Les grammaires de la liberté. Pour le droit à la langue.


Colloque organisé à la Bibliothèque Nationale de France,

le 9 avril 2005, de 14h30 à 18h30,

par L’Observatoire des études classiques en Europe

(Maison des Sciences de l’Homme, Paris).

Responsables : Heinz Wismann, Pierre Judet de La Combe

(E.H.E.S.S., Centre de Recherches Interdisciplinaires sur l’Allemagne).

 

Le Colloque prolongera la réflexion sur la question de la politique des langues en Europe que nous avons menée dans le cadre de la Mission sur l’enseignement des langues et des cultures de l’Antiquité, lancée en octobre 2001 lors d’un Colloque international à la Sorbonne par le Ministre de l’Education Nationale, Jack Lang. Reconduite par son successeur, Luc Ferry, cette Mission a débouché, fin 2004, sur la publication d’un livre programmatique, L’Avenir des langues. Repenser les Humanités, aux Editions du Cerf.

Il rassemblera des représentants de professions qui sont toutes confrontées aux problèmes que pose la diversité des langues et des usages linguistiques dans les sociétés européennes : professeurs, chercheurs, représentants de l’Administration de l’enseignement et de la recherche, journalistes, juristes, politiques, économistes, artistes, diplomates, responsables européens.

Le but est d’aider à l’élaboration d’une politique européenne des langues qui ne se contente pas de promouvoir l’apprentissage généralisé des langues internationales de service et des codes fonctionnels liés aux savoirs spécialisés, mais qui permette aux individus de se former par la maîtrise des langues historiques de culture.

Se donnant comme point de départ la vocation libératrice de l’Ecole par rapport à toute forme d’appartenance immédiate ou subie, notre réflexion commune devrait servir à définir la place que pourrait prendre dans les systèmes d’éducation en Europe l’apprentissage des langues historiques comme condition d’un exercice réel des libertés fondamentales et d’un accès maîtrisé à la complexité des sociétés contemporaines.

La discussion se déroulera autour de trois thèmes :

1. Science et langage

Les sciences de la nature et, à des degrés divers, les sciences humaines et sociales, requièrent une formalisation du langage. Celle-ci suscite des phénomènes de blocage, d’incompréhension au sein des sociétés, qui se développent pourtant grâce à ces sciences. Cette formalisation sera interrogée selon deux perspectives complémentaires :

– quant à sa réalisation progressive, comme relation complexe et inventive entre langues formelles et langues naturelles ;

– quant à la nécessité d’une retraduction des problématiques savantes en langage commun, de manière que soit garantie la possibilité d’une réflexion collective et informée sur le sens de l’activité scientifique.

2. Politique des langues

La pluralité des langues en Europe et dans le monde, ainsi que la coupure entre les langages experts des sciences et les différentes langues naturelles créent des difficultés quotidiennes dans le dialogue entre les sociétés civiles, qui sont en elles-mêmes déjà multiculturelles, et au sein des institutions politiques internationales.

L’analyse de ces difficultés conduira à discuter des orientations vraiment souhaitables pour la politique éducative des Etats. Le but de l’Ecole est-il d’adapter les individus aux besoins d’une communication rapide, efficace et élargie, ou n’est-il pas de les armer linguistiquement, afin qu’ils soient capables de formuler leurs points de vue et leurs aspirations, et de déchiffrer les propositions issues d’autres milieux culturels et linguistiques ?

3. Culture de la langue

Le phénomène d’une " dégrammaticalisation " des individus, c’est-à-dire d’une déficience quant à la possibilité d’articuler, par la langue, une relation authentique et maîtrisée avec la réalité sociale ou personnelle, est actuellement souvent constaté. Pour être analysé, il requiert que soit redéfini le rapport que la langue, prise dans ses dimensions culturelles, institue entre la tradition, avec les ressources de sens qu’elle offre, et l’innovation et la création individuelles. Plusieurs relations, potentiellement innovantes, avec le passé pourront être évoquées :

– dans les cultures caractérisées par la présence d’une idiome " savant ", ancien, comme l’arabe classique ou la " langue pure " en Grèce, ou encore l’hébreu, coexistant avec des usages plus modernes ;

– dans les multiples formes de réappropriations de la tradition par la culture contemporaine, en littérature, théâtre, etc. Ces expériences posent de manière particulièrement frappante la question du lien entre langage et individualité.

03/2005