauréat de français est placé en fin de 1ère, signe d’une certaine deminutio capitis de la culture littéraire au profit de la culture scientifique. Autre signe : l’introduction au bac du résumé, en vigueur dans les concours d’entrée aux grandes écoles d’ingénieurs. L’écrit laisse le choix entre trois sujets de composition française : outre un " résumé ou analyse et discussion ", le candidat peut choisir un " commentaire de texte " ou un " essai littéraire ", le premier type de sujet étant d’évidence moins littéraire, et relevant davantage de l’enseignement du français. Enfin, l’épreuve orale s’appuie sur une liste " indiquant les auteurs étudiés et les textes qui ont été l’objet de lectures contrôlées et d’explications au cours de l’année ".

   

Courant structuraliste

Apport de la linguistique structurale (orientation très syntaxique donnée à la grammaire).

Apport de la narratologie (traduction des formalistes russes à partir de 1968 et des linguistes américains).

 

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Place de la littérature

Années 1980

Instructions officielles de 1983-86 : l’IG de lettres ne veut plus constituer de liste d’œuvres au programme. Celle-ci persiste, à la demande expresse du ministre Chevènement.

Création de la didactique du français (vers 1986).

L’IG de lettres perd le monopole de conception des programmes : création d’un comité national des programmes.

(ministère Jospin)

Essor de la didactique grâce à la création des concours internes (agrégation interne en 1989) et des IUFM (1989).

 

 

 

Massification

Par souci d’économie : la réforme des collèges mise en place en 1986 (Chevènement) s’accompagne d’une réduction des horaires du français.

Réduction poursuivie par l’institution, par le ministre Bayrou, des " fourchettes horaires " : en tout, économie d’une heure et demie hebdomadaire de français au collège.

A comparer :
Horaire d’une classe de 6e avant 1977 :

9h prof : 3 heures classe entière + 2 fois 3 heures en demi-classe.

Après 1986 : 4 heures et demie sans demi-groupe en 6e, 5e, 4e et 3e.

Rétablissement d’un horaire de 6 h en 6e en 1999.

Idéologie :

Objectif du ministre Chevènement : 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac.

Loi d’orientation de 1989 : " l’élève-au-centre ".

 

La pédagogie de la communication a supplanté le modèle ancien.

L’apport le plus décisif vient sans doute de la linguistique de l’énonciation et de la sociolinguistique, qui ont mis en évidence les aspects interactifs et sociaux du langage. La didactique des langues a retenu de ces disciplines que l’usage de la langue relève des situations de communication, de l’origine sociale et du statut des interlocuteurs ainsi que du type de relations qu’ils entretiennent.

Création d’une nouvelle discipline : la didactique (vers 1986) à partir des techniques d’apprentissage du français langue étrangère

 

 

Apparition dans la classe de français de textes utilitaires à côté de textes littéraires, auparavant hégémoniques.

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Place de la littérature

Réforme collège 1996 et lycée 2000-2001

Objectif de maîtrise des discours

Programme " déconstructiviste " qui reflète scandaleusement les spécialités et marottes du " groupe d’experts " :

- universitaires :

• promotion de l’épidictique (éloge et blâme), de l’apologue, de l’argumentation dans les textes du XVIIe siècle : domaine de compétences d’A. Viala ;

• promotion de la génétique des textes, de l’étude du contexte sociologique de publication des œuvres : domaine de compétences d’A. Petitjean ;

• promotion de la didactique de la communication et de la maîtrise des discours : domaine de compétence de Denis Bertrand.

- inspection générale des lettres : omniprésence écrasante du " tout argumentatif " : marotte d’Alain Boissinot

Désir de " démocratisation "

et réduction des coûts :

• économies dans les horaires,

• suppression à terme du bac, très onéreux, au profit d’un contrôle continu

• transformation du statut des enseignants que prône la Cour des Comptes.

 

 

Délégitimation de l’ancienne configuration des savoirs scolaires : crise des valeurs (?)

Réduction de la culture commune :

plus de corpus consacré, identique pour tous, plus de " savoir déjà là ", plus d’organisation chronologique, plus de repères, plus de hiérarchie des textes, plus d’histoire littéraire, plus de différence de statut entre le brouillon et le texte achevé, plus de patrimoine, plus de panthéon, plus d’héritage, plus d’héritiers…

et

" enseignement citoyen des lettres "

(deux logiques contradictoires).

Didactique des langues et des discours

Linguistique textuelle : substitution de la grammaire des textes et des discours à la grammaire morphologique (centrée sur l’orthographe) et à la grammaire syntaxique.

 

Didactique : promotion des " savoir-faire " et des " savoir-être " (et même des " savoir-devenir " !) au détriment des savoirs et des connaissances à enseigner.

 

 

Engloutissement de la littérature sous la masse des écrits sociaux

Disparition programmée de la dissertation et du commentaire littéraire.

 

 

 

Instrumentalisation de la littérature pour les besoins de la citoyenneté (voir préambule caricatural du programme TL).

Anne Sculfort, juin 2001


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