"Les élèves ont les droits des adultes"


Ouest-France du 16/11/2005


TROIS QUESTIONS à ...
Pierre Merle, professeur et sociologue à Ouest- france

" Les élèves ont les droits des adultes "

Pierre Merle est sociologue. Il enseigne à l'I.U.F.M. de Bretagne. Il a notamment publié l'évaluation des élèves ( 1996), sociologie de l'évaluation scolaire et la démocratisation de l'enseignement (2002). Il sera l'invité de La Jeune Chambre Economique, ce mercredi, à l'espace Ouest-france. Thème de la soirée : "L'élève humilié".

On ose encore humilier les élèves de nos jours ? Comment est-ce possible ?

Les raisons sont multiples. L'école est une source de déception pour les élèves quand leurs résultats ne sont pas à la hauteur. Leur bonne volonté initiale peut se transformer en hostilité. Les pratiques humiliantes des maîtres sont parfois des réponses inadaptées à des propos agressifs. L'humiliation des élèves a aussi sa source dans la valorisation des meilleurs au détriment des plus faibles qui sont les plus humiliés en classe. La faiblesse scolaire est souvent considérée comme un défaut et il est plus facile pour l'enseignant d'humilier les élèves faibles que de s'interroger sur sa pédagogie.

Vous évoquez la question des droits des élèves. Quels sont ceux dont peuvent se prévaloir ces jeunes citoyens au sein de l'institution scolaire ?

Les lycéens disposent du droit d'expression individuelle et des droits d'expression collective : droits d'association, de réunion, de publication. Ces droits sont souvent mal connus par les élèves et ne sont pas toujours bien respectés dans les établissements scolaires. Leur mise en oeuvre est parfois délicate. Par exemple, le droit d'expression individuelle concerne la liberté vestimentaire. Sauf trouble manifeste de l'ordre scolaire, les interdictions dans ce domaine, par exemple les débardeurs, ne sont pas fondées. En terme de décence, les élèves ont les libertés des adultes. Pas plus, pas moins.

Peut-on rapprocher le contexte scolaire et les événements violents que connaissent certaines de nos villes depuis quelques jours ?

Chacun a été surpris de constater que des adolescents " cassent " des écoles. C'est pourtant compréhensible. On leur a longtemps répété " sans diplôme, il n'y a pas d'avenir " et, dans le même temps, trop d'enseignants leur ont dit qu'ils n'y arriveront pas, qu'ils étaient " trop faibles " voire "nuls ". Ces jeunes ont du ressentiment envers l'école : ils ont espéré un avenir qu'ils n'ont pas. Ceci dit, le problème des banlieues dépasse très largement celui de l'école : si ces adolescents avaient un emploi, n'étaient pas considérés comme de la racaille ou des sauvageons, tout irait déjà mieux.

Recueilli par Edouard Maret