Retour

Accueil Réforme Analyses Actions Contributions Liens Presse


FRANÇAIS
ECOLE PRIMAIRE
INSTRUCTIONS OFFICIELLES DE 1923

Télécharger ce texte : ref1923.rtf


LECTURE

A l'école primaire, l'enseignement de la lecture sert à deux fins. Il met entre les mains de l'enfant l'un des deux outils - l'autre étant l'écriture - indispensables à toute éducation scolaire. Il lui donne le moyen de s'initier à la connaissance de la langue et de la littérature françaises.

C'est d'abord la première de ces deux fins qui est visée. L'enfant ne peut rien apprendre s'il ne sait pas lire ; il n'apprendra rien volontiers s'il ne sait pas lire aisément. Il faut donc lui donner le plus vite possible l'habitude de lire sans effort, et l'on ne peut pas lui donner cette habitude sans multiplier les exercices. Voilà pourquoi nous exigeons qu'au cours préparatoire l'enfant consacre à la lecture le tiers de son temps, dix heures par semaine, deux heures par jour, soit quatre séances d'une demi-heure, deux le matin et deux l'après-midi.

Nous ne préconisons aucune méthode - la meilleure sera celle qui donnera les résultats les plus rapides et les plus solides. Entre la méthode d'épellation et la méthode syllabique ou la méthode globale, nous ne faisons aucun choix ; des expériences se poursuivent qui décideront. Toutefois, les procédés qui nous paraissent devoir l'emporter sont ceux qui amènent l'enfant à s'intéresser à cette tâche ingrate qui consiste à associer des sons et des formes sans rapport apparent. Par suite, ceux qui font appel à son besoin de mouvement ont les plus grandes chances d'être féconds. Et telle est probablement la raison du succès de la méthode phonomimique, malgré sa bizarrerie. L'essentiel est que l'enfant prenne plaisir à cet apprentissage difficile. S'il y prend plaisir, en y consacrant le temps fixé par le programme nouveau, au bout de trois mois il saura lire et au bout de l'année il saura lire couramment.

Au cours élémentaire, la tâche principale est encore d'entraîner l'enfant à lire sans effort. Aussi le nombre des exercices de lecture est-il encore considérable. Ils occupent sept heures dans l'emploi du temps des garçons, et s'ils n'en occupent que six et demie dans celui des filles, c'est qu'il fallait réserver pour les travaux manuels des filles, c'est-à-dire pour la couture, une demi-heure de plus que pour ceux des garçons. Au surplus, le conseil supérieur a entendu des témoins autorisés déclarer que les petites filles arrivent à lire avec aisance plus vite que les petits garçons, et que, par suite, la réduction opérée sur leur horaire de la lecture ne présenterait pas pour elles de trop graves inconvénients.

Pendant cette période, le caractère essentiel de la lecture est d'être " courante " et l'on se gardera d'en arrêter trop souvent le cours par des questions ou des explications. L'enfant est encore trop préoccupé des difficultés qui viennent de la complication des combinaisons de lettres pour trouver plaisir à élucider le sens des mots. Les questions qui interrompent son effort de déchiffrage ne sont pas de nature à lui donner le goût de la lecture. Et c'est ce goût qu'il faut avant tout lui inculquer. Seuls les termes les plus difficiles seront expliqués. Encore faut-il souhaiter qu'ils soient rares.

Grâce à l'entraînement intensif auquel ils auront été soumis pendant trois années, nos élèves, dès le début du cours moyen, posséderont le mécanisme de la lecture. Dès lors, on peut réduire la place de cet enseignement dans l'emploi du temps : nous ne lui laissons plus que trois heures par semaine. C'est encore plus d'une demi-heure par jour de classe. Et si l'on réfléchit que l'enfant devra lire, en dehors des leçons de lecture, dans la plupart de celles qui sont consacrées aux autres disciplines, on ne jugera pas excessive cette réduction. Pendant ces trois heures, on continuera à pratiquer la lecture "courante", mais on multipliera les questions et les explications relatives au sens des mots, des phrases et des morceaux, L'enfant n'ayant plus à surmonter les obstacles qui tiennent aux bizarreries de l'orthographe, on peut et on doit appeler son attention sur les rapports de l'idée et de l'expression. C'est maintenant de ces rapports que viennent les difficultés qui l'arrêtent ; il serait dangereux d'attendre plus longtemps pour résoudre avec lui les petits problèmes d'exégèse qu'il est amené à se poser. Loin de gâter le plaisir qu'il prend à la lecture, les questions relatives au sens des détails et de l'ensemble sont maintenant de nature à l'accroître. Par suite, on peut exiger de lui qu'il prouve, par sa manière de lire, qu'il comprend ce qu'il lit. La lecture devient " expressive ". Ce mot n'apparaissait, dans l'ancien plan d'études, qu'au cours supérieur ; mais, en augmentant la place de la lecture au cours préparatoire et au cours élémentaire, nous espérons à cet égard gagner deux ans. C'est dès le début du cours moyen, à neuf ans, que l'écolier doit lire avec expression.

Dès ce moment, la leçon de lecture est une leçon de langue française. Au cours supérieur, elle va devenir une modeste leçon de littérature. Les explications données à l'enfant ne porteront plus seulement sur le sens, elles devront " tendre à faire sentir la beauté des morceaux ". Très simplement, l'instituteur éveillera le sens littéraire, fera discerner les différences qui existent entre les expressions choisies par de grands écrivains et celles qui viendraient à l'esprit d'auteurs sans style. Très simplement, il suscitera l'émotion esthétique, sans théories abstraites, sans expressions tirées du vieux jargon de la rhétorique, par un simple appel au goût virtuel d'enfants dont les impressions sont naïves et dont le jugement n'a pas été déformé. Il ne saurait être question d'instituer à l'école primaire un exercice qui, sous le nom de lecture expliquée, risque ailleurs de revêtir un caractère artificiel et mécanique. Il ne s'agit pas, à propos de chaque morceau, de faire une leçon d'histoire littéraire sur l'ouvrage et sur l'auteur. Il ne s'agit pas davantage, sous prétexte de chercher le plan, de faire subir au texte une dissection pénible. Il ne s'agit pas non plus de fournir sur chaque mot une explication complète : littérale, grammaticale, historique et littéraire. L'instituteur commencera par lire lui-même à haute voix, en indiquant par les variations de l'intonation les nuances de la pensée et du sentiment, le morceau qu'il veut faire expliquer. Il en fera trouver rapidement les intentions principales. Par des questions alertes et des explications sobres, il fera comprendre le sens des détails et sentir la beauté des expressions. Alors seulement il fera lire le texte à haute voix par des élèves, afin de s'assurer qu'ils en comprennent la signification et en apprécient la valeur. Il va de soi que cette valeur doit être incontestable. Si l'on n'exige pas d'un syllabaire qu'il soit rédigé par un grand écrivain, on a le droit d'exiger que les recueils placés entre les mains d'enfants de douze ans - et même de dix ans - ne contiennent que des morceaux écrits par de grands prosateurs et de grands poètes.


ECRITURE

Ce n'est pas sur le chapitre de l'écriture que l'on constatera, entre l'ancien plan d'études et le nouveau, les plus grandes différences. Il en est cependant qui demandent explication.

Tout d'abord, on a prévu deux leçons d'écriture par jour au cours préparatoire. Comme la lecture, l'écriture est un outil scolaire dont l'enfant ne saurait se passer. Il ne peut faire aucun progrès tant qu'il n'a pas cet outil bien en main. Tant qu'il n'en possède pas parfaitement le mécanisme, il faut donc multiplier les exercices d'écriture. Au surplus, on pourra combiner les leçons de lecture et les leçons d'écriture ; les deux enseignements sont solidaires, et il y a souvent intérêt à les donner simultanément.

Afin de graduer les exercices, on se contentera, au cours préparatoire, de faire connaître aux enfants les lettres minuscules. Il est inutile de charger leur mémoire de plusieurs jeux de lettres différentes, d'autant que la nécessité de faire connaître à la fois les lettres manuscrites et les lettres imprimées complique déjà l'enseignement. Que notre écolier sache écrire sans hésitation, d'une manière imperturbable, les mots simples qu'il aura appris à lire sans hésitation, d'une manière imperturbable ; que cette double acquisition soit si solide qu'elle soit définitive. Nous n'en demandons pas plus à un enfant de sept ans.

A partir de sept ans, notre écolier n'aura plus qu'une séance quotidienne d'écriture. L'ancien plan d'étude prévoyait une heure. Bien que nous ne soyons pas disposés à déprécier, aux yeux des maîtres et des élèves, l'importance de cet enseignement, nous estimons qu'une demi-heure suffit. Mais il est bien entendu que, en dehors de cette demi-heure, l'enfant aura de nombreuses occasions d'écrire (il fera de petites dictées, de courts exercices de langue française) et que, dans aucun de ces devoirs, on ne tolérera qu'il néglige son écriture.
Le programme de la leçon quotidienne sera plus étendu au cours élémentaire qu'au cours préparatoire : l'enfant abordera l'étude des majuscules ; il s'essayera à deux types d'écriture( en gros et en moyen). On s'est demandé si l'enfant de sept ans n'a pas la main trop petite pour écrire en gros, et une première rédaction du nouveau programme, réduisant celui de 1887, qui prescrivait, au cours élémentaire, l'écriture " en gros, en moyen et en fin ", n'avait retenu que les deux derniers types. Mais, en fait, nos enfants commencent toujours par tracer sur leurs ardoises des caractères de grande dimension ; les plus petits écrivent donc " en gros ". Et nous devons nous en féliciter, car, dès qu'ils se mettent à écrire fin, il risquent de tomber dans un excès qui leur vaut une myopie prématurée. C'est donc par raison d'hygiène que nous avons ajourné l'écriture " en fin " et conservé pour le cours élémentaire l'écriture en "gros".

Au cours moyen, les trois types d'écriture sont pratiqués et trois séances d'une demi-heure sont consacrées à cet enseignement. Au cours supérieur, une séance hebdomadaire de trois quarts d'heure a paru suffire, bien qu'à la cursive s'ajoutent ici la ronde et la bâtarde. Ces deux écritures, qui demeurent nécessaires en mainte profession, n'exigent ni un trop long apprentissage, ni un effort hors de proportion avec leur utilité.

Le nouveau plan d'études ne manifeste de préférence pour aucune méthode d'écriture. L'écriture droite et l'écriture penchée demeurent également autorisées. L'essentiel est que la méthode adoptée permette à l'enfant de se placer, pour écrire, dans les meilleures conditions hygiéniques. Qu'il se tienne bien droit devant son cahier, le torse vertical, les deux avant-bras également appuyés sur la table, les yeux à trente centimètres environ du papier. Trop souvent, ces conditions ne sont pas réalisées ; trop souvent, nos écoliers se courbent et se tordent devant leur page d'écriture, au grand dommage de leur colonne vertébrale, de leurs poumons et de leurs yeux. Mais, trop souvent, le mal vient, soit de la construction défectueuse des tables et des bancs, soit de la mauvaise disposition du cahier, soit d'une sorte de paresse physique qui laisse fléchir le corps. Du moins faut-il éviter qu'à ces causes, contre lesquelles on ne saurait trop énergiquement réagir, vienne s'ajouter l'emploi d'une mauvaise méthode.


LANGUE FRANCAISE

Nul n'ignore les difficultés que rencontre l'instituteur dans l'enseignement de la langue française. Lorsque les enfants lui sont confiés, leur vocabulaire est pauvre et il appartient plus souvent à l'argot du quartier, au patois du village, au dialecte de la province, qu'à la langue de Racine ou de Voltaire. Le maître doit se proposer pour but d'amener ces enfants à exprimer leurs pensées et leurs sentiments, de vive voix ou par écrit, en un langage correct. Enrichir leur vocabulaire, habituer les élèves à choisir exactement et à prononcer distinctement le mot propre, puis les amener peu à peu à grouper logiquement leurs pensées et leurs expressions, voilà un programme qui, en dépit de sa modestie, n'est pas de réalisation facile. Nos instituteurs affronteront, pour le remplir, tous les obstacles car ils sentent bien que donner l'enseignement du français, ce n'est pas seulement travailler au maintien et à l'expansion d'une belle langue et d'une belle littérature, c'est fortifier l'unité nationale.

Les moyens mis à la disposition de l'instituteur pour enseigner le français sont nombreux. Pourtant, ils n'ont pas encore révélé toute leur efficacité, et il n'est pas de domaine où l'on doive davantage s'efforcer de trouver des méthodes plus fécondes. C'est dans cette intention que nous avons réformé l'enseignement de la lecture et hâté le moment où notre élève sera en pleine possession de cet instrument nécessaire. Délivré plus tôt des difficultés matérielles de lecture, l'enfant pourra lire davantage et consacrer plus de temps à l'étude de la langue. Mais cette étude elle-même devra être faite par des procédés plus actifs.


1° Exercices de récitation. - On accordera plus d'importance, dès le cours préparatoire, aux exercices de récitation. Lorsqu'on visite une école, le regard est attiré, près de la chaire du maître, par le tableau, réglementairement affiché, des morceaux de récitation appris pendant l'année scolaire. Mais il est rare que ce tableau soit très rempli. L'exercice de récitation est cependant l'un des meilleurs moyens d'enseigner aux enfants l'usage correct des mots et des tours de notre langue. Il a en outre, l'avantage de leur être agréable, si les morceaux sont, par leur nature et par leur taille, adaptés à leur âge. Au cours préparatoire, on leur fera apprendre, par audition, de courtes poésies, mais on exigera d'eux une prononciation distincte et une diction correcte. A partir du cours élémentaire, ils apprendront eux-mêmes, dans leurs livres de lecture, des poésies un peu moins brèves. Au cours moyen, la mémoire ayant moins besoin d'être aidée par le rythme, le programme, sans abandonner la poésie, prévoit des morceaux de prose. A tous les cours, il est recommandé de ne choisir, pour les confier à la mémoire des enfants, que des morceaux d'une indiscutable valeur. Toutefois, il serait difficile d'emprunter aux classiques tous les textes destinés à des enfants de neuf ans : La Fontaine lui-même n'a pas toujours pour leur esprit l'attrait et la portée que nous lui attribuons. Mais, au cours supérieur, de même que l'enseignement de la lecture doit faire sentir aux élèves la beauté des expressions, de même l'exercice de récitation doit prendre un caractère littéraire, et c'est à nos grands classiques que le programme nouveau prescrit de faire appel. En un mot, d'un bout à l'autre des études primaires, l'exercice de récitation doit être en honneur : apprendre un grand nombre de morceaux et des morceaux d'une plus grande valeur littéraire, tel doit être à cet égard le mot d'ordre.


2° Exercices de vocabulaire. - Le Conseil supérieur a tenu à graduer avec soin les exercices de vocabulaire : au cours préparatoire, ils ne doivent avoir trait qu'aux mots les plus simples de la langue usuelle, à des mots qui désignent des objets ou des êtres parfaitement connus des élèves. Au cours élémentaire, où la lecture permet déjà d'élargir l'horizon de l'enfant, ils portent sur les mots des textes placés sous ses yeux. Au cours moyen, on commence à lui faire sentir les nuances qui séparent des expressions en apparence synonymes ; on commence aussi à grouper les mots de manière à lui faire comprendre leur filiation. Enfin, au cours supérieur, l'exercice peut aborder des questions plus délicates : on montrera la filiation des divers sens d'un même mot. Dans toutes ces leçons, il faudra se garder de l'érudition et de la subtilité. Trop souvent, à coup de dictionnaire, maîtres ou élèves introduisent, dans les familles de mots qu'ils étudient, des expressions rares ou même absolument inusitées. On ne devra, à aucun moment, dépasser les limites de la langue courante : elle est assez riche pour fournir matière à des exercices variés. On s'abstiendra de rechercher l'étymologie des mots (c'est à dessein que ce terme a été effacé du programme) : on s'expose, dans cette recherche, à de trop fréquentes erreurs. Mais surtout on s'efforcera de rendre tous ces exercices intéressants pour les élèves : s'il est un domaine où il est non seulement utile, mais nécessaire de recourir à la méthode attrayante, c'est celui-ci. Par lui-même, l'effort indispensable pour trouver des expressions, en définir le sens, les comparer à d'autres, les grouper en familles, ne présente pas pour l'enfant d'âge scolaire un vif intérêt. Il faut donc s'ingénier pour découvrir les moyens, même artificiels, de transformer ces exercices en véritables jeux. C'est à cette condition qu'ils seront efficaces.


3° Exercices d'élocution - De même que les exercices de vocabulaire, les exercices d'élocution ont été gradués avec soin. Au début, on guide l'élève ; on lui demande simplement de répéter ou de résumer ce qu'il vient d'entendre. Mais peu à peu on lui laisse plus de liberté : ce sont ses impressions personnelles qu'on lui demande de traduire après les lectures et les promenades qu'il a faites, les leçons et les expériences auxquelles il a assisté. Nous ne verrions d'ailleurs aucun inconvénient, si des enfants montrent de bonne heure un certain goût pour l'invention, à les laisser raconter à leur guise les histoires dues à leur imagination. Comme les exercices de vocabulaire, les exercices d'élocution ne seront féconds que s'ils apportent aux enfants de la joie.


4° Grammaire et orthographe. - L'enseignement de la grammaire et de l'orthographe ne commencera désormais qu'au cours élémentaire. Tandis que l'ancien plan d'étude prévoyait dès le cours préparatoire de petites dictées, à la vérité très rudimentaires, le Conseil supérieur a préféré réserver la dictée pour le cours élémentaire ; au cours préparatoire on se bornera à attirer l'attention des enfants, pendant la lecture, sur l'orthographe de certains mots ; on pourra d'ailleurs les leur faire copier, lorsqu'ils ne s'écrivent pas comme ils se prononcent, afin d'associer très étroitement dans les esprits leur représentation motrice à leur représentation visuelle et à leur représentation auditive : ce sera le moyen le plus sûr de fixer dans la mémoire l'orthographe de ces mots difficiles. Mais ces exercices modestes ne constituent qu'une initiation à l'orthographe et une sorte de parenthèse dans l'enseignement de la lecture.

Au contraire, l'enseignement grammatical a sa place à part dans le programme du cours élémentaire. Mais il doit être extrêmement simple. Il ne doit porter que sur les éléments essentiels de la proposition. Pas de syntaxe. Pas d'analyse. Pas de leçon sur les mots invariables. Dans l'étude du verbe, laisser de côté la forme passive et la forme pronominale ; se contenter de la forme active. Dans la forme active elle-même, laisser de côté les temps désuets ; s'abstenir de faire apprendre par coeur ces passés antérieurs, ces futurs antérieurs, ces plus-que-parfaits du subjonctif que l'enfant, selon toute vraisemblance, n'aura jamais l'occasion d'employer. La première année, ne parler que des verbes du premier groupe (infinitif en er). Jamais nous ne répéterons assez qu'il faut simplifier l'enseignement grammatical.

De même qu'il doit être simple, l'enseignement grammatical doit être concret. Le maître doit partir des textes placés sous les yeux des enfants pour leur faire comprendre la fonction habituelle du nom, de l'article, de l'adjectif, du pronom et du verbe. Il ne s'agit pas de formuler des définitions abstraites, dont une connaissance plus approfondie de la langue ferait vite apparaître le caractère artificiel. Il s'agit d'amener les enfants, par la pratique du langage parlé ou écrit, à classer avec une suffisante précision les formes verbales sous les rubriques que les grammairiens ont imaginées pour mettre un peu d'ordre dans le chaos des réalités linguistiques. Puis, une fois que les élèves auront acquis ces connaissances, on les priera d'en faire l'application et d'accorder entre eux les articles, les adjectifs et les noms, les verbes et les sujets.

Entre autres exercices, on leur donnera des dictées. Mais ces dictées seront des dictées préparées : on n'obligera pas les enfants à inventer ou à deviner l'orthographe des mots inconnus, on la leur fera connaître d'avance ; on ne laissera d'autre soin à leur intelligence que celui d'appliquer les règles qu'ils ne doivent pas ignorer. On évitera ainsi le reproche qui a été fait, non sans raison, à l'antique dictée, celui d'enraciner dans la mémoire motrice de l'écolier de mauvaises habitudes graphiques et de le condamner, la faute une fois commise par le fait d'une ignorance excusable, à la répéter à perpétuité.

Au cours moyen, la méthode de l'enseignement grammatical ne change pas : on va toujours de l'exemple à la règle et de la règle à l'application. Mais la matière des leçons devient plus copieuse : toutes les espèces de mots sont étudiées, toutes les formes du verbe (sans qu'il soit nécessaire de parler, plus qu'au cours élémentaire, des temps désuets). On étudie non seulement la proposition mais la phrase, mais, si l'on peut dire, ses silences : les signes de ponctuation. Il ne s'agit toujours que d'une étude succinte, sans subtilités d'analyse, et c'est à dessein que le programme ne reproduit pas la traditionnelle distinction entre analyse logique et analyse grammaticale. Mais, si simple qu'elle soit, l'étude est maintenant assez complète. Aussi, à côté des dictées préparées peut-on recommander les dictées de contrôle qui permettent de voir si l'enfant a bien appris et bien retenu les principales règles de la grammaire. La méthode ne change pas plus au cours supérieur qu'au cours moyen : elle demeure concrète et inductive. Mais jusqu'à présent, on s'était contenté d'indiquer les règles. Voici maintenant les irrégularités. Sans doute, on s'en tiendra aux exceptions les plus usuelles ; on se gardera d'insister sur celles qui, encore usitées, tendent à disparaître. Loin d'être abrogé, l'arrêté du 26 février 1901 sur les " tolérances grammaticales " doit être rigoureusement appliqué. Mais il faut l'appliquer selon son esprit. Trop souvent il n'a servi qu'à compliquer l'enseignement, l'enfant étant obligé d'apprendre par cœur, non seulement la règle et l'exception, mais encore la tolérance. Il doit être bien entendu que, lorsqu'on tolère qu'une exception disparaisse, il ne doit rester dans l'enseignement que la règle. " Tous les adjectifs s'accordent avec le nom auquel ils se rapportent " : Si nous admettons qu'on ne fait pas de faute en appliquant cette règle, même aux adjectifs placés immédiatement avant le nom (exemple : feue la reine), il est inutile de faire apprendre aux enfants que, dans ce cas l'ancienne grammaire obligeait à laisser l'adjectif invariable. Même au cours supérieur, l'enseignement grammatical doit rester simple. Non seulement l'arrêté de 1910 sur la nomenclature doit être respecté, mais on ne fera grief à personne d'aller plus loin dans la voie de la simplification. Et si, dans le nouveau plan, la syntaxe passe du cours moyen au cours supérieur, ce n'est pas pour qu'elle soit enseignée avec plus de détails. Peu de notions, mais des notions précises, si bien assimilées que l'enfant les applique inconsciemment lorsqu'il parle ou lorsqu'il écrit, voilà tout ce que nous demandons à l'enseignement grammatical.


5° Exercices de composition. - Reste un exercice important, celui qui permet de vérifier l'efficacité des autres, celui qui, maintenant et plus tard, permettra le mieux d'apprécier la culture de l'enfant, celui qui lui rendra le plus de services dans la vie, la composition française. Cet exercice apparaît au cours élémentaire, mais il n'y apparaît que timidement. Il ne saurait être question de faire composer à des enfants de sept ans de véritables rédactions. Nous ne leur demandons pas même un paragraphe, nous ne leur demandons que de petites phrases. Si nous n'avons pas encore obtenu dans l'enseignement du français tous les résultats que nous souhaitons, c'est peut-être parce que, trop ambitieux, nous avons eu le tort de faire commencer trop tôt les exercices de rédaction. L'enfant ne peut rédiger que lorsqu'il possède non seulement une assez riche collection d'idées, mais une assez riche collection d'expressions. Il faut que toutes les autres disciplines (littéraires, historiques et scientifiques) aient accumulé dans son esprit des faits et des notions ; mais il faut aussi que tous les autres exercices (la lecture et la récitation, les exercices de vocabulaire et d'élocution, les leçons de grammaire et d'orthographe) aient assoupli son langage et aplani les difficultés matérielles que rencontre tout écrivain novice. Il faut donc procéder par étapes. Que l'enfant apprenne d'abord à exprimer une idée, c'est-à-dire à assembler les éléments d'une proposition, à écrire correctement une phrase simple. Si, au terme du cours élémentaire il est rompu à cet exercice, il n'aura pas perdu son temps.

Au cours moyen, il apprendre à combiner des phrases. Moins exigeant à cet égard que l'ancien plan d'études, le nouveau conseille aux instituteurs de borner l'effort des enfants de dix ans à la construction d'un paragraphe. Après avoir imaginé quelques phrases sur un sujet déterminé, les grouper logiquement en un développement d'une douzaine ou d'une quinzaine de lignes, voilà tout ce qu'on demande à es enfants. C'est tout ce qui sera demandé à la première partie de l'examen du certificat d'études primaires, à celle qui sanctionnera les études faites au cours moyen. L'épreuve qui suivra la dictée comportera " trois questions relatives l'une à la connaissance de la langue et les deux autres à l'intelligence du texte dicté " : le candidat qui aura répondu à ces trois questions en quelques phrases simples et correctes est assuré de recueillir une bonne note.

La véritable rédaction n'apparaîtra qu'au cours supérieur. A ce moment, l'enfant possède un assez grand nombre d'idées, tient à sa disposition un assez grand nombre d'expressions, et il a suffisamment développé ses facultés de jugement et de raisonnement pour pouvoir coordonner logiquement ses idées et ses phrases. Quels sujets lui seront proposés ? Peut-être s'est-on, au cours des vingt dernières armées, trop étroitement enfermé dans les sujets de pure description. Peut-être a-t-on cru trop volontiers que l'enfant est un être exclusivement sensoriel ou qu'il était nécessaire de faire avant tout l'éducation de ses sens. En réalité, il possède une vive sensibilité, une fraîche imagination, et l'on ne saurait, sans risquer d'atrophier ces précieuses facultés, l'emprisonner dans le monde de ses sensations immédiates. Dans ce monde même, ce qui l'intéresse le plus, c'est l'activité des êtres, le mouvement des objets ; aussi préfère-t-il la narration d'un drame à la description d'un spectacle inanimé. Même fictive, la lettre lui plaît parce qu'elle donne une apparence de vie au sujet qu'il traite. Aussi le Conseil supérieur a-t-il tenu à ne pas restreindre la liberté des maîtres dans le choix des sujets ; tel est le sens de l' " etc. " qui suit la liste des exercices de rédaction qui pourront être faits au cours supérieur.

Cette liberté doit aller jusqu'à laisser, au moins de temps à autre, les enfants eux-mêmes choisir leurs sujets de rédaction. La méthode qui, depuis 1909 produit dans l'enseignement du dessin des résultats si appréciables doit être sans hésitation appliquée à l'enseignement du français.

Le dessin libre doit avoir pour pendant la rédaction libre. De même que le dessin libre révèle chez maint enfant des qualités insoupçonnées : le sens de l'observation, du pittoresque, de l'humour, de même la rédaction libre mettra en valeur tantôt la spontanéité et la fraîcheur des sentiments, tantôt le goût littéraire, tantôt l'ingéniosité intellectuelle de nos élèves. Et surtout, elle leur inspirera le désir d'écrire, sans lequel tous nos efforts demeureraient vains.

Que le sujet soit libre ou non, il conviendra d'éviter qu'une préparation collective trop directe et trop précise enchaîne, au moment où ils auront à le traiter, la liberté des écoliers. Quels qu'ils soient, les sujets doivent être à la portée de l'enfant ; il doit posséder, soit dans son expérience personnelle, soit dans son imagination, soit dans sa mémoire, soit dans des livres, les matériaux nécessaires pour bâtir son petit édifice. Il est donc inutile - et il est dangereux - de faire à sa place sa besogne, de lui tracer avec trop de minutie le chemin qu'il aura à parcourir. Toujours prêt à donner des conseils individuels, s'ils sont requis ou s'ils paraissent indispensables, le maître s'abstiendra de tracer d'avance un plan détaillé qui interdirait aux enfants de révéler toutes leurs aptitudes et même d'exprimer leurs véritables sentiments. Fournir aux enfants des idées et des expressions toutes faites, c'est refouler leurs pensées personnelles, dont nous avons le devoir de favoriser l'éclosion : c'est stériliser leur esprit, que nous avons le devoir de féconder.

D'une manière générale, toute méthode est mauvaise si elle n'inspire pas à l'enfant le désir de traduire ses impressions et de chercher, pour cette traduction, l'expression adéquate. Toute méthode est bonne si elle lui inspire ce double désir. Elle est parfaite si ce désir croît, chez l'enfant, jusqu'à la passion ou l'enthousiasme. Or, nul n'éprouve le besoin de traduire ses impressions s'il ne les ressent vivement. Il importe donc que les impressions de l'enfant soient vives. L'intérêt qu'il prendra aux autres leçons rejaillira sur l'enseignement du français. Si l'on doit, en histoire, faire vivre sous ses yeux Charlemagne ou Bayard, il éprouvera le besoin de raconter à sa manière leur vie et d'exprimer ses sentiments à leur égard. Si, en promenade scolaire, il s'enthousiasme pour la beauté d'une fleur, il éprouvera le besoin soit de la dessiner, soit de la décrire. Si, en lisant des vers, il est amené à admirer la qualité des images et l'harmonie des sons, il ne pourra plus s'abstenir d'imiter le poète et il cherchera, tout au moins, à éviter les banalités et les cacophonies. A la condition qu'il soit vivant, qu'il intensifie les impressions de l'enfant en le faisant activement participer à la recherche de la vérité, tout enseignement collabore à l'enseignement du français. Nous obtiendrons en cette matière de meilleurs résultats quand non seulement nos leçons de français, mais toutes nos leçons, feront plus que par le passé appel à l'activité et confiance en la liberté de l'écolier.


Scanné par Isabelle.

Télécharger ce texte : ref1923.rtf


Sauver les lettres
sauv.net
 

Haut Retour