Accueil

Réforme

Analyses

Actions
Pétitions
Lettres, tracts
Communiqués
Adresses

Contributions

Liens


Contact

Recherche

Retour


    
Lettre à l'inspection sur l'évaluation 2001

Je vous adresse ci-dessous le texte que cinq professeurs de Lettres du lycée Monge à Charleville-Mézières (Ardennes) ont adressé au proviseur et aux deux I.P.R. de l'Académie de Reims pour justifier leur refus d'assurer l'évaluation de français dans leurs classes de 2nde. Bien cordialement, Anne G.



                                                                                                                          Charleville-Mézières, le 17 septembre 2001

                                                                                                                          à Madame et Monsieur les IPR-IA
                                                                                                                          de Lettres de l'Académie de Reims
Objet : évaluation 2001                                                                                          s/c de Madame le Proviseur du Lycée Monge, Charleville


                                     Madame l'Inspectrice, Monsieur l'Inspecteur, Madame  le Proviseur,        
                                                                                      

Professeurs de Lettres au lycée Monge, nous vous informons que nous ne souhaitons pas faire subir aux élèves de 2nde des classes dans lesquelles nous enseignons l'évaluation ministérielle et obligatoire prévue à l'entrée dans cette classe.

En effet, nous nous sommes aperçus, pour l'avoir fait passer avec conscience depuis sa création, qu'elle n'était ni utile ni pertinente.

Il nous semble illusoire   de prétendre jauger des élèves avec des questionnements et des items qui ne recouvrent pas en fait leurs capacités, et n'ont rien de scientifique , malgré leurs apparences. Les exploiter de façon informatique ne les rend pas plus fiables. De plus, ces dernières années, l'exploitation de l'évaluation n'a guère été possible puisque nous n'avons pas disposé dans l'établissement du logiciel permettant d'analyser les résultats des élèves. Nous-mêmes, ni  aucun autre collègue n'avons d'ailleurs réclamé la mise en place de ce logiciel. C'est dire le peu d'intérêt que l'ensemble de la communauté éducative porte à cette évaluation.

Nous avons constaté que cette évaluation n'avait le plus souvent d'autre intérêt que d'occuper les premières heures de cours en donnant le temps aux enseignants de prendre la mesure de leur classe et de construire les premières  séances.

Dans ces conditions, il nous paraît beaucoup plus simple, et beaucoup plus efficace, de juger nous-mêmes nos propres élèves, à partir des premières séances de cours inscrites dans la première séquence de l'année. Nous n'avons pas besoin d'une épreuve inopportune pour repérer les difficultés de nos élèves, et constituer les groupes de modules en 2nde.

Cette évaluation nous semble, de plus, pernicieuse, car elle donne aux élèves une image fausse et réductrice des exigences du cours de français : elle réduit l'enseignement de notre discipline à une batterie technique de compétences.

Cette épreuve est par ailleurs une perte de temps préjudiciable à la mise en route rapide et dynamique de l'année ; elle nuit à la progression que l'enseignant s'est fixée. Au moment où les textes officiels préconisent une organisation du travail, en  cours de français, par séquences, cette évaluation vient briser le projet pédagogique à peine mis en place et perturber les élèves par son manque de cohérence avec les séances de cours.  



Les dernières évaluations d'entrée en 2nde  ont déjà provoqué l'ire de nombreux enseignants dont nous sommes, et nous avons par exemple le souvenir de celle de septembre 1999 et des nombreuses fautes dont elle était truffée. Nous avons découvert le contenu de l'évaluation  de cette année avec une certaine stupéfaction. Le travail d'écriture proposé aux élèves à cette rentrée 2001 ainsi  que certaines consignes d'écriture nous ont laissés particulièrement perplexes : " Année 2832, sur la planète Boolkyès, la musique est inconnue. Zicmu, le grand voyageur interstellaire boolkyésien, revient d'un voyage d'exploration sur la planète Terre. Il y a découvert avec émerveillement la musique sous toutes ses formes, avec tous ses pouvoirs. Dans son vaisseau spatial, il répète le discours qu'il va prononcer aux Boolkyésiens pour les convaincre d'écouter et pratiquer la musique. " consigne n°1 : "  Zicmu, qui n'a pas débranché son traducteur automatique (sic !) s'exprime dans un français courant, évitant toute maladresse de construction ou d'orthographe. Il n'emploie aucun mot extraterrestre. " (C'est nous qui soulignons.)

Ce " travail d'écriture " révèle, selon nous, dans quel mépris on tient les auteurs de science-fiction d'abord dont l'écriture  est envisagée dans une perspective ô combien réductrice, les enseignants de Lettres ensuite et surtout les élèves dont on suppose que ce type de sujet doit leur plaire. Cette dérive démagogique nous inquiète et nous craignons de retrouver  ce type de sujet à l'EAF,  dans les sujets d'invention,  dès cette fin d'année.

Nous déplorons que le " jeunisme " se substitue à une conception rigoureuse, formatrice et humaniste de l'enseignement des Lettres. Nous continuons à penser que le " détour culturel " vaut davantage que le détour démagogique et que lui seul peut amener nos élèves à l'esprit critique que nous aimerions leur faire acquérir.

Face à un tel renoncement aux exigences de notre discipline, nous nous sentons en ce début d'année scolaire démunis, désemparés et déçus.

Nous espérons que vous voudrez bien comprendre les raisons de notre décision de ne pas proposer à nos élèves cette évaluation 2001 et nous vous prions de croire, Madame l'Inspectrice, Monsieur l'Inspecteur, Madame le Proviseur, à l'expression de nos sentiments respectueux.