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NTIC à l'école : un pas de plus dans l’enseignement taylorisé d’une pensée taylorisée ?


Michel Delord :
michel.delord@free.fr
micheldelord@wanadoo.fr

[ Ce texte -Version 1.1- est la réécriture d’une communication orale- Version 0- prévue à l’origine pour l’association Reconstruire l’Ecole; je remercie tous ceux qui, par leurs commentaires, m'ont aidé à en faire une mouture plus lisible et explicite... et  je remercie en particulier le courageux instituteur-philosophe qui a corrigé les fautes de style et d'orthographe, ce qui a  permis de passer de la version 1.0 à la version 1.1]

NTIC?
Une remarque sur le fondement du cognitivisme
L’homme, un ordinateur ? L’intelligence humaine réduite aux fonctions récursives
Mécanisation de la pensée
L’enseignement, de la manufacture à la grande industrie
Informatisation des apprentissages de base
Reconstruire l’Ecole
Message aux réformistes
              Quelques Compléments
Aspect logique / aspect intuitif des mathématiques : le rôle des grandeurs
E-Learning et E-Business
On ne pourra jamais remplacer un enseignant par un ordinateur?
Notes

NTIC?



L’importance des NTIC apparaît dans les débats actuels à deux niveaux : d’une part dans l’analyse de la « mercantilisation de l’enseignement » telle qu’elle a été introduite, mais essentiellement comme poids extérieur au contenu même des matières de base, par les textes de Gérard de Sélys2 , Nico Hirrt
3  et dans le film de Francis Gillery « Le cartable de Big Brother » et d’autre part, d'une manière inflationniste, dans le traitement des questions pédagogiques. Je voudrais présenter quelques points de repères permettant de montrer que l’usage des NTIC non seulement détermine le contenu même des enseignements  mais a été préparé par les modifications de ce contenu depuis une cinquantaine d’années, ce processus étant globalement parallèle à la transformation de l’enseignement en marchandise : ce dernier point n’est un mystère pour aucun responsable et surtout pas pour Jacques Attali, puisqu’il écrivait en 1994 :

« Un jour viendra où l'enseignement, loin d'être un coût pour la société, sera une source de profit pour les industries du savoir, qui fabriqueront les vidéodisques, les CD-Rom, les logiciels éducatifs et les sites Internet dont se serviront nos enfants…Toutes les fonctions sociales ont commencé par être, comme l'éducation, une dimension d'un rituel religieux, avant de devenir un instrument du pouvoir politique, puis un service collectif, puis marchand, et, enfin, dans certains cas, un objet produit en série…[ la solution]est de transformer le processus éducatif, comme ce fut le cas d'autres fonctions, en mettant les potentialités technologiques nouvelles au service de sa mission. Lorsqu'un service a pu être remplacé, ou complété, par un objet produit en série (le concert par le disque, le clocher par la montre, la diligence par l'automobile, le lavoir par la machine à laver, voire, un jour, le soin par la prothèse), la dépense est devenue une recette, la charge un profit, le problème une solution »4 .
                             Ce texte se limite essentiellement au rôle de l’ordinateur comme INSTRUMENT D’AUTOMATISATION DES TÂCHES ( et s’intéresse surtout au mathématiques comme matière car l’informatique théorique est d’origine mathématique )  et laisse de côté l’analyse de son rôle de communication, c’est-à-dire d’élément du « réseau ». Il faut cependant remarquer que ces deux fonctions ne sont pas distinctes puisque les fonctions de groupware par exemple sont des automatisations des processus accomplis par des salariés dans l’entreprise.

Une remarque sur le fondement du cognitivisme

                                La Commission Permanente de Réflexions sur l'Enseignement des Mathématiques (COPREM) existe depuis le début des années 80 : l’élite des didacticiens et des représentants des hauts fonctionnaires du Ministère de l’Education nationale (Inspection Générale, Direction des Ecoles, des Collèges et des Lycées) y étaient largement représentés. Il s’agit donc d’un organisme très sérieux "dont on sait le rôle essentiel qu'elle a joué dans l'élaboration des nouveaux programmes de mathématiques " comme le disait Pierre Legrand, Doyen de l'Inspection Générale de Mathématiques5 . Cette commission écrivait en 1983 :

«Il est par exemple possible de vérifier l'exactitude d'un calcul indépendamment de sa pertinence, de la même façon que l'on peut relire un texte, pour en vérifier l'orthographe, indépendamment du sens
Ce texte à valeur programmatique synthétisait bien les positions du courant de pensée justificateur des catastrophes passées et  à venir. Dans le même texte consacré au « Calcul numérique », on n’hésite pas à dire :
«La maîtrise parfaite des “ quatre opérations ” effectuées sur papier n'est plus de nos jours une nécessité absolue en soi, puisque le cas échéant la machine peut jouer un rôle de “ prothèse pour le calcul ”. Il n'est donc pas très important d'atteindre une grande fiabilité dans l'exécution sur papier des opérations: en cas d'urgence, on pourrait se procurer pour une somme modique (quelques paquets de cigarettes) une calculette à la boutique du coin.»6
On retrouve donc deux idées liées: une conception du calcul et une conception de la langue. Ceci n’est pas étonnant car la didactique des mathématiques a joué un rôle pionnier et a créé de nombreux «concept » tels que la «théorie des situation » ou la «transposition didactique7 »  qui ont ensuite été exportés dans l’enseignement des autres disciplines. Et ceci n’est bien sûr pas contradictoire avec la perception de la langue et du calcul comme « langage » au sens informatique du terme, une «information structuré » , c’est-à-dire comme suite de signes formels dans laquelle le sens a disparu ou, plus exactement, est réduit à la logique qui les lie8.

                            D’abord, il faut remarquer que cette conception du calcul et de la langue est contemporaine de la nécessité déclarée de l’introduction des calculettes, c’est-à-dire des outils qui automatisent le calcul. La position de la COPREM est entièrement cohérente si on réduit la compréhension du texte et du calcul ….. à ce qu’en comprend un ordinateur. Ou, pour donner à la conception de la COPREM une forme définitive que l’on ne peut qu’approuver :  «Une calculette peut vérifier l’exactitude d’un calcul indépendamment de sa pertinence de la même façon qu’un correcteur orthographique peut relire un texte, pour en vérifier l’orthographe, indépendamment du sens». Un élève peut certes écrire « J’ai rempli le sot» sans que le correcteur orthographique et grammatical ne bronche plus que la calculette lorsqu’elle a trouvé que « 5,333 personnes sont descendues de l’autobus». La boucle est bouclée : il suffit de remplacer l’intelligence et l’activité humaines par celles gravée dans le silicium  ou mieux, comme le dit Rudolf. Bkouche, de « transformer l’élève en logiciel ». On peut même préciser les conditions sine qua non de cette transformation : la pensée doit être réduite à une « technologie », la connaissance à de « l’information »  la pédagogie à de la « communication » ce qui est l’objet même des justement nommées «Technologies de l’Information et de la Communication».

                            De telles directives pour l’enseignement de la langue et du calcul, lorsqu’elles sont pratiquées des dizaines d’années, deviennent LA conception que les élèves et les enseignants ont,à la fois, du calcul et de la langue : il n’est donc pas étonnant qu’ils en recherchent le «sen » et que les enseignants leur reprochent « d’appliquer mécaniquement les consignes» car c’est le terrible reflet chez les enseignants de ce que l'application des consignes officielles a fait de la jeunesse en réduisant l’enseignement aux «consignes », activité dont le résultat est que les élèves ne comprennent même plus les dites consignes. Si les directives ministérielles reconnaissent qu’il faut « donner du sens », c’est bien parce qu’elles reconnaissent  que le contenu de l’enseignement proposé n’en a pas ou, ce qui revient au même, qu’il se réduit à ce qui n’est même pas des savoir-faire, c’est-à-dire au contenu des modes d’emploi des machines pouvant réaliser ces savoir-faire. Nous n’exagérons en rien : Philippe Meirieu avait bien recommandé d’apprendre la lecture dans de tels textes et les programmes de sixième indiquent, dans les capacités exigibles « Savoir faire une opération à la machine » !, ce qui revient exactement à choisir comme instrument d’apprentissage de la musique … le walkman dont une maîtrise parfaite est assurée par la lecture du mode d’emploi.

L’homme, un ordinateur ? L’intelligence humaine réduite aux fonctions récursives

                                Les fonctions récursives  étant exactement ce qui est théoriquement informatisable, on peut penser que cette analyse est une caricature9. Ceci serait vrai si la didactique et les « Sciences cognitives » n’entretenaient aucun rapport avec la cybernétique. Mais dans son ouvrage, Aux origines des sciences cognitives10 , Jean-Pierre Dupuy retrace les débuts de la cybernétique au travers des «Conférences Macy » auxquelles participèrent aussi bien Von Neumann, que Wiener, Mac-Culloch, Lashley ou Rosenblueth. On peut y découvrir que l'origine des sciences cognitives - mère des SDE- est bien la cybernétique.
    Par exemple, au symposium Hixon (1948), Lashley déclare  - « recueillant l'assentiment général » nous dit Jean-Pierre Dupuy - : «Ce qui nous réunit ici, c'est la conviction que, je pense, nous partageons tous, qu'il est possible en dernière instance de décrire les phénomènes de l'esprit et du comportement au moyen des  concepts des sciences mathématiques et physiques. »
    Et Mc Culloch, face à Von Neumann qui y présente The General and Logical Theory of Automata rajoute : «Les machines faites de main d'homme ne sont pas des cerveaux mais les cerveaux sont une variété, très mal comprise, de machines computationnelles. La cybernétique a contribué à effondrer la muraille qui séparait le monde magnifique de la physique du ghetto de l'esprit.»

    On pourrait objecter que ces positions des sciences cognitives ont été dépassées car elles étaient en quelque sorte simplement un péché de jeunesse de « savants éblouis par leurs trouvailles » des années 30/40 si ce n’est que:

- une  illusion intellectuelle affirmant  que l’homme n’est qu’une variété de machine n’est pas  innocente et sans conséquences dans un siècle où l’on traite les hommes comme des objets
- l’identité homme machine est bien sous-jacente en 1983, soit plus de quarante après, dans la position de la COPREM
- même si elles ne se présentent plus que rarement comme affirmation brutale de l’identité entre l’homme et la machine, ces positions perdurent puisque, toujours dans l’article « Intelligence » de l’Encyclopédia Universalis, Jean François Richard décrit ainsi la plus récente « conception de l’intelligence », celle qui est basée sur le « traitement de l’information »:
«L'approche du traitement de l'information consiste à voir dans les conduites intelligentes des opérations de traitement d'information et à rechercher, pour une tâche donnée, un ensemble d'opérations de traitement qui simulent le comportement des sujets dans cette tâche. Généralement, on cherche à définir un équivalent de ces opérations à partir des manipulations d'informations que fait un ordinateur.. Cela permet de construire un programme qui réalise une simulation sur un ordinateur; et l'on peut comparer les productions du programme avec le comportement des sujets que l'on a observés. Si les sorties du programme sont suffisamment proches des actions des sujets, on considère que les mécanismes de traitement introduits dans le programme constituent un modèle plausible des mécanismes de traitement de l'individu Cette approche conduit à une analyse beaucoup plus poussée des opérations cognitives que dans la psychométrie ou la perspective piagétienne… Actuellement, l'analyse des tests et l'étude du développement de l'intelligence sont reprises dans la perspective du traitement de l'information».
             Il est bien évident avec de telles prémisses que l’ingénierie éducative - le terme est en soi suffisamment clair. Qui  confierait son enfant à un « ingénieur éducatif » ? - ne pourra  que reproduire un modèle de «l’apprenan » se réduisant à une machine computationnelle même si elle l’habille ensuite d’oripeaux humanistes justifiés « scientifiquement » par des artifices statistiques.

Mécanisation de la pensée

                            Dans une première phase de son évolution, le capitalisme, à l’époque de la manufacture, se contente de regrouper les artisans sous un même toit : c’est ce que Marx appellera la soumission formelle du travail au capital, phase dans laquelle sont certes produites des marchandises mais dans laquelle le «tour de main» de l’artisan est conservé et dans laquelle également la forme du produit n’est pas altérée. Mais cette phase est suivie par celle de la «grande industrie », que Marx appellera la soumission réelle du travail au capital car elle modifie le procès de production lui-même pour lui donner son aspect « purement capitaliste » ainsi que la nature des produits11 . Dans celle-ci, caractérisée par «l’emploi du machinisme», c’est-à-dire la reproduction mécanisée des gestes de l’artisan intégrée à la machine par «l’emploi conscient des sciences naturelles, de la mécanique, de la chimie... appliquée à des fins technologiques déterminées et grâce à tout ce qui se rattache au travail effectué à grande échelle»12 , l’ouvrier perd la domination sur la machine et c’est cette dernière qui le domine puisqu’il en devient le servant alors qu’elle a absorbé toute son habileté. On assiste non seulement à «la domination du travail mort (les machines) sur le travail vivant (l’homme)»  mais à l’accélération de cette domination puisque elle est le produit d’une logique purement économique : la poursuite même de «l’investissement » se traduit par l’accroissement de la part destinée aux machines et la diminution relative de celle consacrée au salaire.
                            Or, l’introduction de l’informatique dans ses aspects fondamentaux13  reproduit entre autres pour les «gestes mentaux » ( je reprends à dessein cette désignation des cognitivistes) ce que la grande industrie a produit pour les gestes physiques et l’habileté manuelle : elle les automatise. Elle permet d’automatiser l’écriture de textes et la réalisation de calculs et y parvient bien dans les limites qui sont, mutatis mutandis, celles qui correspondent à l’automatisation des activités physiques. Lorsqu’il s’agit d’activités répétitives (réaliser un bon de commande, une table de tir pour les artificiers, calculer l’impôt sur le revenu…), l’ordinateur fait l’affaire même si le salarié est transformé en esclave de son ordinateur … dont, grâce aux bons soins de M. Meirieu , il a pu lire le mode d’emploi . Mais, dès que l’on aborde des activités plus complexes, on admettra qu'un traitement de textes ne sera jamais un «logiciel d’écrivai », Corel Draw un «logiciel de peintr », Mathematica n’effectuera jamais une nouvelle démonstration14 ... Là aussi, la pensée mécanisée, présente dans tous les domaines de la pensée, contemporaine de  «l’époque du triomphe de la technologie» et souvent préexistante à la mécanisation pratique de la pensée, a pu faire prendre pour une forme supérieure d’intelligence et d’intuition le lettrisme, comme forme d’écriture particulièrement intéressante ; l’Op-art, comme nouvelle vision du monde; les démonstrations « purement algébriques » consistant simplement à remplacer des lettres par des groupes de lettres comme forme supérieure de la démonstration15 .

L’enseignement, de la manufacture à la grande industrie

                                L’enseignement «traditionne» présente une analogie16  fondamentale avec la formation de la manufacture par regroupement des artisans : au lieu que le précepteur n’ait qu’un ou deux élèves il en a vingt, trente, cinquante..., mais le contenu même de l’enseignement ne varie pas, ce qui n’empêche qu’il est déjà fortement lié au marché par de multiples médiations. Ce qui est nouveau à partir des années 1940/1950 est l’introduction, en liaison avec l’importance pour l’industrie du Bureau des Méthodes qui introduit la DPO (Direction Par Objectifs) de la Pédagogie par Objectifs17  (PPO)18 , de l’Army Method pour l’apprentissage des langues, du behaviorisme de Skinner19. La connaissance est entièrement décomposée en éléments simples organisés à l’intérieur d’une progression20 , elle ne vise pas à un contenu de connaissance mais simplement à la réalisation d’objectifs, de stricts «savoir faire» ou de «compétences» qui sont la négation à la fois de la compréhension théorique et même de ce que l’on appelait autrefois «l’intelligence artisanale de l’homme»21 . Il s’agit, avant la lettre, d’un enseignement informatisé. Plus tard, l’influence du structuralisme ne facilitera pas le «retour au sens»22 . Ceci aboutit à un double résultat :

- La transformation du savoir en modules reproductibles, programmables, que l’on peut produire à grande échelle, c’est-à-dire ce qui permet la transformation du savoir en marchandise de masse23 : en ce sens le savoir était déjà une marchandise comme le dénonçait en 1925 l’ITE mais ce qui est nouveau est que :
- 1) le savoir actuel peut être produit en série, ce qui est la condition pour l’ouverture sur le marché mondial, taille en dessous de laquelle il est maintenant admis comme axiome qu’une branche de production ne peut pas être viable ( voir, par exemple l’élevage des «animaux à fièvre aphteuse»)
- 2) Cette production en série en transforme le contenu. Un des exemples les plus grossiers24 est celui des QCM, dont le fait que la critique, faite par des personnalités notoires, est déjà ancienne, n’a pas empêché que l'usage en soit généralisé25. On peut constater que les parties de l’enseignement qui ne peuvent être évaluées sous cette forme, c'est à dire celles qui, en gros, exigent une rédaction écrite, ont tendance à disparaître ou à être dévalorisées dans les examens et concours (pour mémoire, les examens d’entrée en faculté de médecine sont exclusivement des QCM depuis longtemps ; leur informatisation complète ne pourra être que source d’économies). On peut citer comme exemples la dissertation dans les matières littéraires et la démonstration en mathématiques.26
- L’informatisation de l’enseignement  rencontre peu d’obstacles car les enseignants enseignent déjà depuis longtemps, et sans ordinateurs, des contenus correspondant à l’appauvrissement dû à la transformation massive du savoir en marchandise. La critique de l’informatisation du savoir est faible car, même avant l’installation des ordinateurs, les enseignants et les élèves avaient déjà été transformés en logiciels communicants.


Informatisation des apprentissages de base
 

Si la mécanisation des gestes humains et mentaux correspond à une économie de travail humain (Dans le monde actuel, cette économie se traduit et par des réductions d’effectifs et par l’intensification de la charge de travail des actifs), elle comporte des effets négatifs qui peuvent être maîtrisés à condition :
1) que l’automatisme soit «débrayable» et que l’homme puisse reprendre la main, mais ceci est contradictoire avec une économie qui automatise exclusivement pour réduire la masse salariale27 .

2) que les connaissances de celui qui commande la machine lui permette de la dominer, c’est-à-dire qu’il maîtrise l’activité humaine qui est matérialisée dans la machine. Sur ce dernier point, et ce n’est qu’un exemple, un débardeur de bois expliquait que ceux qui ne cassaient jamais les ponts des tracteurs dans cette activité était justement ceux qui avaient pratiqué le débardage avec le cheval. Mais là aussi les tendances économiques fondamentales ne recherchent pas pour la majorité des emplois une formation approfondie, bien au contraire . On peut citer, sans remonter trés loin dans le temps28 , l'analyse, datant de 1980, des experts chargés de la mise en place du Huitième Plan :

«la parcellisation et la standardisation conduisent à une banalisation  des emplois, qui autorise au mieux une initiation rapide avant ou après embauche ; le plus souvent on recourt à une adaptation sur le tas […] Ces considérations amorcées à propos du travail ouvrier sont susceptibles d'extension aux autres professions»29.


Mais, si l’on passe de la reproduction mécanisée d’une activité humaine à l’apprentissage de cette activité, il est bien évident

a) - que l’on ne peut apprendre sur la machine ce que simule cette machine. Et ceci est d’autant plus vrai pour l’apprentissage des fondements de l’écriture, de la lecture et du calcul qui ne peuvent être formalisés, notamment à cause de leur caractère social et de leurs liens directs avec le monde sensible. Dans le cadre limité des fonctions récursives, contrairement à l’être humain, l’ordinateur n’apprend pas30 , n’a pas à entraîner sa mémoire et surtout n’agit pas.
b) - que si l’on s’intéresse aux logiciels éducatifs, une fois que l’on a admis que les «didacticiels» ne peuvent pas, même imparfaitement, couvrir formellement l’ensemble du programme31 , la difficulté principale – et donc le coût de la programmation - est la compréhension de la réponse de l’élève (les QCM ont résolu ce problème... en le supprimant) et des raisons qui conduisent à cette réponse. Il est bien évident que, globalement, même dans le cas des QCM où les réponses sont standardisées, on ne sait pas pourquoi l’élève a donné une réponse juste ou une réponse fausse. Ceci dit, plaçons nous dans un cas idéal où le contenu est suffisamment pauvre pour que le test effectué par le logiciel ait une certaine valeur. Prenons un exercice où il s’agit de trouver le résultat d’une multiplication d’un nombre à deux chiffres par un nombre à deux chiffres et supposons de plus que le cours a déjà été fait en classe et que ce cours disponible en ligne est correctement présenté (je n’en connais aucun exemple dans la littérature scolaire actuelle), que l’élève tape le résultat en utilisant le pavé numérique (il ne s’agit donc pas d’un QCM), que tout le système d’aide en ligne lié à cet exercice est correct et disponible,  que le choix des nombres départ permet une analyse riche et différenciée des types d’erreurs ( oubli des retenues, non décalage , etc…) … et que l’élève a effectivement envie d’apprendre : dans ce cas, si, aprés avoir effectué une série assez longue d’exercices, les résultats sont toujours faux, le logiciel doit redonner la main à un pédagogue humain de plus extrêmement compétent car on se trouve alors devant un cas où toutes les solutions «classique » ont été inefficaces. Si l’on compare cette situation «idéale» à la réalité, on peut faire deux observations
- aucun didacticiel ne réalise le cahier de charges donné ci-dessus32

- dans une majorité des cas, ce sont des emplois jeunes qui assurent le soutien scolaire et accompagnent les élèves à la salle d’informatique ( mais le manque de formation de ces jeunes gens – dont la responsabilité ne peut leur être imputée - peut être un moindre mal si les formés et dûment diplômés sont des disciples de ceux qui prétendent que l’on peut apprendre la multiplication avant l’addition )


            C’est pour ces raisons que la mise en place des NTIC doit commencer par le bilan sans concession de ce sur quoi nous avons une expérience riche et qui en représente, sous une forme simplifiée mais lisible, les fondements : l’utilisation des calculatrices. Celles-ci doivent, dans un premier temps être interdites dans l’enseignement tant que les élèves ne maîtrisent pas ce qu’elles automatisent, c’est-à-dire d'abord dans les classes élémentaires33. Ce qui signifie que les quatre opérations doivent être enseignées, progressivement mais dès le CP, comme cela était traditionnellement fait dans le cadre de l’arithmétique du primaire33a, en considérant que leur rôle pédagogique n’est pas simplement de trouver un résultat numérique – ce qui revient à réduire le rôle des opérations à celui de la calculatrice – : elles  doivent être comprises et enseignées comme opérations sur les grandeurs34  et, en ce sens, elles sont irremplaçables dans la suite du cursus notamment :

1) Comme base du calcul algébrique et de l’algèbre des polynômes34a en s’appuyant notamment sur le caractère semi-polynomial de la numération décimale : mais ceci devient de plus en plus impossible car cela suppose de savoir effectuer manuellement les opérations alors que la tendance – lourde - est de limiter cet apprentissage aux opérations sur les « petits nombres » qui suffiraient pour en «saisir le sen »35 .

2) Comme introduction et base de l’équation aux dimensions et du principe d’homogénéité qui sont les outils indispensables non seulement du physicien mais de la majorité des situations où les mathématiques interviennent comme instrument de modélisation et en premier lieu de la résolution des problèmes d’arithmétique au niveau primaire (ce qui, pour ce niveau, revient à redonner toute son importance à des règles autrefois enseignées dont ne reste plus, au mieux, actuellement, que : « On n’additionne pas des torchons et des serviettes »)

3) Comme préparation à la majorité de l’activité mathématique elle-même car le calcul numérique n'intervient majoritairement dans celle-ci que comme support à la compréhension des objets que l'on doit envisager, en otre, de manière dialectique :  le calcul sur les quaternions doit à la fois être considéré comme un calcul numérique/algébrique sur un objet (un quaternion est un"nombre") et comme un calcul numérique/algébrique sur ses composantes. Envisagé sous cet angle, c'est le calcul sur les objets qui donne son sens au calcul numérique et l'on comprends trés bien que les directives officielles visant à « donner du sens » au calcul ne sont que la conséquence négative du fait que ces mêmes directives officielles ont, depuis plus de 30 ans, supprimé le sens du calcul en supprimant le calcul sur les grandeurs dans l'enseignement. Sur cette question, voir, dans les compléments de ce texte : Aspect logique / aspect intuitif des mathématiques : le rôle des grandeurs


    Cette interdiction –mais sans le retour raisonné au calcul sur les grandeurs– est déjà réalisée en Angleterre ou les calculettes sont prohibées jusqu’au huitième grade36  depuis 1999 et existe aussi aux USA37 .

                            Un autre aspect fondamental est l’interdiction d’installation de traitement de texte en primaire tant que l’écriture et la lecture ne sont pas correctement acquises :

- comme l’a montré Liliane Lurçat, l’apprentissage de l’écriture manuelle, par la maîtrise du geste, est fondamental. Il ne saurait être remplacé par la frappe du clavier dont l’usage abusif aux USA dans les cours de dactylographie donnés trop tôt, et ce même avant l’utilisation systématique des ordinateurs dans les écoles primaires, a été un facteur décisif dans la croissance record de l’illettrisme dans ce pays.
- comme les correcteurs orthographiques – et grammaticaux - ne seront capables de mériter leur noms que lorsque l’ordinateur saura comprendre une langue (ce qui n’est pas d'actualité malgré les promesses réitérées depuis une trentaine d’années : un indice sûr  sera les performances des traducteurs automatiques qui ne sont   pas même capables de traduire des modes d’emploi), leur usage en primaire tant que l’orthographe et les bases de la grammaire ne sont pas stabilisées représente un véritable danger38  puisque l’élève n’a aucune raison de ne pas croire ce que la machine lui indique et intègre donc les fautes engendrées par les correcteurs orthographiques et grammaticaux comme graphie correcte.
                            Sans entrer dans les détails, il existe cependant un aspect commun aux réformes dans les années 60/70 de l'enseignment du français et des mathématiques à l'école primaire, c'est la volonté d'enseigner directement à ce niveau les "mathématiques actuelles" et les "derniéresdécouvertes de la linguistique" : or, comme ces savoirs - dans la mesure où ils ne s'agissaient pas strictementd'effets de mode - étaient incompréhensibles et pourtant enseignés, ceci n'a pas peu aidé à valoriser comme critère de réussite positif un mode de pensée formel chez les éléves et a bien préparé la taylorisation du savoir: si cette période a été marquée par la volonté d'enseigner les "mathématiques",  la "linguistique" et  la" littérature", il serait temps d'en revenir à ce qui est la condition future du succés de ces enseignements, c'est à dire l'enseignement de l'arithmétique au sens classique du primaire et du français.

Reconstruire l’Ecole

                             Reconstruire l'école est, certes, un  mot d’ordre ambitieux mais qui, si les autorités en place le permettent, est le seul réaliste. Cette reconstruction doit  s’appuyer sur les fondements. Contrairement à la pédagogie de projet qui prétend que l’on peut tout apprendre dans n’importe quel ordre38a, nous devons viser l’école primaire car sans l’apprentissage des bases de la lecture, de l’écriture et du calcul repensé, intégrant la logique porteuse de sens qui sous tendait de manière empirique les progressions en place de 1880 à 1930, toute « défense du niveau » au collège et au lycée ne peut être qu’une illusion sur ce niveau même et ne peut que servir à accroître la sélection sociale sur la base de savoirs formels. C’est le piège qui nous est objectivement tendu, sans même donner aux  meilleurs élèves une véritable formation.  Dans On teaching mathematics 39, le grand mathématicien V.I. Arnold explique très bien  l’influence négative des programmes et de la conception dominante de l’enseignement des mathématiques sur les élèves de la pourtant prestigieuse Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, où il enseigne.
 
 

Message aux réformistes

            A la remarque banale et méprisante des réformistes : « Mais combien d’élèves avaient donc le certificat d’études ?», on peut répondre  que :

1) ce serait un résultat trés honorable si la grande majorité des élèves de 14 ans actuels atteignaient, en arithmétique et en français, le niveau du certificat d’études primaire.
2) la compréhension d’une langue suppose au moins la pratique de deux langues. C’est une des sources cachées du succès de «l’Ecole de Jules Ferry» : la majorité des élèves apprenaient le français comme deuxième langue car leur première langue était leur langue régionale.
3) l’apprentissage de la calculette et du traitement de textes qui s'effectue en très peu de temps en dehors de l’école, correspondrait à une réelle maîtrise de ceux-ci.
 

MICHEL DELORD
Professeur certifié de mathématiques tentant de faire fonction d’instituteur en collège.
Ex Administrateur réseau en entreprise (sous-traitance IBM, Renault, Airbus.).
Ergonomie des IHM (Interface Homme Machine) : Education et Médecine.
Projet NetD@ys Europe 1997 pour « College Intranet ».
Auteur d’un projet ambitieux de tutoriel qui a lamentablement fini comme partie mathématique de la série ADI (CoktelVison, Vivendi).
 
 

Quelques Compléments





Aspect logique / aspect intuitif des mathématiques : le rôle des grandeurs

                                Dans le débat « Les mathématiques sont elles une science expérimentale ou sont elles strictement logiques? », on doit répondre : les deux – et dans ce cas, elles doivent être apprises en tant que telles car les apprendre en les réduisant à un seul de leurs deux aspects équivaut à ne pas pouvoir les apprendre du tout - ; mais l’essentiel est de donner, par rapport au débat qui nous intéresse ici, c’est-à-dire la pédagogie des mathématiques, quelques exemples sur ce que peut signifier  cet aspect expérimental et cet aspect logique ainsi que leurs liens.

    Pour montrer ce qu’est l’aspect logique des mathématiques40 , prenons pour exemple les axiomes de la numération, c’est-à-dire ceux qui permettent de définir la suite des nombres entiers :

Axiome 1 : A chaque nombre a succède un nombre entier a’ différent de a
Axiome 2 : Seul le nombre 1 ne succède à aucun nombre
Axiome 3 : Tout nombre succède, directement ou par intermédiaire, à 1
Mais ceci ne suffit pas, car , si la suite 1,2,3,4,5,6….. convient bien, la suite 1,2,3,4,2,3,4,2,3,4… conviendrait aussi . On ajoute donc :
Axiome 4 : La suite des nombres qui, de proche en proche succèdent à un nombre a quelconque est isomorphe à la suite construite à partir de 1.


                    Et effectivement, toute suite qui satisfait à ces quatre axiomes est isomorphe ( c’est-à-dire qu'elle a, en tant que structure logique, les mêmes propriétés ) à la suite des entiers naturels1,2,3,4,5,6,7…..

Mais justement si l’on s’intéresse aux suites ci-dessous :

S2 : 2,4,6,8,10,12….
S10 : 10,20,30,40,50,60….
S100 : 100,200,300,400,500,600…
elles possèdent toutes la même structure logique qui est celle de la suite des entiers naturels et sont donc des modèles de cette suite et pourtant l’on sent bien, intuitivement, que 1 n’est  égal ni à 2, ni à 10 ni à 100.

        Intéressons nous plus particulièrement à la deuxième suite  S10 :10,20,30,40,50,60…. Et définissons dans  S10

- une addition  qui est l’addition ordinaire 20 + 30 = 50

- une multiplication notée * qui est le quotient par 10 de la multiplication ordinaire : par exemple
 20 * 30 = ( 20 x 30) :10 = 60 de la même manière que 2 x 3 = 6


                                    Dans ces conditions, 10 * 30 = ( 10 x 30) :10 = 30 et, en général, pour tout nombre a de S10, on a :  a*10 = 10*a = a. Ce qui fait que « 10 » est bien « l’unité » puisque « 10 »

- est bien la différence entre deux «entiers successif » de S10
- est bien l’élément neutre pour la multiplication ainsi définie,
c’est-à-dire que 10 joue bien pour S10 le rôle de 1 pour la suite des entiers naturels munie de l’addition et de la multiplication «classiques».
                On pourrait bien sûr définir les opérations correspondantes pour S2 , S100 , S1000 aussi bien que pour  S3, S4,S5 …que pour S1 qui est l’ensemble des entiers naturels.

                  La structure logique de l’arithmétique des entiers est justement cette structure commune : l’intéressant est d’observer ce que l’on perd en passant de la conception intuitive de la suite des entiers à la structure logique  ( et qui plus est à la structure axiomatique. Cf .F. Gonseth)

On y perd essentiellement, dit Ferdinand Gonseth, «tout un côté [ de la notion de nombre] que les axiomes ne touchent pas : c'est justement celui qui, dans l’exercice de la pensée, nous importe le plus ; celui qui se rapporte à l’idée de grandeur»41 . Il est bien évident que, si l’on ne considère «1» en lui-même – comme « nombre pur » disaient les Instructions Officielles de 1882 jusqu’en 1945 – c’est-à-dire dans ce qu’il a d’équivalent  «en tant qu’unité» à 2 , 3 … on a supprimé toute idée de grandeur, c'est à dire aussi toute liaison non seulement avec la physique mais aussi d’une manière plus générale avec le nombre utilisé comme on le dit maintenant comme outil de modélisation ou plus simplement comme outil pour poser et résoudre des problèmes. De plus si l’on ne considère les opérations comme n’opérant que sur ces nombres purs on supprime toute perception de « l’ordre de grandeur » puisque celle-ci s’acquiert certes par la perception de la suite des nombres entiers mais à la condition express de ne pas le séparer des manipulations physiques et des opérations –correspondantes directement ou non -  sur les différents types de grandeurs. A titre d’exemple, on ne peut comprendre que 6 est le double de 3 que si l’on  perçoit – physiquement dirais-je -  ce que signifie que 6 m est le double de 3m, 6 m2 est le double de 3m2 , 6 kg est le double de 3kg, 6 g est le double de 3g… En ce sens , il est absolument impossible de réduire l’arithmétique à la logique42  et ce qui permets de ne pas opérer cette réduction est justement de l’associer en permanence à la notion de grandeur : il serait urgent, au contraire des nouveaux projets de programmes du primaire qui réduisent l'apprentissage des unités d'aires aux cm 2, dm 2et m2 et suppriment totalement l'apprentissage des unités de volume, de redonner toute leur importance à l'apprentissage de toutes les  unités de masse, de longueur, d'aire, de volume et de capacité en retrouvant les trés riches distinctions, du point de vue du calcul et de la manipulation, entre unités légales, usuelles, fictives et effectives.

Or une des caractéristiques fondamentales  de la période des années 45 à 70 en France est la tendance à la suppression des grandeurs dans l’enseignement de l’arithmétique, la réforme des mathématiques modernes  étant la théorisation complète de cette disparition

Il est cependant des aspects étranges qui tendent à masquer ce fait :
 

- dans les différents bilans de l'enseeignement des mathématiques modernes parus depuis les années 80, il n’y aucune mention de cette disparition comme un aspect fondamental de cette réforme alors que ses acteurs la considéraient eux-mêmes comme LA nouveauté et LA rupture « révolutionnaire ». Dans un livre43  spécialement édité par l’APMEP44  pour commenter « Le programme de mathématiques de l’enseignement élémentaire »45  applicable à la rentrée de septembre 1970, Marguerite Robert nous le dit très précisément : « L’abandon des « opérations sur les grandeurs » est bien la mutation fondamentale apportée par les programmes transitoires, c’est lui qui transforme profondément les démarches de la pensée dans l’enseignement élémentaire »46 . Ceci n’est pas étonnant car cette réforme s’est effectivement présentée comme mettant en avant
 
- une conception strictement axiomatique : à la question  «Pourquoi l'enseignement des mathématiques doit-il être réformé " de la maternelle aux facultés"? », l'APMEP répondait, en Janvier 1968, dans la  Charte de Chambéry , en précisant ce qu'elle entendait par mathématiques modernes:
«Que l'enseignement des mathématiques soit analysé dans son contenu, dans sa forme pédagogique, ou dans son rôle social ou économique, il est certainement très remarquable que les conclusions soient convergentes; ce qu'on appelle un peu vite la mathématique moderne, ce qu'il conviendrait mieux d'appeler la conception constructive, axiomatique, structurelle des mathématiques, fruit de l'évolution des idées, s’adapte « comme un gant » nous permettrons-nous de dire, à la formation de la jeunesse de notre temps


- les « mathématiques pures », c'est-à-dire comme une matière à part notamment de la physique, c'est à dire une conception qui annule à priori le lien existant entre les mathématiques, les autres sciences et la technologie47 . Les conséquences, comme le fait également remarquer Laurent Schwartz ont été réelles mais limitées dans l’activité des mathématiciens car lorsqu’un mathématicien conséquent emploie des concepts abstraits, il a toujours en vue les différentes réalités d’où ces concepts sont tirés. C’est ce que faisait remarquer  Henri Lebesgue en 1941 lorsqu’il écrivait : « mais ceux à qui sont dues ces considérations [abstraites et savantes] ont pu se mouvoir dans l’abstraction et faire cependant œuvre utile précisément parce qu’ils avaient un sens aigu de la réalité ». Mais les conséquences ont été toutes autres dans le domaine de l’enseignement et en particulier de l’enseignement primaire et du début du secondaire car, pour reprendre la suite du texte de H. Lebesgue,  « c’est ce sens qu’il faut s’efforcer d’éveiller chez les jeunes ; après, mais après seulement, le passage à l’abstrait peut être profitable ; lorsque sous l’abstrait on continue à voir le concret et, dans le général, tous les cas vraiment utiles. »


- Actuellement, nous en sommes toujours presque mot à mot à la période des mathématiques modernes : on peut constater simultanément que l’enseignement des grandeurs et du calcul sur celles-ci est toujours absent des programmes non seulement du primaire mais de tout le cursus de mathématiques jusqu’au lycée. Un commentaire sur le programme de troisième des collèges 47a sorti récemment se trouve sur le site internet du CNDP, on peut y lire notamment :

«  Aujourd’hui, la science mathématique s’est largement affranchie de la question des grandeurs (l’ensemble des nombres, par exemple, se construit, formellement, sans référence aucune aux grandeurs). Théoriquement, les mathématiques peuvent donc à la fois se transmettre et se développer sans référence à la notion de grandeur » mais surtout : « En effet, en mathématiques, on ne travaille pas sur les grandeurs (c’est l’objet d’autres disciplines, comme la physique, la technologie, les sciences de la vie et de la Terre ou la géographie et l’économie par exemple) »
Or ce genre de diktat est faux mathématiquement car c’est pour le moins une mutilation des mathématiques d’affirmer que l’écriture 2m x 3m= 6m² n’est pas mathématique48 . Curieusement, ce sont les mêmes qui  tracent -et ont tracé-des frontiéres étanches entre les mathématiques et la physique à coups de circulaires et qui invoquent en permanence le recours à l'interdisplinarité. Ils reprennent presque  mot pour mot les BO des années 70 où l’on décidait ce qui était « la mathématique » et ce qui ne l’était pas. On trouvait en effet dans le BO du 2 Janvier 70 précédemment cité: « Les phrases telles que 8 pommes +7 pommes = 15 pommes n’appartiennent en fait, ni au langage mathématique ni au langage usuel » !En fait, on peut soutenir que l’affirmation  « les mathématiques peuvent donc … se transmettre … sans référence à la notion de grandeur » est vraie… si on réduit la pédagogie à la communication : la «transmissio » se produit sous cette forme lorsque l’on transfère, par exemple, le logiciel Mathematica d’un ordinateur à un autre mais non lorsqu’un être humain apprends les mathématiques.
E-Learning et E-Business

            « E-Learning is catalyst for E-Business solutions. »49  disait-on au meeting d’Orlando sur l’Advanced Distributed Learning en Septembre 2000.
                        Il importe donc de revenir  sur l’E-Business. Qu’introduit-il donc économiquement de nouveau? La vitesse, c’est-à-dire l’extraordinaire accélération de la rotation du capital : il devient en effet possible de transférer à la vitesse de la lumière de la monnaie d’un point à l’autre du globe. Mais ce transfert n’est possible que parce que le lent processus de dématérialisation de la monnaie50  en est arrivé à un stade où l’anecdote rapportée, avec force photographies, par Le Figaro Magazine à la fin des années 70 n’a maintenant plus de sens. A la suite d’une vente, un chèque d’un montant assez colossal est signé à Paris, chèque qui doit être déposé dans une banque à New York pour prendre effet: il ne part pas par la poste mais, immédiatement après la signature, est pris par un hélicoptère qui décolle du toit de l’hôtel pour l’amener à Roissy prendre le Concorde.  Mais si l’on peut transférer de la monnaie d’une manière quasi immédiate d’un point A à un point B du globe, il faut, en échange, qu’une marchandise circule au même moment et, idéalement, en sens inverse. Si celle-ci ne peut circuler sous forme électronique, il faut accroitre, dans le cadre de la demande mondialisée, sa vitesse de production et de circulation. Les limites de compressibilité de ces processus expliquent en grande partie les échecs du E-business.
                 Le cas véritablement nouveau est lorsque la marchandise peut circuler de manière elle aussi électronique.  Le premier cas , bien évidemment, est celui où  la monnaie circule en échange de monnaie, ou sous la forme d’un ordre d’achat correspondant à un transfert de fonds, ce qui ne peut que favoriser les activités spéculatives sur les monnaies dans la mesure la vitesse d’intervention est un facteur majeur des activités spéculatives. Mais, surtout depuis que les formes d’E-Business correspondant à un échange de produits non électroniques sont en faillite51 , la pression financière pour l’investissement s’accentue dans le domaine de la connaissance pour peu qu'elle soit une marchandise, c'est à dire que son accès soit payant51a. Mais plus le  marché de la connaissance se développera, plus se renchériront les coûts de production puisque entreront dans ceux-ci des des éléments précedemment gratuits: nous touchons ici la question des brevets et de l’extension de leurs domaines d’application et il faut remarquer, a contrario, que la non brevetabilité d’autres chose que des « dispositifs » a été une des conditions qui a permis le développement du capitalisme au XIXème siècle52 . Si, au contraire, toutes les connaissances deviennent des marchandises, une euphorie spéculative profitera dans un premier temps à ceux qui posséderont les droits sur ces contenus mais, très rapidement, s’ensuivra une asphyxie de la production au moins pour les secteurs qui ne les possèdent pas, mais ceux-ci en seront victimes à leur tout car ils ne peuvent vivre indépendamment de l’ensemble du système.

                    Où en sommes-nous sur le sujet qui nous qui nous intéresse, c’est-à-dire celui de la transformation de l’enseignement sous l’influence de l’introduction des NTIC ?

                    Une première réponse à cette question nous est donnée par Edith Cresson lorsqu’elle est interviewée dans Le cartable de big brother. Interrogée en 1997 sur la menace de mercantilisation des contenus de  l’enseignement, elle indique très précisément que cette phase est à venir car l’essentiel est actuellement de «doter les écoles d’ordinateurs», à charge, pour les entreprises de développer un marché. Il semble donc bien que, au moins au niveau européen, nous en soyons toujours là ce qui explique le flou des directives ministérielles concernant les normes de  développement des contenus et des logiciels chargés de porter ces contenus et d’en réaliser l’interactivité.

                    Cependant, il est possible d'imaginer cet avenir si on analyse la pédagogie proposée en fonction des rapports de force mondiaux. De ce point de vue, le projet le plus prometteur (!), c'est-à-dire qui a le plus de «chance» de s’imposer, est celui initié dés 1997 par le DoD ( Ministère de la défense américaine), Advanced Distributed Learning Initiative52a, auquel participent notamment tous les géants de l’informatique y compris Microsoft. On ne peut qu’être partisan de l’établissement de normes facilitant la communication mais on peut s’interroger sur le contenu exact de la norme SCORM qui apparemment ne réalise pas les conditions données plus haut pour la réalisation d’un didacticiel. En outre, elle n'est pas reconnue par le W3C. Il est tout à fait  étonnant est qu’un projet de cette ampleur soit non seulement ignoré par les médias mais également par l’ensemble des spécialistes français d’informatique et d’éducation53  . Donnons cependant un extrait de ce que sont les buts de l’ADL que l’on trouve exposés sous le lien « About ADL » dans la page de présentation du site54  :
 

Purpose: The purpose of the ADL initiative is to ensure access to high-quality  education and training materials that can be tailored to individual learner needs  and made available whenever and wherever they are required.

 This initiative is designed to accelerate large-scale development of dynamic and cost-effective learning software and to stimulate an efficient market for these products in order to meet the education and training needs of the military and the nation's workforce in the 21st century. It will do this through the development of a common technical framework for computer and net-based learning that will foster the creation of reusable learning content as "instructional objects."
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  ADL Benefits: Studies have shown that the use of ADL technology-based  instruction reduces cost of instruction by 30—60%; reduces time of instruction by 20—40%; increases effectiveness of instruction by 30%; increases student  knowledge and performance by 10—30%; and improves organization efficiency and productivity. ADL also improves costs and efficiencies by distributing instructional components inexpensively to physically remote locations and simulating expensive devices for both operator and maintenance  training.

  Outcome Metrics: Success of the ADL initiative will be measured by the  extent to which:
(1) consumers are able to purchase high-quality learning software less expensively than they do today;
(2) the size of the learning  software market increases;
(3) producers of learning software are able to achieve a higher return on their investments.

On ne pourra jamais remplacer un enseignant par un ordinateur?

                                Il est bien évident que ce texte tend à prouver que «l’intelligence de l’ordinateu » est à cent pieds au dessous des capacités humaines mais surtout n’est pas du même ordre. Mais n’allons pas trop vite en assimilant conceptuellement trop rapidement les capacités humaines en général à celles d'enseignants réels  suivant  des curriculum réels. On peut remarquer que l'« Advanced Distributed Learning Initiative » prétend accroître l’efficacité de l’enseignement de 30%, tout en diminuant son coût  de 30 à 60%, c’est-à-dire en diminuant de toutes façons de  manière notable l’effectif des enseignants55 en les remplaçant  par des ordinateurs. Il y a probablement une part d’exagération destinée vanter le produit mais il faut cependant noter deux caractéristiques de l’enseignement américain – que l’enseignement français tend de plus en plus à imiter -

a) un refus constant de l’apprentissage par cœur, du « rote-learning », sous le prétexte qu’il est mécanique

b) le très faible niveau de formation de ses maîtres, qui n’est que la conséquence du faible niveau scolaire précédent qui peut être attesté par les exemples suivants56  :

i) En demandant à des instituteurs américains et chinois quelle devait être leur réaction face à des élèves du primaire qui ne font pas de décalage dans les lignes d’une multiplication, on aboutit aux résultats suivants
60% des instituteurs américains contre  10% des instituteurs chinois ont une compréhension de l’algorithme de la multiplication limitée à la procédure

40% des instituteurs américains ont une compréhension complète de l’algorithme contre 90% des instituteurs chinois


ii) A la question « Combien de fois ½ est contenu dans 1 ¾ ? », 100% des instituteurs chinois donnent la réponse correcte contre seulement 40% des instituteurs américains. Autrement dit, 60% des instituteurs américains interrogés ne savent pas calculer le quotient de  1 ¾  par ½. De plus, au point de vue pédagogique, 95% des instituteurs américains sont incapables d’imaginer un problème correspondant à cette opération tandis que le pourcentage tombe à 10% pour les instituteurs chinois.


Sans vouloir entrer dans les détails – mais les constatations du livre de Liping Ma ne sont remises en cause par aucun courant pédagogique américain -, on peut conclure assez rapidement qu’il n’est pas difficile pour l’enseignement informatisé d’obtenir une augmentation de 30% de l’efficacité pédagogique si il a été expérimentée dans de telles conditions.

En effet
- cet enseignement est précisément efficace  dans le domaine des apprentissages mécaniques et il n’a pas de mal à être plus performant que des enseignants qui refusent tout  « rote-learning »
- un simple cours papier, même sans «interaction », simplement projeté sur un écran qui explique la règle  permettant de diviser 1 ¾  par ½, accompagné de quelques exercices  sur le sujet à « correction automatique » a une qualité bien supérieure à celui d'un enseignant qui ne sait pas.

Ceci dit, revenons à la question initiale : l’acceptation par le corps enseignant des différentes réformes depuis une trentaine d’années rend tout à fait possible leur remplacement par des robots.


Notes
1- NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication qui sont devenues TICE, TIC…

2-  Notamment dans son article du Monde Diplomatique de Juin 1998 « L'école, grand marché du XXIe siècle »
http://www.monde-diplomatique.fr/1998/06/DE_SELYS/10584.html

3-  Voir le site de l’APED « Association Pour une Ecole Démocratique » : http://users.skynet.be/aped et les livres «Tableau Noir » et  «Les Nouveaux maîtres de l’école» aux Editions EPO.
    Une des faiblesses des analyses courantes de la mercantilisation de l’enseignement est de minimiser l’influence de ce phénomène sur le contenu des matières de base – ce texte se propose d’y remédier- et, au nom de la lutte contre l’emprise réelle et négative des entreprises sur l’enseignement de justifier la coupure entre la théorie et la pratique,  les mathématiques et la physique, la science, la technique et la production, c’est-à-dire en fait de reproduire au niveau des « idées » l’autonomisation formelle des domaines de la pensée et la parcellarisation sociale produite par le marché qui est formé d’unités autonomes juridiquement indépendantes.

4-  in Jacques Attali,  «L'école d'aprés-demain» : Les nouvelles technologies vont-elles remettre en cause le système éducatif ?, in Le Revenu Français Hebdo, n° 324,  2 décembre 1994.

5-Cette insistance sur la qualité des personnes qui défendent des conceptions vise simplement à montrer l’ancienneté et l’ampleur des dégâts: le fait que certaines n'aient perçus une partie du problème que lorsque Claude  Allègre est devenu ministre et eût fait quelques déclarations fracassantes donne une importance bien trop grande au personnage mais montre surtout la faiblesse de leurs analyses.

6- Toutes les citations de la COPREM, y compris celle du doyen de l’inspection Générale, proviennent de la brochure :
« Contribution à l'enseignement mathématique contemporain : Analyse des contenus, méthodes, progressions, relatifs aux principaux thèmes des programmes : La proportionnalité / Le calcul numérique », MEN CRDP Strasbourg,  Dépôt légal : 1987

7- Lire sur le sujet la critique décapante de Rudolf Bkouche : « De la transposition didactique » : http://casemath.free.fr/divers/tribune/didactic.pdf

8- C’est-à-dire réduite à la théorie mathématique de la communication : C. Shannon et W. Weaver, The Mathematical Theory of Communication, Univ. of Illinois Press, Urbana ( Ill.), 1949, traduction française, C.E.P.L., Paris, 1975. Une des difficultés de la critique de la « communication » comme abstraction mathématique réductrice de l’activité humaine est que, comme toute abstraction de ce type,  elle est effectivement présente dans les phénomènes qu’elle est censée modéliser mais qu’elle n’en donne que la description la plus pauvre : le fait que dans tout échange – qu’il soit thermodynamique, mécanique ou humain -, on puisse toujours trouver un émetteur , un récepteur, du code et un référent ne permets pas  d’éclairer l’analyse concrète de ce phénomène.

 9-Pour de plus amples détails , consulter mon texte « Calcul humain, calcul mental et calculettes : Questions pédagogiques »: http://casemath.free.fr/index.php3?page=diver

 10-J.-P. Dupuy, Aux origines des sciences cognitives, Edition La Découverte, Paris ,1999

 11-Cette modification de la forme même des produits ne se généralisera et prendra une forme achevée qu’à partir du vingtième siècle avec le  «fordisme», c’est-à-dire avec la production à grande échelle standardisée de produits eux-mêmes standardisés à destination massive du «grand public».

12-K. Marx, Un chapitre inédit du Capital, Edition 10-18, Paris 1971, page 218

13-En négligeant l’aspect communication / réseaux qui serait aussi à analyser

14-Malgré ce qu’avance dans l’article « Intelligence » de L’Encyclopedia Universalis, où  Jean François Richard  prétend que « la machine peut désormais démontrer des théorèmes », aucun ordinateur n’a jamais démontré de théorèmes. L’exemple classiquement donné pour affirmer que « l’ordinateur démontre des théorèmes » est celui de la démonstration du « Théorème des Quatre couleurs » qui énonce  que l’on peut colorier avec 4 couleurs toute carte plane  sans que deux régions limitrophes aient la même couleur: pour démontrer ce théorème , on a démontré ( pas l’ordinateur ) que le cas général pouvait se ramener à 1936 cartes types , dites cartes réductibles et , en 1976, les mathématiciens Appel et Haken ( donc encore une fois pas un ordinateur ) écrivent un programme qui a permis la vérification sur ce nombre fini de cas. On pourrait tout autant dire que « le crayon à papier et la gomme peuvent démontrer des théorèmes » puisqu’il s’agit d’outils, disposants d’autant d’autonomie que l’ordinateur, dont se servent les mathématiciens pour arriver à ce résultat.

15- «  Un problème d’algèbre ne peut guère être qu’un simple exercice requérant l’application aveugle de règles de calcul d’un schéma formel préétabli ». René Thom , Les mathématiques « modernes », une erreur pédagogique et philosophique, reproduit in Pourquoi la mathématique ? , Edition 10/18, Paris , 1974, page 62.
    Une des caractéristiques de la réforme des mathématiques modernes a justement été la réduction des démonstrations au formalisme mécanisé des démonstrations algébriques par suppression des démonstrations géométriques: ce fut une étape fondamentale dans la perte de capacités démonstratives des élèves. La réaction aggravante qui suivit, pilotée par des acteurs de la réforme des maths modernes qui refusent toute formalisation confondue avec le formalisme vide de la réforme qu’ils avaient défendu, fut une réaction empiriste – celle des «activités mathématique » et en particulier des «activités géométriques»- qui ne permet même plus de faire des démonstrations puisqu’il n’y a plus de système de références des propriétés utilisables pour ces démonstrations: les mathématiques scolaires se présentent comme un ensemble déstructuré ou, comme le disait Henri Lebesgue dés 1941, «Les mathématiques cessent d’être un monument, c’est un tas»* dans lequel on insiste de manière pointilleuse sur des détails «sans s’occuper du rapport avec les autres questions». La situation s’est encore aggravée par la généralisation affirmée dans les programmes de donner des théorèmes sans démonstration, c'est à dire de supprimer ce qui est à la fois une activité caractéristique de la matière sans laquelle il n’y pas de mathématiques et ce qui permets effectivement de relier le contenu d’un théorème au reste de l’édifice mathématique. Les élèves sont donc là aussi préparés à être les adjoints des machines puisqu’on les encourage à se comporter en utilisateurs de théorèmes et de formules. Il pourrait, à la rigueur, exister quelques arguments dans ce sens pour des formations de techniciens qui peuvent avoir à utiliser une formule sans la comprendre, cela ne ferait cependant que traduire une conception de la technique l’opposant, en l’infériorisant, à la pensée théorique. Mais ces arguments ne tiennent pas s’agissant de la suppression des démonstrations des théorèmes de convergence dans les classes préparatoires à Ulm et Polytechnique.
* Henri Lebesgue, La mesure des grandeurs, Paris, Librairie Scientifique et Technique Albert Blanchard, , 1975. page 20.

16- Avec des différences et notamment celui introduit par l’enseignement mutuel, mais ces différences n’ont qu’une importance secondaire par rapport au sujet traité qui concerne essentiellement le contenu du savoir.

17- En France, elle n’ose pas prendre ce nom à consonance  « fordiste » et préfère se faire appeler « pédagogie de maîtrise », décalque du Mastery Learning américain.
Voir : http://www.freinet.org/pef/fr/ped-mait.htm . Pour son dernier avatar, la « Pédagogie de maîtrise à effet vicariant », décalque du Vicarious Learning, voir le site de M. Monot : http://www.offratel.nc/magui

 18- Une des origines de la PPO est la situation dans laquelle se trouve l’armée de l’air américaine au moment où les raids de bombardements sur l’Allemagne lui font perdre un nombre considérable de pilotes dont elle s’aperçoit que la longueur du temps de leur formation va aboutir à une absence de pilote . Elle invente donc « le pilote de bombardier » qui sait 1) décoller l’avion , 2) se maintenir en formation … etc. Il possède des « savoir faire » mais ce n’est plus un pilote. Quant à l’Army Method , elle naît du besoin de formation rapide à la « communication » des officiers américains avec les différentes populations autochtones pendant  la reconquête des Iles du Pacifique : elle va juste un peu plus loin que l’apprentissage de phrases du type « Moi ami , toi pas tirer ». Il s’agit donc effectivement d’une révolution par rapport aux formes d’enseignement universitaires précédentes.

19- Qui peut être une conception technique intéressante si on la réduit à ce qu’elle est, c’est-à-dire pas une conception globale de l’apprentissage et de la connaissance.

20- Le fait que, dans la perspective de Skinner, existe encore une «progressio », c'est à dire que l’apprentissage des éléments ne peut se faire que dans un ensemble organisé non suivant les désirs de l’enfant mais suivant la logique de la matière, semble un scandale intolérable aux partisans de la «pédagogie de projet» et aux adeptes de «l’élève au centr » pour lesquels la «tyrannie des programme » est une limitation de la «liberté de l’enfan » aussi scandaleuse que peut l’être pour un partisan de la dictature des marchés toute intervention visant à limiter cette dictature. Il y a un parallèle très clair entre la fausse critique du formalisme des mathématiquess modernes et la fausse critique des thèses de  Skinner : elles contribuent toutes les deux, sous le manteau de la défense de la «liberté créative» à empêcher la structuration de  la pensée de l’enfant .

21-Gaston Viaud , L’intelligence, son évolution et ses formes, PUF, Que sais-je ?, Paris , 1953.

22-  J.L. Bell , Brève critique de la pratique mathématique actuelle, reproduit in Pourquoi la mathématique ? , Edition 10/18, Paris , 1974, page 91. « Les mathématiques modernes ressemblent donc au monde de la technologie de masse, qui comprend la production et la manipulation d’objets « neutralisés » - êtres humains inclus – à l’intérieur d’une structure économique établie »

23-Un des biais par lequel le savoir se transforme en marchandise est l’importance du diplôme comme moyen d’insertion dans la structure sociale, c'est-à-dire sa valeur marchande : tout discours sur l’ascenseur social  étant en soi une problématique marchande ne peut que favoriser – suivant ses possibilités historiques et sociales de réalisation – la transformation du savoir en marchandise, c'est-à-dire valorisé en fonction de sa seule valeur marchande. La société ne peut pas simultanément,   à moins de souhaiter volontairement les transformer en schizophrènes, dire à un élève et à ses parents qu’il travaille pour avoir une bonne situation – la formulation plus moderne mais aussi plus prégnante étant d’échapper au chômage puisque le diplôme est «une garantie contre le chômag » - , et, en même temps, lui reprocher de ne pas évaluer ce qu’il apprend à l’école en fonction de son utilité dans un futur métier ( « Msieur, à quoi ça sert ce que j’apprends si je veux être… ?) et reprocher à ses parents de ne pas juger l’enseignement en fonction du palmarès des établissements sans s’occuper de ce que sanctionne en terme de contenus les examens. Une fois que l’on a créé cette pression sur les contenus par la «rage évaluatrice », la solution la plus facile est donc de supprimer ce qui présente des difficultés et ce processus ne peut que s’autoalimenter. Comme le montre l’exemple américain, la mise en place de tests de plus en plus fréquents, surtout si leur réussite a une influence directe sur les crédits alloués à l’établissement et sur les rémunérations des enseignants, fait que ceux-ci concentrent toute leur attention sur la réussite à ces tests. Alors, le processus de  parcellarisation du contenu de l’enseignement s'amplifie, rend donc encore plus difficile la compréhension de la suite du cursus. Ces allégements de programmes atteignent alors nécessairement des notions fondamentales car ce sont justement elles qui sont difficiles, et le phénomène de dissociation entre la  valeur marchande du test et sa valeur d’usage ( le contenu enseigné ) ne peut qu’accentuer encore . Pour avoir une idée nette de la direction dans laquelle nous envoient les « sociologues de l’éducation » qui, depuis des années, se plaignent du fait que les enseignants n’ont pas la « culture de l’évaluation », lire, sur le site de Sauver les Lettres, la traduction de l’article du Washington Post du 8 Mai 2001 : Mountains of tests slowly crushing school quality que l’on trouve à http://www.sauv.net/washpost010508.htm .

24-  Mais, il existe des exemples plus subtils que l’on peut prendre en dehors des utilisations de la calculette: demandons à un élève de tracer la droite passant par le point A et parallèle à la droite D à l’aide d’un logiciel de dessin géométrique. Figurent déjà sur l’écran le point A et la droite D. Il ouvre le menu : «Tracer une droite», choisit le sous menu «Passant par le point» , choisit le point A par clic sur celui-ci ou par choix dans une liste déroulante, choisit le sous menu «Parallèle à la droite», clique sur la droite D ou la choisit dans une liste déroulante, puis dans le meilleur des cas confirme par OK la phrase suivante «Tracer la droite passant par le point A et parallèle à la droite D ?».  Peut-on dire alors qu’il a compris ce que sont deux droites parallèles et qu’il sait tracer la droite passant par A et parallèle à la droite D ?

25-  Lire sur le sujet : Jacques Barzun, « Reasons to De-test Schools », in Begin here: The Forgotten  Conditions of Teaching and Learning,  University of Chicago Press, 1991, p. 32-37.
L’article, reproduit d’un article du New York Times  date lui-même de 1988. J. Barzun y rappelle qu’il a préfacé en 1962 le livre de Banesh Hoffman, mathématicien proche d’Einstein, intitulé The Tyranny of Testing ( Crowell-Collier, 1962) dont le titre est suffisamment explicite et le résume ainsi :

«Thirty years ago, the late physician and mathematician Banesh Hoffman, wrote a book entitled The tyranny of Testing, which was attacked by the test-making industry and ignored by educationists. What is showed by examples over a wide range of subjects was how the multiple-choice questions in use,, by their forms and contents, worked against the aims of good teaching. Leaving to one side the errors of facts and misleading wordings that he came across in samples tests, he found that this lode of testing suppresses the natural diversity of minds, penalizes the most imaginative, and perpetuates conventional opinions. The students who handles multiple choices best are not the best , but the second-best »


26-  La tendance à la suppression de la dissertation et des démonstrations et leurs remplacements par des QCM, qui sont de véritables régressions, ne doit pas cacher que cette régression a été préparée par la dégénérescence formaliste de ces exercices dans une optique de «préparation à l’exame ». Mais contrairement à ceux qui ne critiquent ce formalisme des expédients universitaires que pour instaurer de «nouveaux modes d’évaluation» encore plus destructeurs, il faut dire que la « culture de l’évaluation » chaudement recommandée ne peut que transformer le bachotage ponctuel limité au baccalauréat en bachotage continu de la même manière que le remplacement des compositions trimestrielles par le contrôle continu a encore accentué la valorisation de la fragmentation du savoir. Lorsque Henri Lebesgue parle, dans le passage cité plus haut, de la transformation des mathématiques de «monument» en «tas», il en donne, dans les lignes précédentes, comme origine, justement, la pression des «examens et concours»:

«Les examens et concours incitent malheureusement à commettre souvent cette petite fourberie; les professeurs doivent dresser leurs élèves à bien répondre à de petites questions fragmentaires, ils leur donnent des modèles de réponse, qui sont souvent de véritables petits chefs d’œuvre et qui ne donnent prise à aucune critique. Pour y parvenir, les professeurs isolent une partie de l’ensemble des mathématiques, ils créent, pour ce qui la concerne, un langage parfait sans s’occuper du raccord avec les autres questions».
Mais la rage de l’évaluation qui sévit depuis les années 70 en France fait que nous sommes arrivés au stade industriel des « petites fourberies » dont parlait Henri Lebesgue : a contrario, une des sources de la qualité de la très décriée, justement par les sociologues évaluateurs, Ecole de Jules Ferry est le fait qu’elle ne fonctionnait pas sous la houlette de comités de pilotage chargés de planifier le nombre de reçus aux examens.

27- Il y a une étonnante position qui consiste à prétendre que, pour éviter la «perte de sens» liée à  l’enseignement «mécanique» dont une forme serait le fait «d’apprendre par cœur» un certain nombre de choses, il faut évacuer tout ce qui est mécanique dans l’enseignement et le confier à la machine (calculette ou ordinateur). Ce qui est essentiellement mécanique est le type de raisonnement qui aboutit à ce type de conclusion car il oppose justement de manière mécaniste l’intelligent au mécanique, la pratique du calcul à la compréhension de celui-ci comme si le fameux «sens» était indépendant de la pratique et opposé à celle-ci. Car si, comme pour un logiciel, le mécanisme humain doit être débrayable , c’est que ce mécanisme existe et c’est son existence qui justement permets à l’esprit de pouvoir se concentrer sur la compréhension. Un élève qui ne maîtrise pas de manière mécanique le calcul algébrique,  qui est lui-même, entre autres,  une mécanisation  du calcul numérique, submergé par les difficultés techniques du calcul, ne pourra pas porter son attention sur le sens de son calcul. Et le fait de confier ce calcul non maîtrisé humainement à une machine ne résout aucunement le problème mais l’aggrave.

28- Si l’on cherche vraiment l’antériorité, Marx écrivait déjà :  «Une autre réforme très appréciée des bourgeois est l'éducation, et particulièrement "l'éducation professionnelle universelle ". Nous ne voulons pas relever l'absurde contradiction selon laquelle l'industrie moderne remplace sans cesse davantage le travail complexe par le travail simple pour lequel il n'est besoin d'aucune formation» . In Marx, Manuscrit annexe à Travail salarié et Capital intitulé "Le Salaire" (1849) .

29- Rapport du Groupe de travail « Emploi-Formation », Préparation du Huitième Plan, La Documentation Française, Paris, 1980, page 84.

30-  Les programmations de situations d’apprentissage existantes, de l’hexa-pawn au  jeu d’échecs, sont de nature différentes et incommensurablement plus pauvres que le simple apprentissage humain de la numération.

31- C’est exactement le contraire qui est affirmé dans la présentation des logiciels destinés à un usage hors-école mais cette présentation risque de devenir vraie si les programmes sont réduits à ce qui est informatisable et si les examens s’alignent de plus en plus sur ce qui est transformable en QCM.

32- Qui plus est, cette liste de normes n’est pas limitative.

33-  Ceci signifie que la condition minimum pour confier une calculatrice à un élève est que, s’il tape une opération de base ( +,-,x, :) faite à partir de deux nombres qu’il sait manipuler, il doit savoir interpréter le résultat affiché. S’il a tapé 0,000005 : 1 000 000, il doit savoir ce que signifie un affichage du type 5 –12 ou 5 E-12. Cette simple précaution n’est indiquée dans aucune progression. Elle impliquerait, en fait, en suivant la logique des programmes actuels qu’il n’y ait pas d’utilisation de calculettes avant le milieu de la classe de quatrième où sont traitées les puissances négatives de 10. Il est à mon sens tout à fait possible de le faire avant à condition de faire un cours sur la numération dés la sixième comparable à celui que j‘ai publié sur le site de la Casemath. Voir la partie « Calculette spéciale » dans http://casemath.free.fr/six/6num.pdf .

33a-  Les commentaires des Instructions Officielles de 1945 du Cours Préparatoire disaient explicitement :"La multiplication et la division sont limitées au cas d'un multiplicateur ou d'un diviseur 2 ou 5, alors que l'ancien programme [ celui de 1925 - MD] prévoyait aussi le calcul par 3".

34-  Faire le contraire et n’enseigner que le calcul sur les « nombres purs » comme cela est fait depuis plus de 30 ans signifie bien que nous sommes dans «l’ère du tout numérique»…

34a- Comme exemple de cours d'introduction au calcul algébrique de niveau collège s'appuyant sur l'enseignement des grandeurs au primaire, consulter http://casemath.free.fr/divers/tribune/mult.pdf. La difficulté pour faire ce type de cours en quatrième vient précisement du fait que le calcul sur les grandeurs n'est plus un acquis du primaire.

35-  Voir Sylviane Gasquet, L'illusion mathématique : le malentendu des maths scolaires, Ed. Syros, Paris, 1997 page 189. Malheureusement ce type d’argument n’est pas seulement le fait de Sylviane Guasquet car on le retrouve en filigrane ou clairement exprimé dans les programmes et commentaires du primaire et du collège où l’on affirme  qu’il faut éviter les exercices de «virtuosité calculatoire» ce qui est un comble au vu des capacités calculatoires réelles des élèves.

36- http://www.star-telegram.com/news/doc/1047/1:FRONT46/1:FRONT46061099.html

37-  Voir pour cela « Ban the calculators » ou le groupe « 2+2=4, Mathematically Correct » :
 http://www.mathematicallycorrect.com

38- Ce texte est axé sur le contenu et la transmission des connaissances  et lorsque je parle ici de danger, je n’envisage celui-ci que du point de vue de l’instruction. Mais il en est un beaucoup plus grave surtout depuis que l’instruction est devenu un objectif secondaire par rapport à l’éducation :  l’affirmation, que l’on trouve aussi bien dans les revues «scientifiques» que dans les médias grand-public, selon laquelle l’introduction des NTIC favoriserait chez l’élève l’apprentissage de l’autonomie, le tout étant justifié par des exemples «pathologiques» où les difficultés de communication de l’élève sont telles qu’il est plus à l’aise devant une machine que face à des êtres humains (  Ces cas ne sont pas rares est  mais cette pathologie est probablement au moins en partie l'oeuvre de l’école). Mais lorsque l’on a prétendu que les meilleurs textes pour apprendre la lecture sont les manuels des appareils électroménagers, il devient cohérent d'affirmer que le meilleur apprentissage de l’autonomie se fait avec un robot.

38a-  Consulter, sur le sujet, mon article "Huile de ricin et Coca-Cola : aux sources troubles de la pédagogie de projet", à paraître dans la revue "Panoramiques"
(http://www.sauv.net/ricin.htm)

39-  http://pauli.uni-muenster.de/~munsteg/arnold.html

40-  Je m’inspire assez librement du livre de Ferdinand Gonseth paru en 1936,  «Les mathématiques et la réalité : essai sur la méthode axiomatique», Paris,  Librairie Scientifique et Technique Albert Blanchard, 1974.

41-  Ferdinand Gonseth, ouvr. cit. , p. 131.

«45. L'essence du numérique. - Cette axiomatisation s'accompagne d'une analyse de la notion de nombre qui n'est pas sans valeur: Mais il ne faut pas en exagérer la portée. Dans tous les cas, les axiomes ne sont aucunement des décrets librement et arbitrairement formulés, avec l'intention et le pouvoir de conférer l'existence aux entités que sont les nombres.En particulier (qu'on veuille se souvenir à cette occasion de notre analyse du géométrique) il y a dans la notion de nombre tout un côté que les axiomes ne touchent pas : c'est justement celui qui, dans l'exercice de la pensée, nous importe le plus ; celui qui se rapporte à l'idée de grandeur et que, par analogie avec le côté spécifiquement géométrique des notions spatiales, nous pourrions nommer le côté spécifiquement arithmétique ou numérique.»


42- De la même manière, on ne peut réduire la géométrie à la logique : si Hilbert explique à juste titre que la structure logique de la géométrie euclidienne, qui ne traite que des rapports des concepts entre eux fait que l’on peut remplacer droite par table et point par chaise dans l’énoncé des théorèmes, ceci ne signifie pas –et d’ailleurs il ne l’a jamais proposé – que l’enseignement doive commencer par traiter strictement cet aspect logique et s’y réduire.

43-  La mathématique à l’école élémentaire, Paris, Supplément au bulletin APMEP n° 282, 1972, 502 pages.

44- Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public : organisation qui fut à l’avant garde de la reforme des mathématiques modernes.

45- Arrêté du 2 janvier 1970 paru dans le B.O.E.N  N° 5 du 29 Janvier 1970. Ce programme était exhibé par l’Inspection dans les années 75 pour montrer que les textes officiels n’étaient pas entrés dans les  «excès  des mathématiques modernes» : sa lecture montre cependant que si ils n’étaient effectivement jamais rentrés dans les «excès », ils en avaient toute la logique destructrice de sens

46- ouvr.cit., p. 17, Article « Un nouvel état d’esprit », pages 15-58. Cet article, avec celui de P. Jacquemier  «Promenade au long du programme du 2 Janvier 1970 et des commentaires qui les accompagnent» est l’article essentiel du recueil car il s’intéresse à l’ensemble du programme.

47- Laurent Schwartz , dans le texte* qu’il écrit pour la « Commission du bilan » en 1981 note bien cette séparation: «Les idées modernes de liens de toutes les sciences et connaissances entre elles, et des sciences (y compris mathématiques) avec la technologie, sont étrangères â Bourbaki». Le seul problème est qu’il ne s’agit pas d’une « idée moderne » car, jusqu’au début du XXème, siècle il est impossible de dire si, sans compter les Newton, Gauss…,  Poincaré, par exemple, est un mathématicien ou un physicien. Ce qui est moderne, au contraire est, comme l’indique VI. Arnold,  la séparation entre les mathématiques et la physique dont la conséquence est la recherche dans l’enseignement d’une interdisciplinarité de complémentarité formelle a posteriori comme réaction à la spécialisation forcenée de l’enseignement initial. C’est d’ailleurs le constat que fait VI. Arnold dans On teaching mathematics :

«In the middle of the twentieth century it was attempted to divide physics and mathematics. The consequences turned out to be catastrophic. Whole generations of mathematicians grew up ithout knowing half of their science and, of course, in total ignorance of any other sciences.They first began teaching their ugly scholastic pseudo-mathematics to their students, then to schoolchildren… Since scholastic mathematics that is cut off from physics is fit neither for teaching nor for application in any other science, the result was the universal hate towards mathematicians – both on the part of the poor schoolchildren (some of whom in the meantime became ministers) and of the users».
( in http://pauli.uni-muenster.de/~munsteg/arnold.html )

*Laurent Schwartz , La France en Mai 1981,Tome 4 : L’enseignement et le développement scientifique, § 2. Les mathématiques modernes, Paris, La Documentation Française, 1981, p. 189 – 191.

48-  Cette affirmation montre simplement que les auteurs de ce texte n’ont en tête que des structures mathématiques réduite aux plus simples qui ne leur permettent pas de saisir le caractère mathématique de cette égalité –les calculs sur les grandeurs se formalisent dans le domaine des produits tensoriel - d’autant plus que la justification donnée dans ce texte que les mathématiques «se sont affranchies de la question des grandeurs» est que «l’ensemble des nombres peut se construire sans référence aux grandeurs» : ce qui signifie que les auteurs n’ont en tête que des structures de type anneaux ou corps. Ceci montre également que, non contents de couper les maths de la physique, ils saucissonnent aussi le cursus mathématiques sans voir le rapport qui peut exister entre l’enseignement primaire et l'enseignement supérieur.

47a- http://www.cndp.fr/textes_officiels/college/programmes/acc_prg3/acc_prg3_maths.pdf

49- http://www.altp.org/news/091600.htm

50-  Lent processus qui n’a rien de nouveau en soi et qui n’est qu’un pas de plus dans le passage de la monnaie-or aux monnaies scripturales. Et comme les électrons ou la suite de 0 et de 1qui codent la valeur ne sont pas moins matériels que le papier, la «véritable  dématérialisatio »  se situerait bien mieux au moment où, métal ou pas, le support n’a plus la valeur qui y est inscrite… à condition de considérer que les rapports sociaux qui font que cette valeur est reconnue ne sont pas… matériels.

51-   Je ne détaille pas ici de manière exhaustive  les formes de commerce électronique mais il est intéressant, d’un point de vue éducatif , d’observer les débats sur la création de «Casinos Immatériels» sur le Net, et la position changeante des possesseurs des « Casinos Matériels » de Las Vegas.

51a-  Dans ce cadre, la mise à disposition gratuite des cours de grande qualité par de grandes universités américaines peut être un biais détourné pour arriver, sans que les auteurs de ces cours en soit conscients, à transformer les contenus en marchandises : l'effet dévastateur de cette mise à disposition gratuite - qui préfèrera payer pour suivre les cours d'une faculté européenne de niveau moyen au lieu de suivre gratuitement ceux du MIT-, devrait dans un premier temps renforcer le monopole des grandes universités. Dans un second temps, c'est à dire lorsque cette concurrence par dumping absolu aura fait son effet, il n'est pas impossible que les contenus redeviennent payants. C'est l'application du vieux principe "From aid to trade" qui a consisté, par exemple, dans un premier temps à fournir gratuitement des farines aux pays "sous-développés", action dont l'effet à été la destruction des cultures vivrières locales, ce qui a permis ensuite la dépendance de ces pays par rapport aux grands producteurs mondiaux.

52-  La vénérable Encyclopedia Universalis sera-t-elle obligée de changer d’idée puisqu’elle écrivait :

« Le brevet de principe ou d’idée n’est nulle part admis. Certains ont estimé que c’était faire la part trop dure aux savants qui découvrent parfois des théories extrêmement fécondes et n’en tirent aucun profit matériel; ils ont préconisé la création d’une propriété scientifique. Celle-ci, outre qu’elle serait quasi impossible à mettre en œuvre sur le plan pratique, constituerait pour l’industrie une charge trop lourde."
( In Encyclopedia Universalis . Article "Brevet d'invention" 12, p. 545 ) [  C'est moi qui souligne, MD]

52a-   http://www.adlnet.org

53- Une recherche effectuée avec Google fin juillet 2001 ne fait apparaître que 13 références à ADL et SCORM sur les sites français dont une seule sur un site gouvernemental qui date de juin 2001, qui n’est qu’un lien sans analyse sur le site ADL ( INRP, page de l’ATIEF). Le parisianisme serait-il un provincialisme mondial?

54- Consulter également sur le sujet http://www.altp.org/news/091600.htm qui donne une bonne vision d’ensemble de ce qu’est l’ADL. L’introduction nous dit :

About 15 years ago a number of visionaries started working the on opportunity of applying advanced computer   technologies to education and training. These included Henry Kelly of the Office of Technology Assessment for Congress and the White House, Dexter Fletcher at Institute for Defense Analysis (IDA) and many others in DARPA, NASA, NSF, DOE, DOL and military training and research laboratories.
Their twin goals were to reduce professional development cost and increase performance of all federal employees (including military) and to also provide standards, learning support technology research, and leadership for education and training for America’s work force and K-12, College, and life long education.


55- Ce qui est un objectif prioritaire pour une vision exclusivement gestionnaire car l’enseignement est une entreprise à composition organique faible puisque une partie très importante des dépenses est constituée des salaires.

56- Tirés de  Liping Ma, Knowing and Teaching Elementary Mathematics : Teachers’ Understanding of Fundamental Mathematics in China and the United States, Lawrence Elbaum Associates, Mawha (New Jersey) et Londres, 1999.
 


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