Comment l'université doit reconquérir les étudiants

Entretien de Luc Ferry avec Marielle Court et Alexis Brézet
Le Figaro du 7 octobre 2002
Extraits


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Vous faites de l’amélioration de la réussite en Deug l’une de vos priorités. Concrètement, quelles mesures préconisez-vous ?

Il existe une grande injustice entre les étudiants qui entrent dans les classes préparatoires et ceux qui choisissent l’université. Dans toutes les filières d’excellence, les jeunes bénéficient d’enseignements de culture générale adaptés à leur voie de formation. Ce n’est pas le cas à l’université où la formation est immédiatement très spécialisée, ce qui pénalise les étudiants lors des concours ultérieurs.

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Malgré les efforts entrepris par certaines universités, les étudiants continuent-ils de bouder les sciences ?

La crise des vocations scientifiques reste un très gros problème. La chute des inscriptions se poursuit dans les universités. Cette année, il y aura 7% d’étudiants en moins. C’est un problème qui apparaît dès le primaire, qui se poursuit au lycée et que l’université, seule, ne pourra résoudre.

Quelles explications sonnez-vous à cette désertion ?

L’une des causes est sans aucun doute l’image de la science, qui s’est renversée. Ce qui au XVIIIème siècle devait permettre de résoudre tous les maux est aujourd’hui considéré comme la cause même de ces maux .

Dans le système scolaire, ce désamour est le fruit d’une politique menée depuis les années 60 : celle qui consiste à promouvoir l’épanouissement des élèves, à favoriser l’expression de soi. Or, bien souvent, les matières scientifiques ne se discutent pas. Il y a une logique d’acquisition des savoirs qui nécessitent plus de " par cœur " que de créativité.

Il faut, dès l’école, rééquilibrer dans l’enseignement des sciences, d’un côté les aspects spontanéistes portés par des programmes tels que la main à la pâte qui s’appuient sur l’expérimentation, de l’autre les cours magistraux. Il ne s’agit pas de retomber dans le tout disciplinaire, mais il faut moins privilégier la logique d’éveil qui prévaut depuis les années 70.

La voie scientifique donne l’occasion de trouver des passions d’adulte. Mais le ticket d’entrée ? C’est le travail.

(Morceaux choisis par AJ)