Projet de fusion des CAPES de lettres


      Le Haut Comité de Suivi des Concours a fait parvenir cette Recommandation aux membres des commissions qui avaient travaillé sur la réforme des CAPES.
      Outre des affirmations que l'on peut qualifier de mensongères, le cadre proposé semble si peu correspondre aux travaux des commissions que les protestations d'un certain nombre de membres se sont déjà fait connaître. À lire aussi : quelques éléments d'analyse.

Recommandation

" Recrutement des professeurs de lettres de collèges et de LEGT "

 Haut comité de suivi des concours, février 2004.

 

La question des recrutements des professeurs de lettres des collèges et des lycées d’enseignement général et technologique (LEGT) est au programme de travail 2003 du Haut comité de suivi des concours.

Dans son analyse, le Haut comité ne peut faire abstraction de différents éléments contextuels importants :

La comparaison des CAPES de lettres modernes et de lettres classiques [2] montre outre une grande différence en termes de nombre de places offertes et de chances de réussite, alors qu’une très grande majorité des nouveaux certifiés en lettres classiques comme en lettres modernes enseignent le français au collège [3], rarement le latin, et le grec plus rarement encore.

En analysant les concours de recrutement actuels, les experts consultés s’accordent sur les constats suivants :

Le Haut comité n’a pas souhaité, dans les entretiens et les réunions qu’il a organisés, ouvrir d’emblée le débat sur les maquettes des concours actuels. En se référant à la réalité du métier, le recrutement des professeurs de lettres de collège et de LEGT doit s’organiser autour des trois aspects suivants :

Pour étudier chacun d’entre eux, le Haut comité a réuni des groupes de travail dont la composition est présentée en annexe.

Il ressort de ces travaux l’analyse et les propositions suivantes.


1. L’approche historique de la langue

On constate régulièrement chez les futurs professeurs de lettres une connaissance trop superficielle des structures de la langue française, de la diversité de ses domaines d’application, des questions liées à son enseignement.

Ce constat fait écho aux préoccupations actuelles des universitaires de toutes les disciplines à propos de la maîtrise insuffisante de l’écrit : ils la constatent au niveau licence, voire au-delà, dans les difficultés que rencontrent leurs étudiants au plan de la compréhension et dans celui de la production des textes.

Il est donc nécessaire de revaloriser l’étude de la langue française et de repenser sa place dans les épreuves des concours.

Sous leur forme actuelle, les épreuves du CAPES de lettres modernes ne donnent pas une place suffisante à l’étude de langue française. Si l’on reconnaît volontiers que l’épreuve d’étude grammaticale d’un texte antérieur à 1500 tient une place importante dans la préparation des candidats et permet à ceux-ci de voir récompenser les efforts fournis, l’épreuve d’étude grammaticale et stylistique d’un texte postérieur à 1500 est beaucoup plus décriée. Cette dernière est souvent hâtivement, mal ou très mal préparée, et les copies ne permettent pas d’évaluer correctement les connaissances des candidats.

Il faut par ailleurs noter que le CAPES de lettres classiques ne comporte aucune épreuve portant sur l’étude de langue française.

La préparation universitaire aux concours fait ainsi apparaître chez les étudiants de fréquentes confusions entre le fait de langue susceptible d’une explication historique, et le fait de style, à mettre au compte de l’écrivain. Ces confusions résultent d’une mauvaise compréhension des différences et des écarts dans les usages linguistiques.

Au-delà de cette approche historique de la langue, s’exerçant principalement sur les domaines morphologique, syntaxique et lexicologique, il semble nécessaire de faire porter la réflexion sur l’étude linguistique des textes, des genres et des discours. Tout texte relève d’un genre, et tout genre s’inscrit dans un ou plusieurs ordres de discours, étant entendu qu’un discours est un ensemble d’usages linguistiques codifiés, attaché à une pratique sociale (discours littéraire, scientifique, juridique, etc.).

Désolidariser le texte du genre et du discours conduit à le vider de sa substance culturelle et historique, en le réduisant à un squelette formel, et incite à faire porter trop exclusivement l’attention sur les marques, d’ailleurs souvent mal définies, de la subjectivité énonciative.

Maintenir le lien entre le texte, le genre et le discours facilite l’étude conjointe de l’organisation linguistique et de la production du sens, et permet d’établir une corrélation entre les problématiques liées à la forme du texte, et celles qui sont liées à sa compréhension et à son interprétation.

Recommandations

La prise en compte dans les concours de l’histoire de la langue doit porter sur une diachronie large, allant de la période médiévale (étendue aux origines latines du français, notamment dans le cas de l’étude historique du vocabulaire) à la période contemporaine.

A cette fin, l’idée de réunir dans une seule épreuve l’épreuve actuelle de français médiéval et la partie lexicologique et grammaticale de l’épreuve dite de " français moderne " pourrait être une solution intéressante, la partie " stylistique " de cette dernière pouvant être prise en compte à l’oral dans l’épreuve d’explication de textes.

Organisation et mise en œuvre

L’histoire de la langue et l’étude linguistique des textes, des genres et des discours pourraient ainsi, tout en préservant les formations universitaires existantes, constituer le tronc commun de l’étude de la langue française, dans tous les concours de recrutement des professeurs de lettres de collèges et de LEGT.


2. Un socle commun de littérature française (connaissance de la langue et culture littéraire) associé à trois domaines : littératures et langues de l’antiquité, littératures et langues européennes, littératures francophones (hors France) ;

L’enseignement du français, langue et littérature confondues, s’est construit pendant longtemps à partir des langues anciennes. Ce modèle ne fonctionne plus et il est vain de croire à sa restauration.

L’enseignement du français au collège et au lycée d’enseignement général et technologique nécessite une culture littéraire qui doit être solidement maîtrisée par les professeurs. Les concours de recrutement comme les programmes de l’enseignement secondaire contribuent à sa définition.

Le risque, en essayant de définir les éléments de culture nécessaires à l’enseignement secondaire, est d’évoquer un savoir encyclopédique et sans frontières au détriment de connaissances précisément définies et plus analytiques. La culture littéraire exigible des futurs professeurs de français-lettres doit se fonder sur trois piliers principaux :

Dans un objectif d’intégration européenne, les programmes de l’enseignement secondaire précise qu’une ouverture aux littératures étrangères, notamment européennes est souhaitable : : l’exercice actuel de version dans une langue au choix du candidat ne permet pas de vérifier que l’objectif est atteint, en raison de son caractère trop limité [4].

Les exercices, épreuves et programmes du concours de recrutement peuvent d’une manière générale contribuer à l’approche de la notion de culture littéraire.

Quel que soit son champ d’application (littérature française, antique ou européenne), l’explication de texte articulée à la lecture cursive, demeure le principal exercice de référence pour l’enseignement du français et l’évaluation de la culture littéraire. Les concours de recrutement doivent en évaluer la maîtrise : les épreuves orales semblent particulièrement adaptées dans cette perspective.

La composition française est également considérée comme fondamentale et constitutive de la discipline. On note toutefois deux insuffisances de cet exercice dans les CAPES de lettres : le caractère universel des attentes et l’aspect très général et convenu des sujets ainsi que la qualité des productions des candidats. Les rapports de jury relèvent régulièrement que la plupart des candidats maîtrisent correctement l’exercice de la composition française. En revanche, les productions paraissent souvent assez stéréotypées ce qui se traduit par une grande concentration des notes conduisant à une relative neutralisation de l’épreuve elle-même.

Ces deux insuffisances pourraient être utilement corrigées par une référence plus stricte aux programmes littéraires de lycée. Celle-ci autorise les approches diachroniques et synchroniques du fait littéraire tout en permettant un élargissement des aires culturelles concernées.

Recommandation

Afin de prendre en compte les deux exercices fondamentaux que sont la composition française et l’explication de texte, et dans la perspective d’une meilleure appréciation de la culture littéraire des candidats aux CAPES, on peut envisager :

S’il est évidemment souhaitable que les professeurs soient capables de mener une explication d’un texte de l’antiquité ou de littérature européenne, il n’est sans doute pas réaliste de l’exiger des candidats aux concours au risque d’alourdir très sensiblement leur préparation. Une organisation en deux options (langues et culture européennes, langues et culture de l’antiquité) serait sans doute préférable.


3. L’épistémologie et l’histoire de la discipline

Le constat est largement partagé que les enseignants (jeunes et moins jeunes) connaissent mal l’histoire de leur discipline et son épistémologie, alors qu’elles sont très utiles pour assurer un bon enseignement. La discipline " lettres " n’est pas objectivable : aucun contenu de programmes d’enseignement ne s’impose de façon absolue. Dès lors, certains enseignants trouvent argument dans cette réalité pour estimer que les changements de programmes ne sont que des effets de mode et qu’il n’est donc pas opportun de respecter les nouvelles directives.

L’étude de l’histoire de la discipline et de son enseignement permet de comprendre les évolutions présentes à partir des réalités du passé, et donc de mieux les accepter, ainsi que les futurs changements de programmes. L’histoire des contenus et des exercices proposés aux élèves remettrait à leur juste place quelques arguments d’autorité concernant la langue, le caractère incontournable et intemporel de la dissertation…

Le risque de faire apparaître ainsi une nouvelle discipline universitaire est évident mais peut être évité : l’objectif n’est pas de créer une nouvelle épreuve et de transformer les candidats aux concours en des spécialistes de l’histoire de l’enseignement, mais plus simplement d’intégrer aux différents thèmes d’études une perspective historique.

On pourrait redouter que cette démarche augmente de façon importante les exigences ce qui ne peut être négligé dans une période où le recrutement risque d’être difficile. Mais en l’espèce, il s’agit bien d’une compétence supplémentaire qui, sur le long terme, est un bon investissement dans la mesure où elle permet aux lauréats de mieux comprendre les programmes et d’accepter leurs évolutions.

Recommandation

Il apparaît donc important que les candidats aux concours aient été sensibilisés à l’histoire de l’enseignement de leur discipline, sans qu’on en fasse un travail isolé des autres exercices proposés aux concours. Il sera nécessaire de simplifier d’autres aspects de la préparation aux concours pour intégrer celui-ci.

Les sujets de l’épreuve sur dossier pourraient progressivement intégrer ces aspects dans leurs libellés. C’est ainsi qu’on pourrait faire évoluer le comportement des formateurs et des candidats sur ces questions.

Ces connaissances sont très spécifiques et, dans le cursus universitaire littéraire, ne concerneraient que les futurs enseignants : elles devraient donc s’inscrire dans un cycle de formation destiné aux candidats aux concours.

Conclusion

De l’ensemble des travaux, il ressort que la distinction entre CAPES de lettres modernes et CAPES de lettres classiques n’est pas une réponse aux exigences du métier que les lauréats auront à exercer. Aucun des deux concours actuels ne prend totalement en compte les trois aspects fondamentaux de l’enseignement du français présentés ci-dessus.

Le Haut comité estime donc qu’il serait préférable de n’avoir qu’un seul concours " CAPES de lettres " avec deux options (langues et culture européennes ou régionales, langues et culture de l’antiquité), organisé de la façon suivante :

Épreuves d’admissibilité  :

Épreuves d’admission :

La possibilité de prendre en compte l’option dans une troisième épreuve d’admissibilité a été envisagée au cours des débats : son intérêt est assez clair pour les langue anciennes. L’introduction d’une option à l’admissibilité pourrait permettre de prendre en compte les évolutions du système éducatif.

Commentaires

 

1. En 2001-2002 54 372 élèves en première L sur 466 408 élèves en première générale et technologique dans les lycées publics et privés, 72 195 sur 464 039 en 1995-1996

2. Voir annexe 1

3. Voir annexe 2

4. Il faudrait préciser ce qu’au regard des programmes du secondaire on peut appeler culture européenne.

5. épreuve écrite de 6 heures

6. 21,7 % en 5ème, 18,8 % en 4ème et 16,7% en 3ème générales

 

 

Personnes consultées

Inspecteurs généraux

Mme Weinland : IGEN, doyenne du groupe des lettres

M. Ehrsam, IGEN

Présidents de jurys

Mme Armand : IGEN, présidente de l’agrégation externe de lettres classiques et de l’agrégation interne de lettres modernes

M. Fartzoff : Professeur des universités, président de l’agrégation interne de lettres classiques

M. Citti : Professeur des universités, président de l’agrégation externe de lettres modernes

Mme Léonard : Vice-présidente de l’agrégation externe de lettres modernes

M. Pagès : professeur des universités, président du CAPES externe de lettres modernes

Mme Picciola : Professeur des universités, présidente du CAPES externe et interne de lettres classiques

Mme Bizot : IGEN, présidente du CAPES interne de lettres modernes

Mme Kircher : Professeur des universités, présidente de l’agrégation externe de grammaire

Professeurs d’université

Mme Le Querler, Université de Caen

M. Neveu, Université de Caen

M. Perrot, Université de Savoie

Mme Lagorgette, Université de Savoie

Mme Dumasy, Université Grenoble 3

M. Rousseau, Université Lille 3

M. Puech, Université Lyon 2

M. Lavorel, Université Lyon 3

M. Mouret, Université Rennes 2

M. Bazantay, Université de Rennes 2

M. Cuche, Université Strasbourg 2

Mme Houdart-Mérot, Université de Cergy-Pontoise

IUFM

Mme Caplet : Directrice de l’IUFM d’Amiens

M. Sherringham : Directeur de l’IUFM de Strasbourg

Groupe d’experts pour les programmes scolaires

M. Viala : Professeur des universités, président du groupe d’experts de " Français-Langues anciennes "

Associations

SLLMOO : M. Boutet

APLAES : M. Perrin

Haut comité de suivi des concours

M. Dutheil : Président de l’université de Bordeaux III, membre du HCSC

M. Gonfroy : Directeur de l’IUFM de Limoges, membre du HCSC

M. Fraisse : Professeur des universités, membre du HCSC

Ministère de l’éducation nationale, ministère de la recherche

M. Jordy : Inspecteur général de l’éducation nationale

Mme Guichené : Chef du bureau de la réglementation des recrutements – DPE

M. Herbet : Bureau de la réglementation des recrutements – DPE

Mme Lemant : Sous-directrice des certifications supérieures et de la professionnalisation - DES

M. Gicquel : Chef du bureau des formations universitaires générales et technologiques – DES

M. Jorland : Chef du bureau de la formation initiale des enseignants – DES

Mme Robin : Bureau de la formation initiale des enseignants – DES

M. Mercier : Bureau de la formation initiale des enseignants – DES

M. Barjot : Chef du département scientifique 6 " Sciences de l’homme et des humanités " - Direction de la recherche

Mme Richer : Département scientifique 6 " Sciences de l’homme et des humanités " - Direction de la recherche

 

¬ ¬ ¬ ¬ ¬

 

Calendrier des travaux

 

 

Groupes de travail

 

Groupes de travail

Membre du groupe

Groupe 1

L’approche historique de la langue, la grammaire du discours

- Mme Armand (IGEN)

- Mme Léonard (professeure des universités)

- Mme Lilti (professeure des universités)

- Mme Weinland (IGEN)

- M. Blanc (professeur des universités)

- M. Jordy (IGEN)

- M. Lavorel (président de l’université de Lyon III)

- M. Neveu (professeur des universités – Caen)

Groupe 2

Socle commun en littérature

Langues et cultures de l’antiquité classique

Langues et cultures européennes, ou francophones (hors France)

- Mme Armand (IGEN)

- Mme Kircher (professeure des universités – Nice)

- Mme Lagorgette (maître de conférence – université de Savoie)

- Mme Picciola (professeure des universités)

- Mme Weinland (IGEN)

- M. Citti (professeur des universités – Montpellier III)

- M. Ehrsam (IGEN)

- M. Fartzoff (professeur des universités – Besançon)

- M. Fraisse (directeur de l’INRP)

- M. Jordy (IGEN)

- M. Perrot (président de l’université de Savoie)

Groupe 3

Épistémologie et histoire de la discipline

- Mme Armand (IGEN)

- Mme Weinland (IGEN)

- M. Bazantay (professeur des universités – Rennes II)

- M. Charvet (IGEN)

- M. Chiss (professeur des universités)

- M. Ehrsam (IGEN)

- M. Jordy (IGEN)

- M. Puech (professeur des universités)

- M. Viala (président du groupe d’experts – français-langues anciennes)

Groupe 4

Compétences des professeurs de lettres en collèges et en LEGT

- Mme Armand (IGEN)

- Mme Houdard (maître de conférence université de Cergy Pontoise)

- Mme Weinland (IGEN)

- M. Fraisse (directeur de l’INRP)

- M. Jordy (IGEN)

 

Concours de recrutement des professeurs de lettres

 

 

Postes

Inscrits

Présents

Admissibles

Admis

 

1999

2000

2001

2002

1999

2000

2001

2002

1999

2000

2001

2002

1999

2000

2001

2002

1999

2000

2001

2002

Lettres modernes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CAPES Externe

1150

1030

1160

1336

8249

7542

6969

6092

6830

6094

5513

4975

2145

2010

2141

2419

1150

1030

1160

1336

CAPES Interne

405

215

175

207

932

799

944

959

644

520

728

774

463

339

366

360

383

208

175

207

Agrégation Externe

145

130

136

140

2386

2190

2043

1759

1592

1357

1325

1215

296

294

295

305

145

130

136

140

Agrégation Interne

145

112

112

115

1553

1606

1597

1379

1059

1017

1087

1063

246

237

253

272

142

112

112

114

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lettres classiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CAPES Externe

370

320

335

345

777

848

946

827

700

762

843

757

535

572

628

575

370

320

335

345

CAPES Interne

20

7

6

7

52

52

51

36

37

33

38

31

28

20

27

19

10

7

6

7

Agrégation Externe

75

70

70

72

592

596

625

571

448

435

455

444

144

139

142

142

75

70

70

72

Agrégation Interne

48

38

38

38

363

347

306

270

260

242

238

230

104

93

100

108

48

38

38

38