La fabrique du crétin

La Lettre de l’Etudiant, n°783-784, 12 septembre 2005, p.3.


Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli* nous livre en cette rentrée un coup de gueule réussi sur la faillite de l’éducation nationale. L’auteur accuse en premier lieu " les plus naïfs des libertaires de l’après-68, bien décidés d’en finir avec l’école de papa ". Il fustige ainsi les " néo-pédagogues qui ont répudié le savoir, et mis en lieu et place la didactique, cette science de la pédagogie qui a été substituée à l’art d’apprendre et à l’apprentissage réel ".

Sa critique sur l’enseignement du français en première et sur la baisse du niveau des manuels scolaires sont particulièrement bien vus, l’auteur connaissant bien son sujet. Mais les soixante-huitards ne sont pas les seuls à en prendre pour leur grade. En homme de gauche, il s’attaque aussi au néolibéralisme, coupable d’avoir voulu formater des élèves dociles. Même Science po n’est pas épargné. L’ouverture sans concours à des élèves de ZEP méritants est qualifiée de " splendide exercice de charité chrétienne " et de " mépris général ".

Jean Paul Brighelli fustige également la promotion d’un double système en Europe : élitiste pour une poignée, offrant un désert culturel pour les autres, livrés aux mains du privé, via la formation tout au long de la vie. Bref on l’aura compris, ce membre du collectif " Sauver les lettres " souhaite ardemment que " l’école rejoue à plein son rôle formateur et sélecteur ". Le thème ultra-rebattu de la faillite de l’école est rarement abordé frontalement par un homme laïque et de gauche, aussi impliqué dans l’édition scolaire et l’enseignement. Ce qui rend du coup l’ouvrage assez percutant.

* Professeur en classes prépas scientifiques à Montpellier et auteur de nombreux ouvrages scolaires et parascolaires.

" La fabrique du crétin, la mort programmée de l’école ", par Jean-Paul Brighelli, 16,90 €, chez Jean-Claude Gawsewitch éditeur.