Calcul humain, calcul mental et calculettes :
Questions pédagogiques

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Georges IFRAH : Définition générale des ordinateurs

Jean-Louis Gassée : "Ordinateurs à l'école, la grande illusion" (Libération : 23/06/95)

Steven Jobs "On School Choice": Quoted from Wired Magazine interview February 1996

Claude Duneton "A hurler le soir au fond des collèges" Collection "Points Actuels" 1983

Bulles spéculatives et Logiciel Libre - 30 Juin 1998 (MD)

Les "bases" en Math"   Extrait de Mail sur la liste " Maths Collège" - 30 Octobre 1999) - (MD)

GAG : une défense des tableaux de proportionnalité - 11 Novembre 1999( Catherine Galiègue - MD)

Jeremy Kilpatrick : Excerpt of " Confronting Reform" ( 1998 ou 99?)



Georges IFRAH :Définition générale des ordinateurs

in " Histoire des Chiffres" T II p685 - 689 - Editions BOUQUINS

Les propriétés précédentes ne constituent jamais, il est vrai, que de simples conséquences logiques de la définition des ordinateurs, dont voici d’ailleurs les premiers énoncés généraux, parfaitement caractéristiques

DÉFINITION I. Un ordinateur est un modèle fini d'automate algorithmique universel (Cf. G. Verroust [1]).
DÉFINITION 2. Un ordinateur est un calculateur analytique universel à programme enregistré (Cf. R. Moreau [4]).

Pour qu'une machine donnée soit un ordinateur, il est donc nécessaire et suffisant que sa structure soit mathématiquement équivalente à l'une ou à l'autre de ces deux propositions.
Autrement dit, en récapitulant d'une autre manière les conséquences de l'une ou l'autre de ces définitions, un ordinateur est à la fois
1. Une machine automatique, fonctionnant par conséquent de manière autonome.
2. Une machine séquentielle, procédant donc de manière discontinue, étape par étape, c'est-à-dire par séquences d'opérations élémentaires.
3. Une machine capable de modifier d'elle-même son état interne.
4. Une machine capable d'évoluer vers un état déterminé en utilisant des informations qui permettent d'adapter les moyens au but à atteindre.
5. Une machine manipulatrice de symboles de nature très générale.
6. Un automate logique capable d'exécuter tout calcul de nature symbolique, et donc d'effectuer des opérations de toutes sortes sur des données quelconques exprimables au moyen de symboles généraux.
7. Une machine capable d'exécuter, de manière totalement automatique, n'importe quel algorithme, dans les limites de ses capacités physiques.
8. Une machine capable de résoudre une très vaste catégorie de problèmes dont la solution est exprimable sous la forme d'un algorithme.
9. Une machine programmable capable de garder en mémoire toutes sortes d'informations exprimables sous une forme discrète, de les ordonner et de les transformer, à condition d'avoir été programmée à cet effet.
10. Un automate programmable régi par un programme enregistré dans sa mémoire interne et où les instructions sont traitées au même titre que des données.
11. Un automate programmable dont les programmes constituent chacun la traduction, en termes compréhensibles par la machine, d'un algorithme de résolution d'une classe de problèmes ; etc.

En résumé, suivant cet autre énoncé caractéristique (dont on peut établir l'équivalence avec celui des deux premières définitions) :

DEFINITION 3. Un ordinateur est un automate artificiel constitué d'un dispositif d'entrée/sortie, d'une mémoire, d'un organe de traitement capable d'opérer toutes sortes de transformations sur des données exprimées sous forme de chaînes de caractères (représentations matérielles d'informations codées) et qui, dans la limite de ses capacités physiques, permet d'exécuter tout calcul de type symbolique (et donc de résoudre tout problème dont la solution est exprimable sous la forme d'un algorithme), sous la direction d'un organe de commande régi par des programmes enregistrés en mémoire (manipulant par conséquent les instructions a exécuter de la même manière que les données à traiter).

Telle est donc la définition la plus intelligible, la plus précise et la plus générale que l'on puisse donner aujourd'hui d'un ordinateur.
C'est, pour ainsi dire, une définition algébrique indépendante de toute technologie et de toute spécificité propre à telle ou telle machine particulière, et donc potentiellement applicable à tous les ordinateurs.

Les ordinateurs, en revanche, savent effectuer automatiquement, à partir des données qui leur sont fournies, des opérations qui ont exigé depuis la nuit des temps la mise en oeuvre exclusive de la pensée consciente de l’être humain. Ce faisant, ils se substituent à l’homme dans l’accomplissement de certaines tâches intellectuelles, dont le résultat, qui n’est produit que par eux, reste généralement ignoré avant l’achèvement du travail entrepris.
Ils permettent en outre de faire face à des problèmes fort complexes, qui sont très au-delà des capacités physiques de l’être pensant.
Enfin (et c'est peut-être là l’un de leurs grands intérêts sur le plan humain) en déchargeant l’homme du pesant fardeau du calcul et des tâches répétitives et fastidieuses, ils lui permettent de se consacrer plus efficacement à des tâches plus nobles de la pensée, le laissant ainsi tout à ses raisonnements, à ses initiatives et à ses propres décisions.
Mais les limites des ordinateurs sont tout aussi claires ils ne savent résoudre que des problèmes de nature algorithmique, c'est-à-dire ceux, justement, dont la solution n’est exprimable que sous la forme d'un algorithme.
Aussi les ordinateurs ne font-ils que ce qui leur est dicté, dans une stricte obéissance et sans aucun discernement, quel qu’en soit le bien-fondé ou l’absurdité.
Quant aux opérations que ces manoeuvres exécutent, ils les effectuent d'une tout autre manière que nous sans volonté, ni conscience, ni sentiment, ni intuition, ni pensée inductrice (voir p. 753-763).




Jean-Louis Gassée : "Ordinateurs à l'école, la grande illusion"

Libération, vendredi 23 juin 1995

L’espoir est tenace. Malgré les mécomptes, l'ordinateur continue d'apparaître comme la panacée éducative. Je le comprends, mais je le regrette. Comment ne pas voir les raisons de l'espoir ? Année après année, nos machines favorites gagnent sur tous les tableaux. Outils de simulation, de stockage, de communication, agréables et omniprésents, comment ne pas imaginer qu'ils rendraient dans l'enseignement les mêmes services qu'au travail ?
Malheureusement, le niveau scolaire continue de se dégrader dans tous les pays occidentaux. La télévision, le magnétoscope et, depuis une dizaine d'années, l'ordinateur, n'ont rien fait pour enrayer cette baisse. Certains y voient plus qu'une coïncidence ; pour eux, en effet, ces technologies, la télévision en particulier, sont la cause majeure du déclin.
La télévision aurait pour effet de nous éviter une activité pénible, source de toutes sortes de souffrances – penser.
L'atrophie qui s'ensuit explique nos malheurs scolaires. Quid alors de l'ordinateur ? N’est-il pas, au contraire, un medium que l'on pilote, avec lequel on produit, on communique, plutôt qu'un spectacle gobé passivement ?

Avec l'Internet enfin, n'est-ce pas le nirvana, le rêve enfin réalisé des mille bibliothèques d'Alexandrie disponibles en ligne, la Renaissance cybernétique qui fera de nos chères têtes blondes des Pic de la Mirandole revus par Michel de Montaigne et Friederich Nietzsche ? Bien sûr, le Grand Robert sur CD-Rom, c'est utile et sympathique, de même que la grenouille – ou l'humain – qu'on va « disséquer » interactivement et virtuellement. Un essai, enrichi de références et d'images glanées sur le Web, joliment rendu en couleurs sur une petite imprimante à jet d'encre, c'est autre chose que les tristes devoirs de géographie d'autrefois.
C'est peut-être localement vrai, mais cela ne règle rien. En l'occurrence, c'est se servir de l'ordinateur comme cache-misère technologique. C'est, surtout, se tromper sur le processus d'acquisition de savoir-faire et de connaissances, et les assimiler un peu vite et fort avec le travail.
Un ordinateur, au bureau, cela sert principalement à augmenter la productivité, voire à automatiser des tâches de collecte d'information, de création, de présentation et de diffusion de documents. Le but ultime étant d'informer et de convaincre. Les fournisseurs de matériel et de logiciels ne s'y trompent pas et se comportent, parfois très ouvertement, en marchands d'armes dans la guerre commerciale. Mais ce n'est pas comme cela qu'on apprend les trois langues indispensables : sa langue maternelle, les mathématiques et une langue étrangère. Une langue ne peut s'apprendre qu'en s'y jetant. Je fais du français ou des maths. « J’entends, j'oublie ; je vois, je me souviens ; je fais, je comprends » dit le proverbe hindou, Pour « faire » des maths ou de l'anglais, les avantages de l'ordinateur restent négligeables. Parlons plutôt de l'influence de la taille des classes sur les résultats scolaires, de la stabilité affective de la cellule familiale, de l'influence du milieu culturel des parents, de leur implication en temps et en affect dans le travail scolaire de leurs enfants. Mais c'est sans doute trop douloureux, trop désespérant. Alors, comme dit le lacanien de service, on fait des fixations régressives sur des objets partiels, on se rassure avec des gadgets. Et quelle plus belle breloque qu'un ordinateur, le méta-gri-gri protéiforme, programmable et donc capable de se prêter à notre fantasme d'un enseignement sans peine. Un attrape-nigaud qui ne date pas de l'ère high-tech : souvenons-nous de l'anglais sans peine promis par la méthode Assimil. Aujourd'hui on dit « edutainment » (education plus entertainment, c'est-à-dire distraction), néologisme et concept exécrables. Comme si on pouvait apprendre quand on est distrait. Le tour de passe-passe est classique. Rendre un sujet intéressant, multiplier les pistes d'accès et bien calculer leur pente, faire un peu fausse route, démonter et remonter les idées, offrir métaphores et isomorphismes, c'est la pédagogie. C'est complexe, épuisant parfois. Au lieu de cela, amusons. Appelons Nintendo et Disney à la rescousse, offrons du contenu interactif, puisque c'est la mode. Les logiciels d'apprentissage élémentaire de l'alphabet et de l'arithmétique sont plus acceptables, et se vendent bien. Ironiquement, ils reproduisent pour la plupart des méthodes anciennes et un peu méprisées d'apprentissage par la répétition. A la sortie, il n'y a pas de différence mesurable avec les procédés sans ordinateur.
On peut difficilement me taxer de technophobe. Je suis à la fois parent d'élèves et d'ordinateurs – qu'on me pardonne la formule – et un peu impliqué dans la création et le fonctionnement d'écoles bilingues en Californie. Je ne crois bon ni pour notre industrie, ni pour nos enfants, de perpétuer l'idée que les ordinateurs aient aujourd'hui un rôle important dans l'éducation. Si, par réalisme, les écoles achetaient un peu moins d'ordinateurs, le secteur ne s'en porterait pas plus mal.
Pour nos enfants, considérons seulement que les ordinateurs servent à tout sauf à l'enseignement. Cela évitera au moins de se tromper de problème. Quant à une solution plus générale, je suis presque désespéré. Convaincu que le macro-système n'est pas prêt de se remettre en cause (ceci dans les deux pays que je pratique), je ne vois d'espoir que dans de micro-solutions locales. A Palo Alto, nous allons convertir l'école franco-américaine en école internationale financée par la communauté chinoise, plutôt traditionaliste lorsqu'il s'agit d'apprendre. En effet, le succès de l'école augmente et le soutien de la France s'amenuise. Nos enfants apprendront donc le chinois en troisième langue.



"Steven Jobs On School Choice Quoted from Wired Magazine interview February 1996

Could technology help by improving education ?

I used to think that technology could help education. I've probably spearheaded giving away more computer equipment to schools than
anybody else on the planet.But I've had to come to the inevitable conclusion that the problem is not one that technology can hope to
solve. What's wrong with education cannot be fixed with technology. No amount of technology will make a dent.

It's political problem. The problems are sociopolitical. The problems are unions. You plot the growth of the NEA (National Education
Association) and the dropping of SAT scores, and they're inversely proportional. The problems are unions in the schools. The problem is
bureaucracy. [...] These are the solutions to our problems in education. Unfortunately, technology isn't it. You're not going to solve the
problems by putting all knowledge onto CD-ROMs. We can put a Web site in every school - none of this is bad. It's bad only if it lulls us
into thinking we're doing something to solve the problem with education. Lincoln did not have a Web site at the log cabin where his
parents home-schooled him, and he turned out pretty interesting. Historical precedent shows that we can turn out amazing human beings
without technology. Precedent also shows that we can turn out very uninteresting human beings with technology. It's not as simple as
you think when you're in your 20s - that technology's going to change the world. In some ways it will, in some ways it won't."



Claude Duneton "A hurler le soir au fond des collèges" Coll. "Points Actuels" 1983  Pages 189-193
 

Dans une lecture d’osmose, ça n’est pas l’information qui compte, c’est le rythme et la musique d’une langue. Une langue te devient intime parce qu’elle t’est rentrée dans la peau, phonétiquement,. Je ne parle pas simplement des mots, mais de la syntaxe... Je défie qui que ce soit de choisir entre « il faut que je vais » et « il faut que j’aille», uniquement à l’oeil, parce qu’il l’a photographié. Ces choses-là doivent s’entendre – ça se choisit à l’oreille, avant tout, et ce n’est que dans les cas litigieux, incertains, que le locuteur, s’il est suffisamment instruit des choses de la grammaire. pourra essayer de raisonner, et de choisir en fonction d’arguments intellectuels. Toute l’intuition, le sentiment de la langue, te rentre par les pores de la peau. Les mots-sons finissent par agir sur toutes tes glandes. Il y a un moment dans l’acquisition d’une langue étrangère où ton inconscient fonctionne aussi avec ces mots-là... On rêve en anglais tout d’un coup. C’est un moment capital : la connaissance de la langue se fait alors dix fois plus vite, et sur un autre plan – quelque chose se débloque, je ne sais pas comment le décrire, on est pris par une sorte d’aspiration... On peut écrire soudain, dans cette langue là, à partir du moment où elle commence à être en prise directe avec l’inconscient. En tout ça se fait en parlant et en écoutant. En chantant aussi, dans la langue, bien entendu... La phonation est un des principaux motifs d’apprendre – un moyen de séduction, de plaisir, dont l’enfant a absolument besoin, pour que la langue se monte en lui ! Cette osmose se produit par une forme ou une autre de répétition, laquelle enclenche un processus d’assimilation qui n’est pas intellectuel au sens étroit de la réflexion consciente qui est d’un autre niveau. Ce sont des choses qui sont bien connues de tous les profs de langues vivantes, depuis longtemps. Il n’y a qu’à jeter un oeil sur la préface d’une méthode Assimil, qui est un chef-d’oeuvre de ce point de vue et qui existe depuis presque un demi-siècle... Le trait de génie de cette méthode, par parenthèse, est de prendre la langue telle qu’elle est, de faire passer des structures sans les simplifier – alors que la pédagogie consiste à détruire d’abord son objet pour pouvoir en présenter plus commodément les éléments disséqués. Mais ce sont le plus souvent des éléments morts et desséchés !..
Les enseignants ont fini par se laisser ronger par la pédagogie – un danger qui guette tous ceux qui s’occupent d’instruire les autres, c’est certain, et contre lequel davantage de gens de tous bords devraient lutter. Actuellement nous laissons les enfants se battre tout seuls contre de pareils abus !.. Je veux dire qu’un certain  nombre de pratiques traditionnelles ont été évacuées de l’école sans réelle réflexion, alors qu’elles avaient un rôle très important dans l’acquisition d’une intimité avec la langue.
Pendant les années 50, les gens voulaient être intelligents à tout prix. Il y eut un grand vent d’intelligence qui souffla partout. La décennie 40 ayant été particulièrement obtuse, une sorte de faux pas tragique dans le siècle le plus éclairé, le plus en progrès de l’histoire de l’humanité, on éprouvait un besoin de compensation. Il faut dire que la connerie à l’ancienne avait poussé un peu loin le bouchon, en effet... Le maréchal Pétain, enfermé à l’île d’Yeu, n’en finissait pas de s’attarder parmi nous comme un remords : la bicyclette et l’intelligence furent donc, alors, les deux petites reines des Français. On analysait tout, tous les trois pas on se demandait quelle était la signification du premier, et du second, en relation avec le quatrième qui allait venir – ce fut naturellement une sorte d’âge d’or de la pédagogie. La mode devint qu’il ne fallait plus faire, dans les écoles, que des choses strictement intelligentes : il fallait tout expliquer, tout comprendre au fur et à mesure. C’était extrêmement louable. Afin de mieux raisonner on décida de désencombrer la mémoire des enfants, de rompre radicalement avec l’enseignement millénaire et moyenâgeux des apprentissages « par cœur » – une expression qui signifiait jadis « en pensée », mais dont le mot «cœur » sentait à présent l’irrationnel... En même temps, donc, que les nouvelles méthodes de lecture intelligente s’implantaient., les vieux exercices qui faisaient appel à la mémoire commencèrent à être regardés de travers par les enseignants et débarrassèrent peu à peu le plancher des classes. C’était une bénédiction de voir disparaître les listes de dates historiques, les résumés à réciter le matin toutes affaires cessantes ; un courant d’air frais rajeunit considérablement les manières d’enseigner. Le revers de toutes ces bonnes choses, c’est que les enseignants ont pris soudain, l’habitude du « planter, récolter », et perdu peu à peu le sens du mûrissement... Ce qu’acquiert un enfant ne se transforme pas forcément en « résultats » quelconques au cours de la semaine suivante. Il y a des choses qui l’imprègnent ,et qui le transforment peu à peu d’une manière imperceptible – et donc inattribuable à qui ou à quoi que ce soit. Alors, bon, en reléguant le « par cœur », on a aussi relégué – parce qu’elle n’avait aucun résultat immédiat – la récitation traditionnelle de textes. La « récitation » : fables, monologues, extraits de pièces, poèmes... Elle est très vite apparue comme un exercice vieillot destiné à orner l’esprit tout en formant le sens civique des écoliers de la Troisième République, et progressivement, sans le dire tout à fait, au bon gré et au bon cœur de chacun, elle est finalement tombée en désuétude à peu près entièrement. A mon avis c’est une erreur considérable, car c’est priver le jeune individu d’une partie très importante de ce bain de langue qui permet l’assimilation intuitive, l'osmose des termes, des structures, du rythme, de tout ce qui fait la vie d’une langue. On a supprimé ce qui est peut-être le plus important relais de la transmission orale. On l’a abandonné au moment même où l’on aurait dû le renforcer beaucoup pour compenser les pertes « en rabâchage » occasionnées par les méthodes de lecture analytiques – lesquelles auraient sans doute donné alors toute leur efficacité, et entière satisfaction. Cela dit, étant donné le manque de réflexion chronique dont les responsables de l’éducation font preuve au sujet de la langue à enseigner, tant qu’on n’a pas épuré le mythe, le grand mythe de la langue française qui dévore nos petits enfants, génération après génération, il vaut peut-être mieux que l’on ne fasse plus de récitation du tout – ça limite au moins les dégâts... Je suis, pour des tas de raisons, qui tiennent aussi à l’expérience, persuadé que la récitation de textes (sous une forme qui peut être tout à fait rajeunie !) est un des plus puissants, remèdes que l’on puisse appliquer aujourd’hui à la crise de l’enseignement du français – et persuadé aussi que c’est le remède le plus dangereux à manier. Tant qu’on n’aura pas commencé à répondre à la question: « Quelle langue enseigner ? », il vaut mieux, et de loin, ne rien réciter.
Un autre des exercices ultra-classique que l’on s’est mis à négliger, sans en connaître, heureusement, la véritable portée, c’est la dictée. La dictée n’a jamais eu, contrairement à ce qu’on pense, un intérêt bien considérable pour l’apprentissage de l’orthographe... Et encore il faut distinguer entre la dictée vraiment enseignante, expliquée tout du long, et la dictée dite « de contrôle », la plus pratiquée, celle où l’on comptait les fautes à la fin, et les points – et qui ne servait à rien ! Au moins en ce qui concerne la graphie de la langue, car elle avait un rôle très important on revanche – je dis bien en revanche, car c’en est une ! –, un rôle généralement incompris et peu soupçonné : insuffler dans l’inconscient des gosses une dose de langue française qui l’alimentait d’une manière des plus subtiles et des plus efficaces, parce que détournée. Ces textes d’une dizaine de lignes, choisis la plupart du temps, dans les phrases longues de la littérature pour donner une meilleure prise à l’analyse logique qui suivait, étaient d’abord lus lentement dans une sorte d’attention sacrée, rituelle, où chaque auditeur essayait de détailler les mots et les tournures, et de se faire une première idée des difficultés à venir. On vous le faisait ensuite au détail: chaque phrase lue et relue séparément, articulée à l’extrême des possibilités et même un peu au-delà, chaque membre de la phrase soigneusement répété, cinq ou six fois, toujours dans le silence, la tension la plus recueillie, pendant que tous les mots étaient mimés par toutes les glottes, des récepteurs à porte-plume, repassaient . muettement par les langues. les dents, et les voiles des palais... Ainsi jusqu’au bout, puis, da capo, on vous rechantait tout le morceau jusqu’à la signature qui était inscrite respectueusement au tableau. A la fin de la demi-heure, un être normalement constitué connaissait le texte absolument par cœur. Gratuitement et en prime. C’était mon cas, je m’en souviens très bien, quand j’étais môme ; certaines dictées me restaient plusieurs jours dans l’oreille, du moins des phrases entières. Eh bien, cette cérémonie constituait une phase privilégiée de l’apprentissage de la langue : la demi-heure sacrée hebdomadaire qui valait à elle seule une semaine de méthode Assimil. C’était une technique d’assimilation involontaire d’autant plus géniale que l’attention consciente n’était justement pas protée sur la langue elle-même, mais détournée sur un objet parallèle: l’orthographe. Ça n’aurait sûrement pas marché aussi bien si l’acquisition avait été la règle du jeu – et si elle avait compté dans la sanction finale que savent mettre les pédagogues à tout ce qu’ils font. Là, c’était merveilleusement gratuit, mesdames et messieurs! Le petit tour de cirque clandestin pour le plus grand amusement des enfants sages !... J’ai connu plusieurs témoignages d’élèves du secon-daire qui m’assuraient avoir appris le français dans les dictées des classes primaires – ce qu’ils en savaient –. Là aussi ça pose le problème fondamental du choix de la langue, évidemment. Il est peut-être heureux que ces exercices qui portaient uniquement, en principe, sur l’écriture interminablement cicéronienne pour la plus grande joie des accords subtils aient provisoirement passé à l’as.
Ces réflexions faites, je me demande sincèrement où l’écolier d’aujourd’hui, pourrait bien avoir attrapé la langue qu’on lui reproche si fort de ne pas avoir ?.. Il est muni d’une forme de lecture distanciée – bientôt carrément « rapide » par les soins des disciples de Foucambert – qui glisse sur le texte pour y cueillir l’information mais ne l’accroche pas : il pourra se taper des bibliothèques entières sans rien acquérir du tout... Quant à la langue, je veux dire : bien sûr il saura le contenu des bibliothèques, mais toujours incapable, lui, d’écrire trois lignes. Il n’a plus l’aliment des textes récités par cœur, ou très rarement, ni le serinage langagier de la dictée redoutée... Il est donc privé d’à peu près tous les moyens d’intégration possible des rythmes et des structures du français « classique » – où diable il pourrait les dégoter ? Où est-ce qu’il pourrait rencontrer cette langue ?.. Et c’est encore lui, l’infortuné (pour dire les choses joliment), qui se fait agonir ! On l’abreuve de reproches, l’indigne !  On le traite de bon à rien, de paresseux... Mais à voir ça de près on devrait le consoler, lui présenter nos excuses. C’est pas une boutade – les gosses prennent leur langue à la télé, maintenant. Ils jouent énormément avec les slogans publici-taires, par exemple – sans les prendre au sérieux, au contraire avec toute la finesse et la distance voulues. Et même lorsqu’ils font acheter des choses à leurs parents, c’est plutôt parce que ça crée une connivence entre eux, un lien. La pub leur sert de comptine.



Bulles spéculatives et Logiciel Libre

Ce texte de Juin 1998, qui prévoyait l'éclatement des bulles financiéres de l'été dernier, tente de poser les bases d'un développement du Logiciel Libre.
En fait, il ne sera accepté que lorsque les autres solutions spéculatives et monopolistiques auront fait faillite.
Mais il faut annoncer dés maintenant la couleur en sachant que l'on ne s'adressera donc qu'aux "loosers". Michel Delord 28/4/99
 
 

Posted-Date: Tue, 30 Jun 1998 13:01:10 +0200 (MET DST)
Received: (sorengo@localhost) by sorengo.com (8.8.5) id BAA27938; Tue, 30 Jun 1998 01:09:39 -0600 (MDT)
Sender: medecine-linux-owner@sorengo.com
Received: from quaternet.fr (server1.quaternet.fr [194.51.191.1]) by sorengo.com (8.8.5) id AAA17614; Tue, 30 Jun 1998 00:22:35 -0600 (MDT)
X-Authentication-Warning: sorengo.com: Host server1.quaternet.fr [194.51.191.1] claimed to be quaternet.fr
Message-Id: <3.0.1.32.19980630080934.00ac3d50@mail.quaternet.fr>
X-Sender: delord@mail.quaternet.fr
Date: Tue, 30 Jun 1998 08:09:34 +0100
To: membres-admin@aful.org
From: Michel DELORD <delord@quaternet.fr>
Subject: [medecine-linux] Bulles spéculatives et logiciel libre
Cc: gip-educ@aful.org, medecine-linux@sorengo.com
 

J'ai assisté mercredi dernier à la réunion organisé par l'APRIL. Un des intervenants du public souhaitait que l'on soit capable d'expliquer économiquement la place du
logiciel libre. Je vous donne une version modifiée (améliorée ?) d'un texte que j'ai envoyé à J.-P. Smets pour engager le débat avec lui. Il me semble que la difficulté de
cette question provient de la compréhension du rôle dans le marché d'un produit qui n'est justement pas mercantile. Cet aspect n'est pas étudié par l'economie car  le
but des études économiques est justement de développer le marché et de conquérir les secteurs non encore soumis au marché. Il serait intéressant est de faire des
parallèles avec le comportement du marché par rapport aux autres produits libres : l'eau par exemple.

Malgré le risque d'erreur de la manoeuvre, je vais essayer de partir d'une analyse macro-économique et historique de l'extension du marché depuis, disons le début
du XIX siècle (avec comme indice des crises majeures la possibilité d'utiliser les cycles Kondriatef, mais c'est secondaire). En gros, le marché se comporte comme
une force entropique car, là où elle est dérivable la dérivée est positive et on obtient en plus des discontinuités très fortes (les crises) avec recroissance. Cet aspect
du marché le pousse donc a tout envahir,
1) d'abord horizontalement en se lançant à la conquête des continents en soumettant le mode de travail, d'abord sans le transformer, puis en le transformant sous la
forme de la recherche de productivité maximum
2) puis (en fait il n'y a pas d'opposition absolue mais mon "puis" vise essentiellement à la clarté de l'exposé qui est un abstract ) verticalement, en intégrant le "mode
de vie" (civilisation des loisirs, mercantilisation de l'eau, prix de la pensée, etc.)

L'intéressant est de remarquer que, en gros, plus il reste d'espace dans le quel le marché peut s'étendre, plus il a tendance à produire des produits durables et plus
les entreprises (de type grosses industries mécaniques du XIXème siècle ou d'URSS) réalisent leur marges sur la production tandis qu'au contraire la réduction des
marchés accentue la concurrence et pousse à la production d'objets à obsolescence rapide et dont le maintien en vie (ou le remplacement par un produit de la
marque) suppose que la marge se réalise sur la maintenance, ces deux aspects attachant de manière monopolistique l'utilisateur au producteur.

Or l'amplification de cette dernière tendance transforme (dans la mesure de plus ou le cycle de vie du produit a tendance à être inférieur à son cycle de production)
de plus en plus cette rente de situation en parasitisme qui devient insupportable non seulement pour l'utilisateur, mais qui peut même fragiliser des Etats dans la
mesure ou il s'agit de produits stratégiques ( voir, exemple extrême, comment les USA ont placé un cheval de Troie dans les SGBD qu'ils ont vendu aux services
secrets de leurs alliés Cf. "L'oeil de Washington"). Or, si l'on essaie de comprendre la nature de ce phénomène, on voit qu'il s'agit du passage du monopole "naturel"
(c'est-à-dire lié à la libre concurrence et à l'avance technologique d'un secteur par rapport à un autre) à un monopole artificiel et spéculatif ( qui , au lieu de favoriser le
développement technologique, le ralentit). Ce monopole ne repose en fait que sur la "confiance", notamment, celle des États et qui devient d'autant plus fragile qu'il
peut aussi fragiliser ces états. Dans la mesure ou la monnaie elle-même, qui n'a plus d'équivalent étalon, est basée elle aussi sur la confiance (un commentateur
boursier américain disait déjà il y a une dizaine d'années que les chiffres du commerce étaient des quantités "politiques", calculées (?) en fonction de leur impact
économique), nous vivons au sommet d'un solide instable, comme un cône posé sur sa pointe : la pointe en est la confiance, la couche au dessus le crédit qui ne tient
que par la confiance et au dessus l'industrie. Une autre manière de dire la même chose : domination du capital spéculatif (accélérée par la non conversion du dollar,
condition elle-même du développement du e-business) sur le capital bancaire classique et bien sur sur le capital industriel. Dans ces conditions le système
économique complet a tendance à s'orienter vers l'investissement à court terme sur ce qui rapporte le plus, c'est à dire la spéculation, accentuant à chaque fois ce
déséquilibre. (c'est le secret du fait qu'IBM, parce que que producteur de hard est derrière M$ mais est une valeur plus sûre à long terme : Lou, le vendeur de
poulets, a peut être fait à terme une erreur – cependant productrice de marges actuellement – en collant trop à NT et en abandonnant Warp Server).
 

Il me semble donc que l'on peut assimiler M$ à une bulle spéculative – dont la caractéristique, comme toutes les bulles, est de rapporter beaucoup avant de claquer à
la gueule –, qui ,dans le cadre de l'instabilité actuelle (je veux dire à 6mois / 2 ans),  peut éclater sous l'effet , notamment, de l'éclatement des autres bulles spéculatives
qui mettraient en cause la confiance sur des Etats clés. Dans ce cadre, comme le logiciel libre a une structure de développement et d'utilisation rappelant beaucoup
plus les formes de production classiques (bien qu'elles les dépassent: la maintenance ne peut pas devenir non plus monopolistique) on peut proposer un
investissement à terme (de bon père de famille, c'est-à-dire avec un retour sur investissement plus faible mais régulier) sur les logiciels libres avec l'argument suivant : "Peut-être que ça ne vous rapportera pas des fortunes, mais il est sur que ça rapportera, car nous comblons des dysfonctionnements du système." Et, si c'est vrai, il
faut employer cet argument dès maintenant, car nous pourrons prouver que nous avons raison dans 6 mois/1 an que si nous le disons dès maintenant.

Une autre manière d'envisager les choses est de dire que, surtout pour les domaines ou la spéculation mercantile présente un véritable danger pour l'humanité (par
exemple les deux marchés informatiques juteux actuels : la médecine et l'enseignement), le logiciel libre (et pas seulement l'OS, c'est-à-dire le développement de softs spécialisés)
apporte des garanties que lui seul peut apporter. Ceci entre dans le cadre des produits qui , sans être obligatoirement porteurs de marges bénéficiaires, sont
indispensables pour un fonctionnement général du système global : ce peut être le système routier, les différentes infrastructures, domaine dans lesquels le libéralisme
voit, non pas comme l'economie classique des faux frais de production nécessaires mais une sphère prioritaire d'investissement, ce qui risque de fragiliser la aussi
l'ensemble du système, ceci valant aussi pour l'ensemble de l'infrastructure des systèmes d'information.

Dans ce cadre, je voudrais revenir sur la nécessité absolue de développer des logiciels libres spécialisés si l'on ne veut pas que le logiciel libre serve de support au
contraire de son esprit. Si l'on prend l'exemple de la médecine et de l'education, il est évident que le cours même du développement de ces deux activités (et on
peut en dire sur le sujet) est contrôlé par les monopoles des labos et des éditeurs classiques en liaison plus ou moins directe avec des secteurs de l'etat et de
l'université: la seule manière de contrer ce monopole est de developper des softs libres orientés utilisateurs. Dans le cas contraire, cad défendre strictement le logiciel
libre comme OS (ou serveur WEB) sans poser le problème du contenu peut arriver au résultat contraire de ce qui est souhaité: c'est pour cela qu'à la réunion de
l'April, j'ai posé "naïvement" la question :" Vaut-il mieux que le site M$ tourne entièrement sous Linux ?". Or  cette démarche est ce qu'attendent les utilisateurs finaux
(médecins, enseignants) et ils comprendront d'autant mieux notre démarche que nous montrerons les avantages des logiciels libres non pas seulement comme
logiciels mais comme modèle social de développement indépendant et coopératif (je ne parle pas la des médecins qui attendent les visites de labos pour avoir des
voyages et des enseignants qui orientent leur carrière en suivant les dernières lubies pédagogiques).

Enfin, un dernier problème : peut-il y avoir un soutien de l'etat au développement du logiciel libre ? Actuellement, il ne semble pas en être question. Mais
d'une part, le New Deal n'est apparu que parce que le dysfonctionnement du système l'a rendu indispensable et, avant que ce soit décidé, c'était impossible. C'est
à nous de mobiliser les utilisateurs et de convaincre les décideurs : je ne parle donc pas à court terme (à court terme, nous n'avons de toutes façons pas de softs
utilisateurs finaux à exhiber) mais à moyen terme, ce qui est le plus important (il importe dans ce domaine de sensibiliser les auteurs de shareware sur notre optique).
Il semble que le fonctionnement du système nous donne et nous donnera tous les jours des arguments (voir aujourd'hui même par exemple le problème de la carte pour
les patients en médecine)
- le soutien de l'état au logiciel libre ne peut pas le transformer en monopole (de par sa nature même) et son utilité la plus grande est dans "la civilisation Coca-Cola"
qui n'est en gros que l'investissement monopolistique parasitaire dans tous les tréfonds du mode de vie. Or l'Europe est peut-être  le continent non encore envahi par
ce mode vie et elle peut apporter dans ce domaine une aide à ceux qui en sont le plus victimes, les américains eux-mêmes. Et, dans ce cadre, il est peut être possible
d'engager plus qu'un bout de chemin avec IBM.
 

Amicalement
Michel DELORD (33)556687116
http://www.quaternet.fr/netschool
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Membres maillist  -  Membres@aful.org http://www.aful.org/mailman/listinfo/membres



"Les bases en Math"   Extrait de Mail sur la liste " Maths Collège" (30 Octobre 1999)

Le sujet de discusion était la règle de trois que je défendais bec et ongle contre le modernisme ambiant :
J'ai anonymisé mon contradicteur qui s'appelle X
(Mail non parti avant mon départ en vacances) Date: Sat, 30 Oct 1999 19:33:50

On 28 Oct 99, at 23:43, X wrote:

> J'ai appris la règle de trois en préparant le concours d'entrée en sixième.
> A la baguette : ça laisse des traces...

Cette phrase, à elle seule, pose un nombre incalculable de problèmes qui sont dus à son caractère allusif. Il me semble que, dans un débat où l'on essaie de clarifier des positions, il faut essayer au maximum de ne pas être allusif et de dire précisément ce que l'on vise : j'essaie de le faire et il me semble que ce que j'écris a l'avantage de ne pas faire dans l'allusion et d'appeler directement un chat un chat. Dans la mesure où nous sommes dans le domaine de l'allusion et où n'apparaît pas clairement ce que tu cherches à montrer où à démontrer par ce type de remarques, je serais donc fondé à émettre plusieurs hypothèses, dont, par exemple : est-ce que tu cherches l'adresse d'un psychanalyste puisque tu as subi des mauvais traitements dans ta jeunesse – coup de baguettes – qui, apparemment te "laissent des traces" jusqu'à maintenant ? En ce cas, je pense pas que le meilleur lieu pour cette recherche soit la liste.

I) Ça, c'était un petit jeu un peu fielleux – je le reconnais – pour montrer le problème de l'allusion. Passons à des choses plus sérieuses dans lesquelles je ne serai pas allusif non plus.

a) Si tu as appris la règle de trois en préparant le concours d'entrée en sixième, tu devais donc être en CM2 (année du concours d'entrée) avant que le concours d'entrée en sixième ne soit supprimé, la date en étant la réforme Berthoin de Janvier 1959. On peut donc en déduire que ton instituteur de CM1 était déjà un dangereux moderniste car la règle de trois se faisait dés le CM1 (à moins que ce fut un "branleur"). Et comme d'habitude, dans ce cas-là, l'année suivante, c'est l'élève qui trinque.

b) En supposant que tu aies eu personnellement à souffrir de la "baguette", cela n'a pas à entraîner un avis négatif sur l'utilisation de la règle de trois à partir du moment où tu as été enseignant. Je disais déjà dans le mail précédent que les "innombrables cas particuliers" n'ont pas entrer dans les raisons qui font préférer une progression à un autre.

c) Je suppose que l'instituteur "qui donnait des coups de baguette" ne donnait pas des coups de cet instrument strictement pour l'apprentissage de la règle de trois et ne ménageait pas non plus ceux qui refusaient d'admettre – ou de savoir par coeur – que 2 + 2 = 4. Si c'est le cas, combien as-tu massacré de générations en ne le leur enseignant pas, c'est-à-dire clairement en enseignant le contraire ?

d) Ma remarque n'est pas complètement innocente car j'ai déjà entendu, au nom de la liberté de l'élève et contre " l'oppression du savoir constitué " – on dit maintenant "savoir savant" ce qui, dans le cas de la règle de trois, est une vraie pitrerie – prétendre que l'élève avait le droit de dire que 2 + 2 = autre chose et en particulier qu'il fallait lui enseigner que 2 + 2 pouvait ne pas être égal à 4.
Si j'en crois tes éléments de biographie, tu dois avoir entendu la même chose et on a même du t'imposer – si tu étais instituteur ou prof de maths – d'enseigner parallèlement les différentes numérations ou même simplement d'enseigner la "base 2" alors que la "base 10" n'était pas intégrée comme un automatisme (ou même un authomatisme). Ceci était fait au nom de la liberté de l'élève et contre l'oppression. Ce qui fait que lorsque, maintenant, on me ressert le coup de la liberté et de la lutte contre l'oppression, j'aime bien savoir ce que cela cache car, de toutes façons, il n'y a pas actuellement un gouvernement qui proposera une réforme au nom de valeurs qui ne font pas partie du "politiquement correct" et il n'y a jamais eu un seul gouvernement qui ait présenté une réforme en disant "Je vais baiser la majorité d'entre vous" : la tâche est donc toujours de savoir ce qui se cache derrière le discours.

Revenons à l'exemple des " bases" car il s'agit d'un exemple relativement simple qui permet de désosser une partie de la problématique moderniste :

La particularité de la base 10 par rapport à toutes les autres bases – qui n'est pas mathématique – et qui lui donne toute son importance dans l'apprentissage humain du calcul, est que  les êtres humains ont dix doigts. Toutes les discussions possibles sur la défense de la liberté de l'enfant ou la liberté de choix n'y feront rien et, qui plus est, toute référence à la liberté pour justifier le choix de la base qui doit servir comme forme primaire de l'apprentissage du calcul est même en elle-même un obstacle à la compréhension du problème posé. Maintenant, si l'on place le débat sur "les bases" non pas dans l'éther des controverses morales où la "liberté" s'oppose à la non-liberté, mais dans l'histoire humaine telle qu'elle s'est déroulée, on peut faire quelques remarques:

A ) La numération orale est probablement plus ancienne que la numération écrite et a été de toutes façons pratiquée plus massivement car la fraction de l'humanité sachant écrire a été très longtemps minoritaire. Une des traces de cette domination historique de l'oral sur l'écrit est qu'elle survit encore dans la numération orale alors qu'elle a pratiquement disparu de la numération écrite : en effet la numération orale est historiquement dominée par la numération de base 20 (car les êtres humains ont la "liberté" d'avoir 20 doigts) et l'on retrouve encore pratiquement dans toutes les langues le fait que la numération écrite suit complètement les règles décimales (11 = 10 + 1) tandis que la numération orale ne la suit pas : 11 ne se lit ni dix-un en français ni ten-one en anglais ni zehn-ein en allemand, ni diez uno en espagnol. Je passe pour les autres langues, langues pratiquées dans des pays où la même folie meurtrière de sens a imposé également le fait de mettre la base 10 au même niveau que les autres bases dans l'apprentissage de la numération.
Mais là, une remarque : il est effectivement beaucoup plus facile de jargonner sur la liberté – ou de construire les mathématiques à partir de la "liberté du choix des axiomes" ce qui revient au même car le choix des axiomes suppose la liberté – que de comprendre les conditions historiques qui ont amené à la naissance et  au développement d'une notion qui s'est trouvé progressivement intégrée aux mathématiques.
 

" A priori, la numération binaire n'est pas plus compliquée que la numération décimale. Pour l'enfant qui apprend à lire et à compter, l'une vaut l'autre. Pour nous, qui sommes déformés par notre utilisation de l'écriture décimale, il est difficile de passer au binaire"
Tiré de "Mathématiques modernes, langage du futur" de Georges Van Hout - Ed. Nauwelaerts, Louvain, 1970-


Ce GVH était un émule de Papy, le grand patron de la mathématique moderne en Belgique : il est quand même intéressant de noter que ce type d'individu peut écrire que nous avons été "déformé" par l'usage de nos mains et de nos pieds alors que la vérité est plutôt strictement le contraire : nous avons été formé par l'usage de nos mains et de nos pieds.

On pourrait croire que ce je raconte sur les mains et les pieds a quelque chose de nouveau et qui était ignoré à l'époque des maths modernes – ce qui permettrait à l'axiome couramment admis comme réalité qui affirme que le progrès est permanent, c'est-à-dire que le nouveau est toujours supérieur à l'ancien, d'être vrai  : il n'en est pratiquement rien, et le premier chapitre "L'Histoire des mathématiques" de Marcel Boll publié chez Que-Sais-je ? (la première édition de 1941 s'appelait "Les étapes des Mathématiques) s'intitule "Nos dix doigts et le zéro". Donc, là aussi, les maths modernes ont été destructrices et l’“innovation” a été une destruction du sens et une régression.

B) Que peut-on faire ? (En attendant de mettre hors d’état de nuire les rédacteurs des programmes) (et je signale qu'au Quebec, comme on peut le voir sur les site du MEQ, le calcul dans toutes les bases est encore au programme du primaire)

Personnellement, depuis une vingtaine d’années, je m’efforce

1) PRIORITAIREMENT de mettre en avant les automatismes liés à la base 10 : il y en a un exemple, qui essaie d’être de plus “ludique” pour favoriser l’attention d’élèves qui sont souvent en échec car on les a enfoncés au nom de la liberté et de la “quête du sens” tout en ayant des pratiques qui ne le permettent pas. Il se trouve sur le site de la Casemath à http://ecole.le-village.com/casemath/six/6mult.zip.

2) dès le début de l’année de sixième, de commencer le cours en le basant sur les questions suivantes :

a) Combien faut-il de chiffres pour écrire tous les nombres ?

b) Quel est le nombre minimum de chiffres pour écrire tous les nombres ? Réponse : 1 et l’exemple du prisonnier qui fait des traits sur les murs de sa prison

c) Avec quel nombre de chiffres le plus grand nombre de calculs est fait ? Réponse :2 car les calculettes et les ordinateurs ne fonctionnent pas au charbon ni à la vapeur mais à l’électricité qui connaît 2 états : elle passe ou elle ne passe pas.
On commence à écrire la correspondance base 10 base 2 jusqu’à 16 et devoir pour le lendemain: écrire la correspondance jusqu’à 65. Je donne comme mode de construction: comment écrire la succession des nombres en utilisant 1 et 0.

d) Le lendemain, on corrige et on fait des opérations en montrant les avantages et les inconvénients de la base 2 et de la base 10 (plus les tables sont courtes, plus le calcul est long et l’ordinateur calculant très vite, on comprend le choix). Puis question pour la semaine suivante formulée à peu près ainsi : puisqu’on peut écrire avec autant de chiffres que l’on veut, pourquoi écrit-on avec dix chiffres ? Est-ce que l’on parle avec 10 chiffres ? Je laisse une semaine pour que ça marine et je précise, comme c’est difficile, qu’ils demandent à leurs parents.

e) Il y a des tentatives de réponses pendant la semaine mais je refuse de répondre avant la date fatidique. Ça fait encore monter l’ambiance.
Réponse au jour dit avec exemples historiques :

- des Incas chez qui le nom des vingt doigts de pieds et de mains qui étaient les mêmes que les noms des nombres de 1 à 20 – comme ils ont commencé l'anglais ou l'espagnol : remarque sur les autres langues
- l’hôpital fondé par St Louis : les quinze vingt. Et amusement en classe : on s’amuse à dire les nombres en base vingt : 51 devient deux vingt onze.
f) J’abandonne temporairement la question et j’y reviens juste avant les vacances de Toussaint ou l’on construit le jeu formé d’un jeux de fiches qui permet de deviner un nombre seulement en regardant les 6 fiches (il suffit d’ajouter les premiers nombres figurant sur les fiches, chaque fiche étant composé de tous les nombres qui en base deux ont 1 dans le même ordre). La construction des fiches est donné à partir du mécanisme “idiot” : mets dans la fiche 1 tous les nombres qui, en base 2, ont 1 comme ordre des unités, etc.
Ils ne comprennent pas mais ça marche et se posent ensuite la question  “Comment ça marche ?”, ce qui permet d’expliquer comment on passe, par calcul, de la numération de la base dans la base 10.

g) Tout cela passe et passerait encore mieux si l’école primaire leur avait donné la formation que l’on donnait dans les années 20 ou 50/60 : c'est-à-dire que la compréhension de ce qui était utile dans ce qui est "moderne" était possible justement parce que l’enseignement précédent n’avait pas été moderne. Pendant ce temps-là, qui représente au moins deux semaines de cours, mes collègues avancent et je suis, bien sûr, en retard. Je ne rattraperai pas ce retard dans l’année  y compris pour la division où je passe 2 mois/3 mois pendant que les autres cavalent. Et si l’on fait une évaluation des connaissances des élèves, je n’ai pas l’outrecuidance de demander que l’on intègre ce que je fais car c’est hors-programme, ce qui fait que l’on peut facilement prouver que ce que je fais est nul. Je n’avais pas répondu sur la liste à ceux qui me faisaient remarquer que j’abordais scandaleusement trop tard la géométrie.

II ) Tu fais des reproches à la règle de trois parce qu'elle t'aurait été enseigné à la baguette : Si je traduis correctement – et tu mes dis si je me trompe –  tu sous-entends que la forme de raisonnement que l'on trouve dans la règle de trois est inséparable du fait qu'elle soit enseignée à la baguette. Ce n'est pas sérieux.
Ce n’est pas sérieux et c’est tout à fait parallèle par contre aux divagations historiques par lesquelles les théoriciens des Sciences de l’Education critiquent la règle de trois : partant de la constatation du caractère oppressif et sélectif de l’école de Jules Ferry  – qui est réel mais moins sélectif au moins que l’école qu’ils ont mis en place – ils en “déduisent” (!!) que l’ensemble des méthodes techniques d’apprentissage de cette école est à condamner.
 

Michel DELORD

 



GAG : une défense des tableaux de proportionnalité

A la suite d'un débat sur la liste College sur la règle de trois – je defendais la règle de trois contre les tableaux de proportionnalité et, à ce jour en Janvier 1999, personne n'ose plus dire sur la liste qu'il est pour les tableaux en public –, on a monté la provoc suivante avec une copine C. Gualiègue.
Et malgré le fait qu'il était notoire sur la liste que Catherine et moi partagions les mêmes opinions (je l'appelle en public "Le courant d'air frais sur le marigot moderniste"), certains ont marché !

*********************
To: <maths@sorengo.com>
Cc: <laurent.charpentier@worldonline.fr>
Subject: [maths] règle de trois

Il me semble que les tableaux de proportionnalité et les produits en croix ont bien des avantages sur la règle de trois avec passage à l'unité, que M. Delord s'obstine à défendre.
Je vous invite donc (et M.Delord en particulier) à lire les quelques réflexions qui suivent et qui aideront peu-être certains à réfléchir sur les avantages des méthodes modernes par rapport aux anciennes :

1) La production du tableau lui même est une source de satisfaction pour les élèves si le tableau est bien dessiné (ceci peut d'ailleurs faire l'objet d'un travail transversal avec le prof de dessin, je pense en particulier aux parcours diversifiés de 5°, et c'est une excellente formation à la délimitation des frames pour gagner le prix du site WEB le plus meumeu), et, pendant qu'ils tirent avec application leurs traits, ils oublient qu'ils font des maths (ils oublient aussi quel était le problème posé mais c'est moins grave) et cette activité leur permet de se détendre un peu, détente qui est particulièrement bénéfique pour ceux qui pensent : "moi, je ne suis pas bon en maths".

2) Lorsque le tableau est tracé, l'élève le remplit avec les nombres donnés dans l'énoncé et, comme il a déjà perdu pas mal de temps à dessiner le tableau, il ne prend pas la peine d'y écrire les grandeurs proportionnelles (d'ailleurs, zut, les cases sont trop petites) ni leurs unités, mais il est content car il a déjà fait la moitié du travail et si les nombres sont placés au hasard, il ne s'en rend pas compte donc tout va bien. L'important c'est la satisfaction de l'élève face à un travail accompli. Il est rassuré.

3) Maintenant, on multiplie deux nombres et on divise par le troisième et l'exercice est terminé. Et TOUTE la classe l'a fait ! Personne n'a dit "je ne sais pas faire, je ne comprends pas" !!! pas de sensation profonde d'échec. Même si le résultat est faux, l'élève se dit "oh, zut, je me suis trompé(e) de case mais je savais faire, m'sieur". Le prof peut aussi l'encourager dans la voie de la réussite en lui faisant la même réflexion.

4) Cette méthode a aussi l'avantage d'éviter la production de phrases en français et ça, c'est vraiment très très bien pour les élèves qui éprouvent quelques difficultés avec la langue. Encore une fois, ils ne se sentent ni dévalorisés ni pénalisés.

Catherine



Extrait de : "Confronting Reform"

Jeremy Kilpatrick

 Texte intégral

Three times in this century, some members of the American mathematical community have attempted to reform school mathematics only to discover that others objected to the direction the reform appeared to be taking. In this paper, I sketch the issues at stake in the first two reform efforts and then turn to the third and current effort, giving particular attention to the critique offered by H. Wu [33]. The paper ends with some thoughts on the challenges of changing school mathematics.

A UNIFIED CURRICULUM. At the turn of the century, reformers at the University of Chicago High School and at several other Illinois schools were attempting to unify the secondary curriculum, principally by merging, the year-long courses in algebra and geometry [25]. In 1903, E. H. Moore [15], retiring as president of the American Mathematical Society, gave a powerful impetus to the nascent reform efforts by devoting part of his presidential address to mathematics in secondary education. Moore called for "the unification of pure and applied mathematics" and "the correlation of the different subjects," to be accomplished by organizing algebra, geometry, and physics into a "thoroughly coherent four years' course."

Reaction to what was to become known as the "Chicago movement" was swift. Conservative mathematicians in the East, most prominently David Eugene Smith, although tolerant of the brash Midwesterners tinkering with new approaches, argued that the secondary classroom was a place for pure, not applied, mathematics. In particular, the mental disciplinary power of geometry, together with its aesthetic and cultural value, demanded that it be kept in a separate course.

By the time the final report of the MAA's National Committee on Mathematical Requirements [131 appeared in 1923, much of the support for a unified curriculum had shifted to Grades 7 to 9 and away from Grades 10 to 12. The report's authors wanted all students, many of whom were dropping out of school by the end of Grade 9, to have a broad view of mathematics and consequently proposed some integrated courses for the junior high school. They also suggested ways in which the curriculum of Grades 10 to 12 might be reorganized to connect algebra with geometry and to include some work in statistics and even calculus. They acknowledged, however, that although experimental unified courses were being developed, few high schools were adopting them. The movement to unify the mathematics curriculum was already fading away under attacks on mathematics as a required subject in secondary school and the growth of courses emphasizing the social uses of mathematics (primarily arithmetic). Today, the residue of the reform effort can be seen in the "general mathematics" course, the impoverished counterpart to first-year algebra.

A MODERN CURRICULUM. The next wave of reform began to build in the 1950s, as university mathematicians and school mathematics teachers joined forces to attempt to bridge what they saw as the widening gap between school and collegiate mathematics. Concerned that the "explosive development of mathematics" [4, p. 1) was not being reflected in the school curriculum, that too few students were entering college prepared to study advanced mathematics, and that the nation risked a serious shortage of mathematically trained personnel, reformers mounted a variety of projects to improve the teaching of school mathematics by developing new curriculum materials and retraining teachers. These efforts became known as the "new math"--"a label not so much for a cohesive set of reform proposals and activities as for an era during, which a variety of reforms were undertaken" [26, p. 413].

Many of the reforms, but not all, were marked by an emphasis on what were seen as unifying concepts of mathematics---set, relation, function, and the like---coupled with the abstract structures---groups, rings, fields, vector spaces-into which they are organized. "Because the university mathematicians who dominated the modern mathematics movement tended to be specialists in pure rather than applied mathematics, they saw pure mathematics, with an emphasis on set theory and axiomatics, not only as the content that was missing from the school curriculum but also as providing the framework around which to reorganize that curriculum" [26, p. 412].

Again, the reaction was swift. Morris Kline was the first and loudest voice, aguing that aspects of the reform efforts were "'wholly misguided,' 'sheer nonsense, attempts to replace the 'fruitful and rich essence of mathematics' with sterile, peripheral, pedantic details'"[quoted in 6. p. 55]. In the position paper "On the Mathematics Curriculum of the High School" [16], Kline and 64 other mathematicians offered a more measured critique-essentiallv arguing that anyone attempting reform needed to link school mathematics more closely to its history and to concrete applications and not to make it so abstract and formal that future nonmathematicians would be turned away. An important feature of the paper was that it offered "fundamental principles and practical guidelines." E. G. Begle [3], director of the School Mathematics Study Group, the largest and most prominent of the new math curriculum reform projects, expressed delight with the guidelines, claiming that most were reflected in the new textbooks, and then gently chided the authors for failing to distinguish among the different projects and their suggestions for curriculum improvement, thus effectively rejecting them all.

Once most of the new math projects had ended. Kline fired the last shot. In Why Johnny Can’t Add: The Failure of the New Math [12], published in 1973, he reiterated and elaborated his opposition to the reform. Although the book was marred by a sometimes flippant tone and a persistent unwillingness to make distinctions among reform efforts, Kline offered cogent thoughts on deduction, rigor, and the language of mathematics. (Despite the book's title, it dealt with the secondary curriculum and not the teaching of arithmetic. Kline once confided that his publisher insisted on the title.) He ended the book by arguing that the appropriate direction for any reform "should be diametrically opposite to that taken by the new mathematics" [12, p. 144], toward mathematics as an integral part of a liberal education, with connections to culture, history, science, and other subjects. He cited with approval Moore's [15] call to combine mathematics with science in high school and to reduce the artificial separation between its pure and applied sides. Thus, Moore, who had pushed the earlier reform effort, was cast in opposition to the second.

The residue of the new math era may be difficult to see in today's school mathematics, but it is there. The precalculus course, for example, is a direct descendent of the elementary functions and introductory analysis courses that appeared during that time. Sonic of the new math's terminology and notation has disappeared, but much survives. And various topics, such its inequalities, that the reforms introduced into school mathematics have remained. With respect to changes in the way mathematics has been taught, few of the reform proposals appear to have been extensively implemented. It is popular to declare that the new math was tried and that it failed. Studies of school practice at that time [8], [17], however, suggested that in most classrooms the reforms were never really tried.

A STANDARDS-BASED CURRICULUM. Over the past decade or so, the reform impulse has heated up once more, this time led by professional organizations under the banner of raising expectations and providing mathematical literacy for all [19], [20], [21], [22]. The publication A Nation at Risk [18] set many of the terms of the discourse: low performance on international assessments threatened the nation's economic competitiveness; declining test scores nationally meant that rigorous and measurable standards were needed. Reformers of school mathematics have argued that changes in society and within mathematics itself necessitate a more demanding school mathematics curriculum. The goal is to develop students' mathematical power: "Truth and beauty, utility and application frame the study of mathematics like the muses of Greek theater. Together, they define mathematical power, the objective of mathematics education" [22, p. 43].

Much of the leadership in promoting reform has come from the National Council of Teachers of Mathematics (NCTM). This organization, founded in 1920 to help preserve the place of mathematics in the secondary curriculum, supported but did not lead the new math reform efforts. Two decades ago, however, it began to play a more active role as a national voice for teachers, in part as a response to the widely perceived failure to change school mathematics during the new math era and in part to counter the ensuing "back to basics" backlash of the mid-1970s [14, pp. 22-25]. In its first, and most influential, reform document [19], the NCTM took the term standard from the rhetoric of raised expectations and accountability for results and made it a statement for judging the quality of school mathematics and for providing "an informed vision of the future" [14, p. 36].

The language of "mathematical power" represents an attempt to provide a vision of "what it means to be mathematically literate both in a world that relies on calculators and computers to carry out mathematical procedures and in a world where mathematics is rapidly growing and is extensively being applied in diverse fields" [19, p. 1]. The arguments given for reforming the school mathematics curriculum, instruction, and assessment rest on the contention that because "all industrialized countries have experienced a shift from an industrial to an information society," the mathematics that students need to know in order to be "self-fulfilled, productive citizens in the next century" [19, p. 3] has also changed. The changes in society have demanded that schools chance as well. Although previous reform efforts had their effects, virtually all observers of U.S. school mathematics classrooms have come away convinced that change is needed.

A large part of the standards-based reform is built on the view that mathematics itself has become more computational and less formal. "In recent years, a reaction against formalism has been growing. In recent mathematical research, there is a turn toward the concrete and the applicable. In texts and treatises, there is more respect for examples, less strictness in formal exposition" [5, p. 344]. Even before the recent controversy over "the death of proof" [1], [7], [10], so-called informal geometry courses, minus proof, were being introduced into high schools as state legislatures and school districts mandated "geometry for all." For some high school teachers, the call for "decreased attention" to "Euclidean geometry as a complete axiomatic system" and "two-column proofs" [19, p. 127] has been interpreted as permission to do away with proof altogether, for everyone [14, p. 118]. (For an eloquent defense of proof in high school geometry, together with a proposed year-long syllabus, see [32].) And clearly the availability of computer software and graphing calculators has made it easier than ever before to visualize relationships and test numerous cases of a generalization before or in place of providing deductive justifications.

This time around, the negative reaction to reform proposals and activities has been slow to come. The lag may be because endorsements were sought and received for the proposals from all parts of the mathematical community. Or it may be because the proposals were framed in rather general terms, with textbooks and other materials from reform projects appearing only in the last few years. Opposition to the reform, however, has been building---much of it on the Web---for some time, and now we have an article in print by H. Wu [33], one of the most outspoken of the critics........

REFERENCES

1. G. Andrews, The death of proof? Scmi-rigorous mathematics? You've got to be kidding!, Math. Intelligencer, Fall 1994, pp. 16-18.

2. G. B. Barrett, K. G. Bartkovich, H. L. Compton, S. Davis, D. Doyle, J. A. Goebel, L. D. Gould, J. L. Graves, J. A. Lutz, and D. J. Teague, Contemporary Precalculus Through Applications: Functions, Data Analysis and Matrices, Janson Publications, Dedham, MA, 1992.

3. E. G. Begle, Remarks on the memorandum "On the mathematics curriculum of the high school," Amer. Math. Monthly 69 (1962), 425-426; see also Math. Teacher 55 (1962), 195-196.

4. College Entrance Examination Board, Commission on Mathematics, Program for College Preparatory Mathematics, CEEB, New York, 1959.

5. P. J. Davis and R. Hersh, The Mathematical Experience, Birkhhauser, Boston, 1981.

6. B. DeMott, The math wars, in New Curricula, R. W. Heath, ed., pp. 54-67, Harper and Row, New York, 1964.

7. K. Devlin, The death of proof? Notices Amer. Math. Soc. 40 (1993), 1352-1353.

S. J. T. Fey, Mathematics today: Perspectives from three national surveys, Math. Teacher 7.7 (1979). 490-504.

9. B. Grossen, Making research serve the profession, Amer. Educator, Fall 1996, pp. 7-8, 22-27.

10. J. Horgan, The death of proof, Scientific American, October 1993. pp. 91--103.

11. J. Kilpatrick, L. Hancock, D. S. Mewborn, and L. Stallings, Teaching and learning cross-country mathematics: A story of innovation in precalculus, in Bold Ventures, Vol. 3: Case Studies of U.S. Innovations in Mathematics Education, S. A. Raizen and E. D. Britton, eds., pp. 133-243, Kluwer,

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12. M. Kline, Why Johnny Can't Add: The Failure of the New Math, St. Martin's Press, New York, 1973.

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Table des Matières
 Documents
Introduction
COPREM 1983
 Progressions Primaire1882 - 1923
BO Special 7 Primaire 2000
Lieury : Méthodes pour la mémoire
 Intelligence : JF Richard