Brevet 2002, sujets & analyses

Regroupement 1 : académies d'Amiens, Créteil, Lille, Paris, Rouen, Versailles
       Nouveau brevet, deuxième année
Regroupement 2 : académies de Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Limoges, Nantes, Orléans-Tours, Poitiers, Rennes
       Brevet 2002, Bordeaux : analyse critique
Regroupement 3 : académies de Besançon, Dijon, Grenoble, Lyon, Nancy-Metz, Reims, Strasbourg
       Merdre, si l'école n'apprend plus à écrire...
Regroupement 4 : académies d'Aix-Marseille, Corse, Montpellier, Nice, Toulouse
       Nice : consternation et révolte
       Brevet des collèges : le français, faut plus en faire un flan !

Académies d'Aix-Marseille, Corse, Montpellier, Nice, Toulouse

Voir : Nice : consternation et révolte
Brevet des collèges : le français, faut plus en faire un flan !

Lettre de Vlad1

                                                                                                                                  US Est

Ma chère Estelle,

Tu ne vas pas le croire, je t'écris dans l'avion entre Moscou et Leningrad. De mon vieux pays dont je vous ai tant rebattu les oreilles. Tu te rappelles, des heures entières, et on finissait par pleurer tous les trois !

Je ne sais pas si c'est ce voyage, d'entendre parler ma langue partout (dans l'avion en ce moment, comme un ressac2 tiède), mais je suis tout remué et je n'arrête pas de penser à vous.

Excuse-moi pour cette lettre que je t'ai envoyée. La tienne était si courte, sans même un numéro de téléphone où t'appeler, cela m'a mis en fureur. Est-ce que tu avais pu oublier notre amitié ? Etait-il possible que tu m'écrives juste pour me demander un service, sans me parler de toi, de ce que tu as fait après ... pas de nouvelles, disparue, envolée, et soudain quelques lignes après tant d'années ! Et maintenant ma colère est tombée, je me rappelle comment vous étiez tous les deux si imprévisibles ...

Je vous revois dans votre immense appartement, toutes ces fenêtres, la lumière sur le parquet vide, le piano et la barre sur le mur.

Estelle, cette espèce de télégramme qu'était ta lettre m'a fait froid dans le dos, mais maintenant je pleure. Sans vous, sans votre générosité, je ne sais pas comment j'aurais survécu, et surtout quand je suis si vite tombé de la gloire dans l'oubli. Ecrivain fêté un jour et abandonné presque aussitôt !

Je n'ai pas oublié, oh si l'argent pouvait suffire !

Ma chère petite, daragaïa Estellenka3, je ne suis plus pauvre, et je n'ai pas versé de larmes depuis longtemps, mais tu vois je sais encore comment on fait. [...]

Estelle, ce que tu me demandes est impossible. Ce genre de choses, c'est fini pour moi. Vous ne vouliez pas y croire mais c'était vrai, finished, kontcheno4 ! Que toutes choses et toutes gens aillent à leur perte, je n'essaierai plus d'en faire la chanson, comme dit le proverbe !

Je travaille toujours dans la publicité, je ne supporte plus que cette sorte d'écriture, tu vois.

Les sacs, ça m'a lancé, tu te rappelles, les douze sacs-pochettes en douze teintes comme les douze mois de l'année [...]

J'ai continué là-dedans, et je fais aussi des dessins pour les foulards Trismégiste, ça me permet de voyager, ils m'ont envoyé en US Est chercher des idées, c'est à la mode maintenant tu sais, la Russie. C'est la première fois que j'y retourne depuis qu'on se connaît, et j'y retourne comme je l'ai toujours voulu, selon mes termes à moi.

Tu vois que tout cela n'a rien à voir avec ce que tu me demandes. Comment pourrais-je, Estelle, moi qui ne peux plus même écrire mes propres récits ! Sans parler des problèmes de traduction, que tu as passés sous silence (à côté de moi, il y a mon assistant, qui me corrige ma lettre au fur et à mesure, "ressac" c'est de lui, c'est ce qui m'a fait penser aux sacs). Et puis enfin cette Tirésia, je ne sais même pas qui c'est, vous ne m'en avez jamais parlé.

Estelle, pardonne-moi.

Au revoir galoubka, moia daragaïa galoubka5, c'était votre docteur russe qui vous appelait comme ça, Minor n'est-ce pas, celui qui avait peur de son Major, tu vois, je n'ai rien oublié de vous ...

                                                                                                                                  Vlad

US Est, tu te rappelles ce qu'on disait ? Etats Unis de l'Est, cela va venir, tu vas voir ...

Pierrette Fleutiaux, Nous sommes éternels,1990

1 Vlad : abréviation du prénom Vladimir.
2 Ressac : mouvement des vagues qui se retirent.
3 Dragaïa Estellenka : chère petite Estelle.
4 Finished, Kontecheno : fini, terminé, en anglais et en russe.
5 Galoubka, moia daragaïa galoubka : colombe, ma chère colombe.


QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS

I - L'Echange : 5 points

1° - Qui désigne "tu" dans la lettre ? Quelles autres expressions désignent également "tu" ? (1,5 point)
2° - "US Est, tu te rappelles ce qu'on disait ? Etats Unis de l'Est, cela va venir, tu vas voir ...''. En observant la place de ce passage dans la lettre, dites à quoi il sert. Quel nom est habituellement donné à une formule ainsi placée. (1,5 point)
3° - Quelles sont les intentions de Vlad dans cette lettre ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (2 points)

II - Le passé : 5 points

1° - Quels sont les différents métiers exercés par Vlad ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (1,5 point)
2° - Quelles époques pouvez-vous distinguer dans la vie de Vlad ? Recopiez une phrase correspondant à chacune de ces époques. (1,5 point)
3° - Dans quel(s) but(s) Vald rappelle-t-il le passé avec insistance ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (2 points)

III - Vlad et Estelle : 5 points

1° - Quels sentiments Vlad éprouve-t-il à l'égard d'Estelle quand il écrit cette lettre ? Justifiez votre réponse en vous appuyant du texte. (2 points)
2° - D'après vous, qu'est-ce qu'Estelle a demandé à Vlad ? Justifiez votre réponse en prenant appui sur le texte. (2 points)
3° - " Que toutes choses et toutes gens aillent à leur perte, je n'essaierai plus d'en faire la chanson, comme dit le proverbe !". Donnez le sens, en contexte, du terme "chanson".
(1 point)


RÉÉCRITURE ET DICTÉE : 10 POINTS

Réécriture : 4 points

"Excuse-moi pour cette lettre que je t'ai envoyée." ... "de ce que tu as fait après"
Réécrivez le passage en remplaçant "tu" par "vous". Vous effectuerez toutes les transformations nécessaires.

Dictée : 6 points

      Vous aviez une grande glace qui faisait tout le mur derrière la barre, je ne sais pas pourquoi j'étais tourné vers cette glace et je voyais l'immeuble d'en face qui se réfléchissait là, dans la lumière grise du petit matin. A l'horizontale de nous dans cet immeuble, il y avait un homme, accoudé à sa fenêtre, qui nous regardait en fumant, j'ai eu un coup à la tête, j'ai dit "mais c'est lui, c'est le...". Et à ce moment-là, un bruit épouvantable, la boîte de cassoulet qui explosait dans la cuisine, on l'avait oubliée pas même ouverte sur le camping-gaz.
      Tout cela, Estelle, ça me revient, tous les détails, on a pleuré plus d'une fois ensemble, et voilà que je repleure et c'est encore à cause de vous.
      Quand on est revenus dans votre cathédrale (tu te rappelles, j'appelais votre grande pièce une cathédrale), l'homme avait disparu et on s'est endormis sur le parquet.
      Est-ce que je fais mal de ramener tout ça ? Ma première visite chez vous, comment veux-tu que j'aie oublié, et toi as-tu oublié, je ne veux pas le croire, non je me refuse à le croire.

Pierrette Fleutiaux, Nous sommes éternels, 1990, Lettre de Vlad à Estelle.


RÉDACTION : 15 POINTS

Sujet :

   Rédiger, en une trentaine de lignes, la lettre écrite à Vlad par Estelle pour exposer et justifier sa demande.

Consignes :

   - Votre travail est une lettre d'une trentaine de lignes.
   - Les marques de la lettre doivent être visibles.
   - Estelle doit formuler sa demande et la justifier.
   - Estelle donne au moins deux arguments.
   - Le langage employé sera courant. Il pourra être familier mais non vulgaire.




Académies d'Amiens, Créteil, Lille, Paris, Rouen, Versailles

Voir : Nouveau brevet, deuxième année


Cyrano se confie à son ami Le Bret.

Cyrano, changeant de ton et gravement -
J'aime.

Le Bret - Et peut-on savoir ? Tu ne m'as jamais dit ? ...

Cyrano - Qui j'aime ? ... Réfléchis, voyons. Il m'interdit
Le rêve d'être aimé même par une laide,
Ce nez qui d'un quart d'heure en tous lieux me précède ;
Alors, moi, j'aime qui ? ... Mais cela va de soi !
J'aime - mais c'est forcé ! - la plus belle qui soit !

Le Bret - La plus belle ? ...

Cyrano - Tout simplement, qui soit au monde !
La plus brillante, la plus fine.
Avec accablement.
La plus blonde !

Le Bret - Eh ! mon Dieu, quelle est donc cette femme ? ...

Cyrano - Un danger
Mortel sans le vouloir, exquis sans y songer,
Un piège de nature, une rose muscade(1)
Dans laquelle l'amour se tient en embuscade !
Qui connaît son sourire a connu le parfait.
Elle fait de la grâce avec rien, elle fait
Tenir tout le divin dans un geste quelconque,
Et tu ne saurais pas, Vénus, monter en conque(2),
Ni toi, Diane, marcher dans les grands bols fleuris,
Comme elle monte en chaise(3) et marche dans Paris !

Le Bret - Sapristi ! je comprends. C'est clair !

Cyrano - C'est diaphane(4).

Le Bret - Magdeleine Robin, ta cousine ?

Cyrano - Oui. - Roxane(5).

Le Bret - Eh bien ! mais c'est au mieux ! Tu l'aimes ? Dis-le-lui !
Tu t'es couvert de gloire à ses yeux aujourd'hui !

Cyrano - Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance
Pourrait bien me laisser cette protubérance !
Oh ! je ne me fais pas d'illusion ! - Parbleu,
Oui, quelquefois, je m'attendris, dans le soir bleu ;
J'entre en quelque jardin où l'heure se parfume ;
Avec mon pauvre grand diable de nez je hume
L'avril, - je suis des yeux, sous un rayon d'argent,
Au bras d'un cavalier, quelque femme, en songeant
Que pour marcher, à petits pas, dans la lune,
Aussi moi j'aimerais au bras en avoir une,
Je m'exalte, j'oublie... et j'aperçois soudain
L'ombre de mon profil sur le mur du jardin !

Le Bret, ému -
Mon ami !

Cyrano - Mon ami, j'ai de mauvaises heures !
De me sentir si laid, parfois, tout seul...

Le Bret, vivement, lui prenant la main -
Tu pleures ?

Cyrano - Ah ! non, cela, jamais ! Non, ce serait trop laid,
Si le long de ce nez une larme coulait !

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac (I, 5)

(1) rose muscade - variété de rose rouge.
(2) conque (n.f.) - grande coquille concave, qui sert traditionnellement de véhicule à Vénus.
(3) chaise - chaise à porteur, véhicule utilisé par les nobles au XVIIe siècle.
(4) diaphane - qui laisse passer à travers soi les rayons lumineux, transparent.
(5) Roxane - l'autre prénom donné à Magdeleine Robin ; Il s'agit de la même personne, aimée par Cyrano.


QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS

A - LE GENRE THEATRAL (3,5 points)

1) Comment appelle-t-on les expressions qui sont en italique ?
(0,5 point)
A qui sont-elles destinées ? A quoi servent-elles ?
(1 point)

2) Trouvez deux autres indices qui permettent d'affirmer que ce texte appartient au genre théâtral.
(0,5 x 2) (1point)

3) Quel est le personnage principal de ce passage ? Donnez deux raisons de votre choix.
(1 point)

B - UNE FEMME ADOREE (5,5 points)

1) a. Relevez, dans les vers 6 à 8, les expressions qui caractérisent la personne aimée par Cyrano.
(0,25 x 4) (1 point)
b. Quels sont, dans ces mêmes vers, les deux procédés d'écriture employés pour valoriser la femme adorée ?
(0,5 x 2) (1point)

2) Cyrano dit de la femme qu'il aime qu'elle est "un danger mortel, (...) exquis" (vers 9 et 10).
a. Trouvez un synonyme pour chaque mot souligné, puis dites quel est le rapport de sens entre ces deux adjectifs.
(1 point)
b. Comment Cyrano présente-t-il, dans ces deux vers, l'amour que lui inspire cette femme ?
(0,5 point)
c. Relevez, dans les vers suivants (vers 11 à 15), une autre expression qui exprime cette même idée de l'amour.
(0,5 point)

3) Dans les vers 16 et 17 :
a. A qui cette femme est-elle comparée ?
(0,5 point)
b. Qui sont ces 2 personnages ?
(0,5 point)
c. Que pensez-vous de cette comparaison ?
(0,5 point)

C - LAIDEUR ET SOLITUDE (6 points)

1) "Ce nez qui d'un quart d'heure en tous lieux me précède" (vers 4)
a. Donnez la nature du mot "Ce". Par quel mot d'une autre nature peut-on le remplacer ?
(0,5 point)
b. Quelle est la figure de style utilisée pour décrire le nez ?
(0,5 point)
c. Relevez dans le texte quatre autres expressions qui se rapportent au nez.
(1 point)
d. Pourquoi ce nez rend-t-il Cyrano malheureux ?
(0,5 point)

2) a. Dans le texte, quels sont les différents signes de ponctuation qui expriment l'émotion de Cyrano.
(0,5 point)
b. Dans les vers 24 à 34, quel est le temps principalement utilisé ? Quelle est sa valeur ?
(0,5 point)

3) a. Dans les vers 35 à 38, quels sentiments Le Bret éprouve-t-il en écoutant Cyrano ?
(1 point)
b. Si vous étiez metteur en scène, quelles indications donneriez-vous au comédien qui joue le rôle de Cyrano pour interpréter les vers 35 à 38 ?
(1,5 point)


 

RÉÉCRITURE ET DICTÉE : 10 POINTS

Réécriture : 4 points

Réécrire le texte des vers 26 à 34 (de "Oui, quelquefois," jusqu'à "le mur du jardin !") en mettant tous les verbes à l'imparfait et en remplaçant je par nous.
(au vers 32, vous remplacerez "moi j'aimerais" par "nous nous aimerions").

Dictée : 6 points

      Dès qu'un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver, et il n'y a point de mystère là-dedans. Le bonheur n'est pas comme cet objet en vitrine, que vous pouvez choisir, payer, emporter ; si vous l'avez bien regardé, il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la vitrine. Tandis que le bonheur n'est bonheur que quand vous le tenez ; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais rien n'aura l'aspect du bonheur. En somme on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur ; il faut l'avoir maintenant. Quand il paraît être dans l'avenir, songez-y bien, c'est que vous l'avez déjà. Espérer, c'est être heureux.

Alain, Propos, 18 mars 1911

RÉDACTION : 15 POINTS

Sujet :

Le Bret, cherchant à aider son ami, écrit à Roxane pour lui raconter cette scène. Il lui explique à cette occasion pourquoi Cyrano ne veut pas se déclarer à elle et prend la défense de son ami.

Consignes d'écriture

- Votre texte devra respecter les caractéristiques de rédaction et de présentation d'une lettre.
- Vous respecterez la situation de la scène étudiée ainsi que les informations données sur les personnages.
- Votre texte comprendra obligatoirement une partie narrative, une partie explicative et une partie argumentative.




Académies de Besançon, Dijon, Grenoble, Lyon, Nancy-Metz, Reims, Strasbourg

Voir : Merdre, si l'école n'apprend plus à écrire...


    Heureusement il y a le fils de Madame Truchi. Il habite de l'autre côté de la rue, au-dessus de la boulangerie de ses parents. Il a dix-sept ans, mais il paraît beaucoup moins. Quand je suis venue habiter ici, il a commencé à m'envoyer des lettres. Il ne les mettait pas dans la boîte aux lettres, mais il les laissait devant la porte, quand il savait que j'allais sortir. Sur l'enveloppe, il mettait mon nom : Mademoiselle Zayane. Lui s'appelle Lucien. Il ne va plus au lycée, il travaille dans la boulangerie. Il a déjà la peau très blanche, comme s'il avait transporté de la farine.
    J'aime beaucoup sa grand-mère. C'est une vieille dame italienne avec des cheveux teints en noir coiffés en bandeaux. Elle est habillée de noir, avec un col de dentelle et un petit tablier. Avec ses cheveux en bandeaux(1) et son visage ovale, elle a l'air de venir d'un autre siècle, ou d'un tableau. Elle est toujours douce et souriante. Au début, quand je suis venue habiter à la Loge, j'allais acheter le pain chez elle en rentrant du lycée. Elle me disait : "Signorina". Quand j'étais malade, elle me demandait de mes nouvelles : "Comment va la Signorina ?"
    Lucien m'envoyait des lettres chaque jour, je trouvais ça drôle. Il n'osait pas me parler. Il écrivait des choses bizarres, des poèmes, avec des rimes, il disait que j'avais l'air de venir d'une autre planète, que j'étais du pays d'ailleurs, il disait qu'il voulait apprendre ce que je savais d'un autre monde... Il mettait des points de suspension partout. C'était un peu difficile à comprendre. Quelquefois, quand j'entrais dans la boulangerie, je le voyais au fond du magasin, en short et en chemisette à cause de la chaleur du four.
    Un jour, il m'a parlé, il m'a prêté son vélomoteur. C'était un Bébé Peugeot tout ce qu'il y avait de vieux, le modèle avec les carters arrondis, qu'il avait repeint en orange. Il m'a dit : "Si tu veux, je te le donne." Je n'étais jamais allée à vélomoteur. Il m'a montré comment on faisait, avec la poignée pour changer de vitesse.
    Je me souviens, la première fois que je suis sortie avec le Bébé Peugeot, j'ai fait le tour de la vieille ville, puis j'ai roulé sur le trottoir le long de la mer. C'etait une journée d'hiver, grise et froide. Il n'y avait personne d'autre que les mouettes qui roulaient sur les galets. J'ai roulé à toute vitesse, au milieu des voitures arrêtées. C'était magnifique, jamais je n'avais ressenti cela auparavant. J'étais libre, je pouvais aller ou je voulais, jusqu'au bout de la ville, dans les collines, jusqu'aux quartiers inconnus.

J.M.G.Le Clézio, Printemps et autres saisons, Gallimard 1989, pp. 35-36.

(1) Bandeaux : cheveux qui serrent le front, les tempes, dans une coiffure féminine à cheveux longs.


QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS

I - LE SOUVENIR (6 points)

1. Précisez l'identité du narrateur en vous aidant d'indices relevés dans le premier paragraphe. (1 point)

2. Donnez un titre à chaque paragraphe. Quelle progression remarquez-vous ? (2 points)

3. a) "Lucien m'envoyait des lettres chaque jour".
Identifiez le temps verbal utilisé et justifiez son emploi. (1 point)
b) "Un jour, il m' a parlé, il m'a prêté son vélomoteur".
Identifiez le temps verbal utilisé et proposez un autre temps de substitution. (1point)

4. Quelle est la valeur du présent de l'indicatif dans le dernier paragraphe ? (1 point)

II - LA DESCRIPTION (4 points)

1. Relevez dans le premier paragraphe tout ce que nous apprenons sur le personnage de Lucien. (1 point)

2. Justifiez l'emploi du mot "tableau" dans le deuxième paragraphe en vous appuyant sur des citations tirées du texte. (1 point)

3. Expliquez en vous appuyant sur le texte, les différences d'organisation entre le portrait de Lucien et celui de sa grand-mère. (1 point)

4 . "nouvelles" :
a) Expliquez le sens de ce nom dans le texte.
b) Inventez une phrase où il sera utilisé avec un autre sens. (1 point)

III - LES DEUX JEUNES GENS (5 points)

1 . Précisez en vous référant au texte, les différentes façons utilisées par Lucien pour communiquer avec la jeune fille. (1 point)

2 . "Lucien m'envoyait des lettres chaque jour, je trouvais ça drôle".
Remplacez "ça" par deux substituts possibles. (1 point)

3 . En vous appuyant sur le lexique, sur la syntaxe et sur la ponctuation, expliquez comment la jeune fille perçoit le contenu des lettres envoyées par Lucien. (2 points)

4 . Transformez au style direct : Il disait qu'il voulait apprendre ce que je savais d'un autre monde. (1 point)



RÉÉCRITURE ET DICTÉE : 10 POINTS

Réécriture : 4 points

"La première fois que je suis sortie avec le Bébé Peugeot, j'ai fait le tour de la vieille ville, puis j'ai roulé sur le trottoir le long de la mer."

a) En gardant le même temps, réécrivez cette phrase à la première personne du pluriel.
b) En gardant la même personne, réécrivez cette phrase au passé simple.

Dictée : 6 points

Remarque : la narratrice est une jeune fille.

    Ce que j'aimais le plus, c'était voir le soleil se coucher à l'ouest, sur les collines qui deviennent comme des nuages bleus. La maison de ma mère est un appartement au sixième étage, sous les toits, sans vue et presque sans soleil. Il y a deux petites fenêtres basses, fermées par des grillages à cause des rats. Je me souviens ce que j'ai ressenti quand je suis entrée dans cet appartement pour la première fois. Non pas pour passer, comme quand on va voir une pauvresse, mais pour y vivre, pour y rester des mois, des années. Un désespoir comme jamais je n'avais imaginé, un trou noir, je tombais en arrière sans espoir de pouvoir remonter.
    C'était le plein hiver, il pleuvait, la nuit tombait tôt. La nuit semblait monter de tous les soupiraux, des portes des maisons pour envahir les ruelles de la vieille ville.

J.M.G. Le Clézio, Printemps et autres saisons, Gallimard, 1989.

RÉDACTION : 15 POINTS

Sujet :

Vous raconterez à la première personne la suite de cette première sortie en vélomoteur de la jeune fille.
Vous alternerez passages narratifs, passages descriptifs et évoquerez les sensations éprouvées par la jeune fille en conduisant.

Vous terminerez votre rédaction par un dialogue avec Lucien au moment où elle lui rend le Bébé Peugeot.
Vous insisterez sur les réactions de Lucien.

Il sera tenu compte dans l'évaluation, de la présentation, de la correction de la langue et de l'orthographe.




Académies de Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Limoges, Nantes, Orléans-Tours, Poitiers, Rennes

Voir : Brevet 2002, Bordeaux : analyse critique


En regardant des photographies, Anny Duperey cherche à retrouver les souvenirs de sa petite enfance perdus à la suite d'un grave choc émotionnel.

Les maillots qui grattent

    Oh ! Une réminiscence ! Un vague, très vague souvenir d'une sensation d'enfance : les maillots tricotés main qui grattent partout lorsqu'ils sont mouillés... Ce n'est pas le plus agréable des souvenirs mais qu'importe, c'en est au moins un.
    Et je suis frappée de constater encore une fois, en regardant sur ces photos les vêtements que nous portons ma mère et moi, que tout, absolument tout, à part nos chaussures et les chapeaux de paille, était fait à la maison. Jusqu'aux maillots de bain.
    Que d'attention, que d'heures de travail pour me vêtir ainsi de la tête aux pieds. Que d'amour dans les mains qui prenaient mes mesures, tricotaient sans relâche. Est-ce pour me consoler d'avoir perdu tout cela, pour me rassurer que je passai des années à fabriquer mes propres vêtements, plus tard ?

    Et puis qu'importe ces histoires de vêtements, de maniaquerie couturière, et qu'importe cette si vague réminiscence des maillots qui grattent, si fugitive que déjà je doute de l'avoir retrouvée un instant... Ce qui me fascine sur cette photo, m'émeut aux larmes, c'est la main de mon père sur ma jambe. La manière si tendre dont elle entoure mon genou, légère mais prête à parer toute chute, et ma petite main à moi abandonnée sur son cou. Ces deux mains, l'une qui soutient et l'autre qui se repose sur lui.
    Après la photo il a dû resserrer son étreinte, m'amener à plier les genoux, j'ai dû me laisser aller contre lui, confiante, et il a dû me faire descendre du bateau en disant "hop là !", comme le font tous les pères en emportant leur enfant dans leurs bras pour sauter un obstacle.
    Nous avons dû gaiement rejoindre ma mère qui rangeait l'appareil photo et marcher tous les trois sur la plage. J'ai dû vivre cela, oui...
    La photo me dit qu'il faisait beau, qu'il y avait du vent dans mes cheveux, que la lumière de la côte normande devait être magnifique ce jour-là.
    Et entre mes deux parents à moi, si naturellement et si complètement à moi pour quelque temps encore, j'ai dû me plaindre des coquillages qui piquent les pieds, comme le font tous les enfants ignorants de leurs richesses.

Anny Duperey, Le voile noir.


QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS

I - L'IRRUPTION DU SOUVENIR (4 POINTS)

1. a. Dans les lignes [Oh! Une réminiscence...] à [...sont mouillés...], relevez les différents signes de ponctuation. (0,5 point)
b. Que constatez-vous dans le rythme de ces phrases ? (1 point)
c. Quel effet l'auteur cherche-t-il à produire ? (1 point)

2. a. De [Oh! Réminiscence...] à [...c'en est au moins un.], relevez deux termes appartenant au champ lexical de la mémoire. (1 point)
b. Quelle différence de sens faites-vous entre eux ? (1 point)

II - LE RÔLE DE LA PHOTOGRAPHIE (3 POINTS)

3. a. A partir de [et qu'importe ...], par quel détail de la photographie le regard d'Anny Duperey est-il arrêté ? (0,5 point)
b. Relevez un procédé mettant en valeur ce détail. (0,5 point)
c. Pourquoi Anny Duperey est-elle émue "aux larmes" ? Justifiez votre réponse à l'aide de citations. (1 point)

4. Quelle est la représentation du père qui se dégage de la scène décrite ? (1 point)

III - LA RECOMPOSITION DU PASSÉ (8 POINTS)

5. De [Et puis...] à [... de leurs richesses.], le verbe "devoir" est employé à plusieurs reprises.
a. Relevez deux expressions où on le rencontre à deux temps différents que vous nommerez. (1 point)
b. Réécrivez les deux expressions relevées en supprimant "devoir" et en opérant les transformations grammaticales nécessaires. (1 point)
c. Quelle modification de sens cela entraîne-t-il ? (1 point)

6. "Ce qui me fascine..."
"... comme le font tous les enfants..."
a. Quelles sont les valeurs respectives du présent dans ces deux expressions ? (1 point)
b. Quels sont les temps verbaux utilisés pour évoquer le passé ? (1 point)
c. Pourquoi sont-ils employés en complément du présent ? (1 point)

7. Que veut nous faire comprendre Anny Duperey à travers le titre de ce chapitre "Les maillots qui grattent" ? (1 point)

8. En vous appuyant sur vos réponses précédentes dites à quel genre littéraire appartient ce texte. (1 point)



RÉÉCRITURE ET DICTÉE : 10 POINTS

Réécriture : 4 points

Réécrivez de "Et je suis frappée" ... à "de la tête aux pieds" en remplaçant "je" par "les deux sœurs" et le présent par l'imparfait.
Les fautes de copie seront pénalisées.

Dictée : 6 points

      Je me mets au travail avec l'ardent désir de réaliser un bon devoir. Je décris mon attente près du poste de garde, la lumière d'automne sur la ville, la pâtisserie, le petit chemin, la maison, la colline, le silence, parle de mon admiration pour le chef, de sa femme et de leur petite fille, du plaisir que j'ai eu à manger à ma faim. Ensuite, aux heures que je vis à la caserne, parfois si grises, si lourdes, si lentes à s'écouler, j'oppose celles que j'ai connues au cours de cet après-midi, mais qui ont passé si vite que je n'ai pu les savourer. Et je termine en essayant de recréer l'émotion qui m'a étreint à cet instant où nous étions tous quatre sur la terrasse.

Charles Juliet,L'année de l'éveil, J'ai lu, 1988.

RÉDACTION : 15 POINTS

Sujet :

Anny Duperey regarde d'autres photographies de son enfance. Elle évoque ses réactions et ses pensées dans un autre chapitre de son récit.

Votre devoir contiendra des éléments narratifs, des éléments descriptifs ainsi qu'une analyse des sentiments et des sensations de l'auteur.
Vous respecterez la situation d'énonciation.

Il sera tenu compte, dans l'évaluation, de la correction de la langue et de l'orthographe.