Quelques réflexions sur l’enseignement littéraire.

Communication de Tzvetan Todorov : résumé. Université d'été 2007.


On peut partir d’une impression de dégradation de l’enseignement littéraire, et plus spécifiquement de la filière littéraire au lycée – impression largement répandue dans le public, même si elle s’avère parfois injuste. Plutôt qu’au « vouloir nuire » du ministère de l’Education, on l’attribuera à l’évolution globale de la société et à la difficulté de l’institution d’y réagir avec plus d’à propos. Pour ce qui est de la manière d’enseigner, il faut condamner le technicisme excessif, qui fait des méthodes et du vocabulaire d’analyse le but même de l’enseignement, alors que ceux-ci devraient se cantonner au rôle de moyens. Le but, lui, est constitué par le sens des textes, à travers lequel sont soulevées des questions essentielles concernant la structure du moi, la place de l’homme dans le monde, les relations des hommes entre eux ; la littérature est la première « science humaine ». D’où la nécessité d’établir des relations bien plus étroites avec les autres disciplines humanitaires, histoire et philosophie. Quant au choix des textes à enseigner, on ne bannira pas par principe tout écrit non-littéraire (catégorie historiquement mouvante), les frontières restant poreuses entre littérature et essai, mémoires, textes historiques. Dès l’instant où l’on abandonne une perspective strictement patrimoniale ou identitaire, les œuvres originellement écrites dans d’autres langues devraient occuper une place plus grande. Enfin, on choisira pour commencer des textes relativement accessibles aux élèves mais le but ultime reste de faire profiter ces derniers des plus riches œuvres de l’histoire de l’humanité. Il est en revanche inutile d’imposer des restrictions de « méthode », c’est-à-dire d’angle d’approche.


Tzvetan Todorov
9 septembre 2007