Communiqué de presse du 27 janvier 2009

Maîtrise de la langue en seconde : la dégringolade prévisible se poursuit !

Selon le test de rentrée effectué en septembre 2008 par Sauver les lettres sur 1348 élèves de seconde, ce sont désormais près de deux jeunes lycéens sur trois qui ne maîtrisent pas l’orthographe de base, et plus de huit sur dix qui ne maîtrisent pas l’analyse logique des phrases. Ils sont encore plus nombreux qu’en 2004, lors du précédent test.

Sauver les lettres publie les résultats de sa troisième évaluation du niveau d’orthographe et de grammaire à l’entrée en classe de seconde.

Comme en 2000 et en 2004, des professeurs de lycée de grandes villes et de villes moyennes, à Paris, en banlieue et en province, ont fait passer à leurs élèves de seconde, en septembre 2008, l’épreuve de français du brevet des collèges de 1976 : une dictée d’une douzaine de lignes, de difficulté moyenne, à laquelle a été appliqué le barème de l’époque ; assortie de questions de vocabulaire et de grammaire vérifiant les connaissances censées être acquises au collège. L’ensemble figure ici : http://www.sauv.net/test2008.php.

Les résultats confirment la dégradation de la maîtrise de la langue des jeunes lycéens : 58 % des élèves testés ont obtenu zéro ; à peine 14 % ont la moyenne ! Sur un texte simple, près d’un élève sur deux (48,44%) a fait plus de quinze fautes, près d’un élève sur trois (28,85%) a fait plus de vingt fautes et 8,5% des élèves ont fait plus de trente fautes.

La majorité écrasante de ces fautes concernent les accords et la conjugaison, et témoignent d’une ignorance abyssale du fonctionnement logique de la langue, ce que confirment les réponses aux questions de grammaire. Après huit années de scolarité, un élève sur deux ne reconnaît pas un complément d’objet direct, et plus de huit sur dix ne repèrent pas un sujet inversé ; près de 44% se révèlent même incapables de transposer une phrase du singulier au pluriel !

Résultats détaillés consultables ici : http://www.sauv.net/eval2008analyse.php.

La mesure du désastre est prise. Si la chute du niveau n’est pas aussi spectaculaire qu’entre 2000 et 2004, c’est qu’on ne saurait sans doute tomber beaucoup plus bas. Il serait stupide d’utiliser ce constat d’échec pour justifier la casse d’une école publique qui ne fonctionnerait plus – ce que préparent aujourd’hui MM.Sarkozy et Darcos. Au contraire, ce test en dissuade, car il mesure les effets catastrophiques des casses antérieures : diminution des contenus en primaire et au collège, baisse continue des horaires de collège, création de lacunes chez des élèves à qui on ne laisse plus le temps de comprendre, de pratiquer et d’assimiler. Il est temps d’inverser le mouvement au lieu de l’amplifier par des économies à terme ruineuses. Loin des préoccupations libérales de l’OCDE, qui donne le mode d’emploi de la destruction de l’école (" Si l'on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse […]. Les familles réagiront violemment à un refus d'inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l'enseignement [1]") et inspire les contre-réformes actuelles, trompeuses (le saupoudrage d’ " aides " diverses au lieu d’enseignement) ou destructrices (la diminution des postes d’enseignants et des heures de cours), des mesures radicales doivent être prises.

Il s’agit d’œuvrer à reconstruire un enseignement systématique et rigoureux de la langue française à l’école, apprentissage crucial qui conditionne tous les autres et qui ne doit plus être indéfiniment repoussé, dilué au cours de la scolarité – encore moins confié aux officines de cours privés, et autres " coaches " en orthographe qui fleurissent aujourd’hui dans les entreprises.

L’association Sauver les lettres réclame donc :
- un rétablissement des horaires de français d’avant 1976 (voir le détail ici : http://www.sauv.net/horaires.php) ;
- une véritable formation, solide et unifiée, des instituteurs et des professeurs de français à la grammaire ; or, la réforme annoncée des concours de recrutement prévoit de juger les candidats davantage sur leur conformité idéologique ou pédagogique à un modèle figé que sur leurs compétences dans leur discipline (cf http://www.sauv.net/fx081215.php ) ;
- des programmes consistants, cohérents et progressifs : au niveau primaire, une étude systématique des éléments de la conjugaison et de la phrase (aujourd’hui, le subjonctif, par exemple, ne figure plus au programme) ; au collège, un programme qui pourrait s’inspirer du projet rédigé par l’association Sauver les lettres et l’association Dictame (
http://www.sauv.net/projetprogcollege.php ) ;
- une vérification sérieuse de la maîtrise de la langue dans les examens (brevet des collèges et baccalauréat), qui éviterait sans doute l’échec massif à l’université et la mise en place de " béquilles " trop tardives dans le monde professionnel (tutorat, stages de français…).

Si de telles mesures tardent à être prises, c’est l’avenir des jeunes qui est durablement compromis : non seulement leur avenir professionnel – les problèmes de langue sont un obstacle majeur à la promotion sociale -, mais aussi leur devenir d’hommes. La maîtrise de la langue est en effet le premier instrument de l’exercice de la pensée critique et du développement de la conscience de soi.

Collectif Sauver les lettres

[1] Christian Morrisson, La Faisabilité politique de l'ajustement, Centre de développement de l'OCDE, Cahier de politique économique n°13, OCDE 1996.