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La réforme du CAPES

De graves menaces sur le CAPES
Il est urgent d'agir !

Un "texte de cadrage" sur la "rénovation du dispositif de formation des enseignants", rédigé par MM. Bernard Alluin, ancien président de l'Université de Lille III, et Bernard Comu, directeur de l'IUFM de Grenoble, et soumis à la concertation "dans la plus grande transparence", a été publié par le Ministère le 7 février sur son site Internet (http://www.education.gouv.fr). Les CAPES sont visés au premier chef par ce projet de réforme, qui place l'ensemble du dispositif sous l'autorité des IUFM. Les agrégations ne sont pas concernées (ni même mentionnées). En voici l'essentiel:

1) Ne pourront apparemment se présenter au CAPES que les étudiants qui auront été pré-sélectionnés par l'IUFM à la fin de l'année de licence (juin): rien, dans le texte, ne laisse entendre qu'il peut y avoir des candidats libres, puisque la préparation de l'écrit apparaît comme un "premier semestre" de scolarité à l'IUFM. La pré-selection se fera selon les principes habituels: à côté de la "qualité du cursus universitaire" figurent explicitement "les expériences professionnelles dans le domaine de la formation des jeunes: aides-éducateurs (...), animateurs de centres de loisirs ou de colonies de vacances, moniteurs de sport", etc.

2) L'écrit et l'oral seront fortement disjoints: les épreuves d'admissibilité auront lieu à la fin du premier semestre (fin janvier-début février) - la préparation commençant explicitement au début de septembre-,les épreuves d'admission fin juin-début juillet.

3) La formation dans les contenus disciplinaires se poursuivra au second semestre, de mars à juin, pour les seuls admissibles, en même temps que des stages pédagogiques et autres activités sanctionnées lors des épreuves orales.

4) Les concours seront "simplifiés dans leur architecture" et "seront désormais marqués par un rééquilibrage des coefficients au profit de l'oral et une accentuation de la composante professionnelle des épreuves, en rapport avec les programmes scolaires et avec les aptitudes requises pour exercer en collège ou lycée". Parmi les épreuves orales, "un entretien à base disciplinaire permettra d'évaluer à travers un entretien (sic) la solidité des connaissances et les aptitudes pédagogiques du candidat". Une autre épreuve, 4'à dominante professionnelle dotée d'un fort coefficient sera axée sur le stage de pratique accompagnée effectué par le candidat. Elle mesurera les capacités de réflexion et d'argumentation de celui-ci sur les finalités de l'enseignement secondaire, sur les enjeux culturels, sociaux et éventuellement économiques de sa discipline, sur la responsabilité éducative de l'enseignant".

5) D'une manière générale, les épreuves à contenu disciplinaire ont pour fonction de vérifier "la connaissance des notions fondamentales nécessaires pour traiter les programmes de collège et de lycée".

6) Des "annexes, qui seront soumises à la concertation", préciseront les modalités concrètes d'application, discipline par discipline. Pour ce qui est des Lettres Modernes, la commission présidée par Alain Viala envisagerait (il n'y a pas encore de document officiel) un schéma à quatre épreuves, mi-nationales, mi-régionalisées:

a) à l'écrit:
- une épreuve nationale de didactique (voisine de l'actuelle épreuve orale correspondante, qu'elle remplacerait);
- vraisemblablement, une épreuve de langue française.

b) à l'oral: - une épreuve régionalisée "à base disciplinaire" (cf. point 4 supra), sans doute autour d'une commentaire de texte assorti d'un entretien;
- une épreuve "à dominante professionnelle" (cf. point 4 supra).

Il ressort de ce schéma que la dissertation disparaît (comme elle doit disparaître de l'enseignement des lycées et collèges), de même que le latin/la langue vivante.

Quelques commentaires:

Même s'il est certain que la profession d'enseignant de lycée ou de collège a beaucoup évolué pendant ces dernières décennies et que des adaptations sont devenues nécessaires, ce projet dévalue la formation des professeurs d'une façon grave et inacceptable:

- il réduit la préparation aux contenus disciplinaires pour la grande majorité des candidats, puisque seuls les admissibles pourront continuer de suivre ces enseignements après le mois de février; la présence de stages et d'activités diverses, pour les admissibles, entre mars et juin rendra par ailleurs pour ceux-ci matériellement impossible la préparation simultanée du concours de l'agrégation. La didactique devient reine, alors même que la nature des épreuves ne permettra plus une estimation solide de la culture et des capacités du candidat à mener une réflexion rigoureuse. La disparition de la dissertation aura, à cet égard, des conséquences incalculables.

- en réduisant le nombre des épreuves écrites et celui des épreuves à contenu disciplinaire, il rend le concours beaucoup plus aléatoire. II n'est pas acceptable que l'écrit soit aussi peu et aussi mal évalué.

- la seconde épreuve orale, centrée sur l'exigence d'une réflexion sur "les enjeux culturels, sociaux et éventuellement économiques de la discipline", peut conduire tout droit à une "normalisation" de la pensée. L'idée même d'une "pensée unique" est incompatible avec l'esprit de l'Université, qui a toujours cherché au contraire à promouvoir l'esprit critique et la formation de pensées individuelles.

- le projet est loin d'écarter les menaces de régionalisation. Or la régionalisation est un facteur d'inégalité.

Ces réformes, si elles voyaient le jour, aboutiraient à un véritable sabotage de l'enseignement de la littérature française, à l'université comme dans le Secondaire. Elles sont dans la logique des réformes en cours des classes de lycée et du baccalauréat, où la dissertation est remplacée par la rédaction d'un texte de fiction, par définition inévaluable - et d'ailleurs socialement tout aussi dépendant de la culture des candidats!

Ce projet, qui affiche une visée purement utilitaire et qui relève d'une vision étriquée de l'utilité, nie totalement l'importance d'une culture solide dans l'exercice de la profession d'enseignant et remet en cause, à terme, la nature même de l'enseignement universitaire en général et la raison d'être des Facultés des Lettres en particulier.

II est essentiel qu'enseignants et étudiants se mobilisent avec la plus grande énergie pour barrer la route à un projet de "déculturation" dont les conséquences, à terme, seraient bien plus graves que celles d'une tempête ou d'une marée noire...

Signez et faites signer ce texte autour de vous.

Dominique BOUTET, Pierre FRANTZ, Jean-Christophe ABRAMOVICI, professeurs et maître de conférences de Littérature française Université de Paris X-Nanterre, UFR LL Phi, bâtiment L, 200 avenue de la République 92000 Nanterre

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