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Etat des lieux au 07/06/00

Compte rendu de la réunion d'information sur les nouveaux programmes de seconde et les Tpe.
(Paris, lycée La Fontaine, le mercredi 7 juin)
Réunion animée par J.-P. Laffitte, IA-IPR, R. Sénéchal, IA Paris, M.-F. Desvaux, IPR.

Reçu de Françoise et Eliane le 12/06/00 :


Ouverture de la séance par R. Sénéchal.

Il signale que les tensions entre enseignants diminuent, que le débat entre assassins et sauveurs de la littérature a disparu et, quoique les tensions demeurent, elles pourraient se révéler fécondes. Les textes sont là pour les programmes de 2nde (B. O. du 12 août 1999). (Remous dans la salle.)

Il rappelle que les programmes de 2nde sont maintenus dans les grandes lignes et que "le politique décide, les fonctionnaires exécutent". Le ministre a clairement affirmé l'importance de l'enseignement littéraire (y compris latin et grec) et sa confiance dans la capacité d'innovation, d'imagination des professeurs.

R. Sénéchal souligne que les perspectives sont ouvertes, il insiste sur la liberté de chacun et souligne que le discours qui va être soutenu n'est pas dogmatique ni injonctif.

Les professeurs expérimentateurs des nouveaux programmes de 2nde présenteront leurs travaux, puis les professeurs expérimentateurs des Tpe.


Expérimentation des programmes en classe de 2nde.

Deux collègues du lycée Ravel présentent une séquence portant sur la célébration de la femme aimée en s'appuyant sur des œuvres littéraires du XVIe et du XVIIe siècle. Sont abordés via Ronsard et Botticelli : la forme du sonnet, l'image, l'éloge, l'idéalisation, l'arrière-plan culturel (mythologie, idées néoplatoniciennes)… et via Baudelaire, Verlaine, Manet, Watteau : le statut de l'artiste, la célébration sulfureuse du corps, la condamnation du poète, la réception des œuvres littéraires, Baudelaire critique d'art… Les collègues soulignent le cadre trop strict dans lequel elles ont travaillé et le travail personnel considérable.

Une collègue du lycée Buffon intervient sur l'écriture inventive à propos de l'éloge et du blâme dans une séquence concernant le portrait au XVIIe siècle. Trois aspects sont abordés : le portrait, l'histoire littéraire au XVIIe siècle, le discours argumentatif. La séquence est d'abord présentée aux élèves. Ensuite les élèves doivent identifier des textes : sont-ils de l'ordre du blâme ou de l'éloge ? Après l'étude du portrait de Condé respectivement par Bossuet et par Retz, et de Platini dans un article du Monde, il est demandé aux élèves de dresser l'éloge d'un héros de leur choix. Pour le blâme, l'enseignant s'appuie sur Molière, La Bruyère et le film Ridicule qui, quoiqu'évoquant le XVIIIe siècle leur fait comprendre la mentalité du XVIIe siècle (ndlr : ???). Deux types d'écritures sont alors possibles : le portrait-charge d'une présentatrice de télévision (lecture de copies d'élèves), et, après le film Ridicule, l'écriture de saillies ou bien on imagine de faire parler le personnage qui dans le film était resté muet, faute de pouvoir répondre à un trait d'esprit. Le professeur trace du travail accompli un bilan très positif : appropriation des procédés rhétoriques, acquisition de connaissances (genre, type de discours, mouvements littéraires), découverte du classicisme.

Deux collègues du lycée P. Valéry présentent une séquence " théâtre / le genre comique / l'exposition " dans Georges Dandin À la suite, écriture d'invention : " faire une transcription romanesque de la scène d'exposition ". L'une signale l'échec total, les élèves n'écrivant rien, l'autre la réussite.

Une collègue du lycée Bergson présente une séquence proposée à une classe difficile où ont été lues les œuvres Madame Bovary et Le Gueux (Maupassant). Séquence " le descriptif / l'énonciation / la focalisation ". Écriture d'une nouvelle : Berthe Bovary (fille de Madame), ouvrière dans une usine (d'où travail avec le professeur d'histoire…).

Commentaires:

Ne pourrait-on objecter dans le cas de la 1ère séquence présentée, qu'il est pour le moins problématique que les collègues y considèrent l'image comme "facilitant l'entrée dans les textes" ? N'y a-t-il pas là le risque, au bout du compte, de gommer les spécifités de l'étude de l'image, comme celles du texte littéraire, l'une ne servant plus que de "prétexte" pour entrer dans l'autre ?

On atteint le comble de la dérive possible de ce type de démarche, lorsque, dans un autre genre, le professeur qui présente la séquence d'écriture inventive à partir de l'éloge et du blâme, vante le scénario de Ridicule, comme un texte cinématographique sur le XVIIIème siècle mais toutefois susceptible d'introduire les élèves à l'écriture littéraire de l'éloge et du blâme… au XVIIème siècle !!! C'est sans doute ce que Meirieu et consorts appellent de la "pédagogie du détour", et que résume bien le dicton populaire : "Tout est dans tout et réciproquement"...

Diverses interventions :

Un professeur de collège qui a eu sa mutation dans un lycée se dit atterrée et déplore d'avoir à poursuivre ce qu'elle faisait au collège. Elle exprime aussi le fait qu'elle considère comme dommage pour les élèves qu'aprèsDix ans de pratique assidue de la fiction à l'écrit et à l'oral, le lycée continue de leur proposer ce type d'activité, alors que c'était jusqu'alors le seul lieu où ils pouvaient enfin accéder à une distance critique par rapport aux textes. Malgré la réponse se voulant rassurante de Mme Desvaux , et alléguant que "l'écriture d'invention" au lycée ne constituera qu'une des formes d'écriture possible, l'écho trouvé par cette première intervention se mesure à la chaleur des applaudissements dans la salle. Ceux-ci sont vite interrompus par l'un des professeurs expérimentateurs qui se récrie, hors micro et sans attendre son tour de parole, qu" il ne faut pas mépriser l'écriture d'invention, ni les élèves qui veulent la pratiquer" : à lui seul tout le pathos contenu dans cette réponse, laquelle, entre nous soit dit, n'entretenait qu'un lointain rapport avec l'intervention de la collègue qui ne disait rien de tel, est peut-être révélateur de l'incapacité de certains collègues à prendre du recul, dès lors qu'ils se trouvent engagés dans ce qu'il faut bien nommer une propagande.

C'est du reste la même mauvaise foi, la même incapacité à écouter les arguments de l'autre que nous retrouverons un peu plus tard, lors d'une autre intervention plus que confuse, mais dont il ressortira surtout que "les élèves se fichent pas mal de savoir ce qu'ils écrivent quand ils écrivent, si c'est du commentaire ou du récit, et que tout ce qui compte, c'est qu'ils écrivent". Il y a là; remarquons-le au passage, la marque très nette de l'intégration enfin "réussie", dans l'esprit de quelques collègues de la transformation du "Secondaire" en "Primaire", où nombre d'instituteurs considèrent que ce qui compte avant tout pour l'élève, c'est la "production d'écrit" ( pourquoi et comment, tout le monde s'en fout !).

Une autre collègue intervient quant aux manuels de 2nde, et dit ses interrogations quant à certains exercices proposés (ex. : récrire le poème de Baudelaire " Élévation " en prose (Magnard) ou transformer le texte de Montesquieu " De l'esclavage des nègres " en faisant dire explicitement à l'auteur ce qu'il pense (Magnard). Très vives réactions dans la salle.

L'inspecteur répond que "nous sommes dans une économie de marché et qu'en tant qu'inspecteur, il n'a pas à critiquer les manuels" (ndlr : on ne comprend pas le rapport) "mais que nous oui" ! Il rappelle la règle élémentaire du bon sens qui fait que nous nous devons d'être vigilants quant à la qualité des exercices proposés.

Plusieurs interventions dénoncent le nombre d'élèves par classe, les conditions de travail, les risques de dérive : convaincre et persuader, ce n'est pas forcément apprendre à penser. Pourquoi si peu de chronologie ? Pourquoi laisser aux professeurs de philo et de d'histoire la formation du raisonnement et de la structure ?

Enfin, une dernière intervention ose la question : "Mais où est donc la littérature, dans tout çà ?" sourires gênés des inspecteurs, et silence parlant. Il faut à ce propos noter que nos deux inspecteurs ne se caractérisent pas cet après-midi là, loin s'en faut, par une grande assurance. Timbre de voix hésitant, râclements de gorge et "problèmes de micro" ; lecture d'une citation de Gracq :"En matière de pédagogie, les mots qui commandent des catégories sont des pièges" ; assurance que le discours ne sera "ni prescriptif, ni injonctif, ni même seulement normatif"; latitude laissée aux professeurs de choisir les bouquins qui leur conviendront : tout ceci dénote au minimum un certain malaise (on peut toujours rêver). Dans ce contexte, il est vrai que le discours d'ouverture, et l'assurance, en particulier, que "Mainteant que la guerre entre Anciens et Modernes est terminée on va pouvoir travailler de façon féconde", ont bien du mal à faire illusion…

Mais il est vrai que cet après-midi là, les inspecteurs ont peu de souci à se faire après tout, puisque ce sont les professeurs eux-mêmes qui font leur boulot… et plutôt bien parfois !!!


Expérimentation des Tpe.

R. Sénéchal, en guise d'introduction, rappelle les conditions hâtives de l'expérimentation. Il souligne qu'il faut impérativement renforcer l'efficacité des CDI (équipement, conditions d'accueil). Il souligne les problèmes : choix des sujets, évaluation qui, pour l'instant, n'est pas prise en compte pour l'EAF.

La première intervenante (TPE lettres / arts plastiques / histoire) insiste sur les difficultés du travail en groupe pour les élèves, de l'organisation, de la documentation. Le marché éditorial est énorme. La spécificité des matières s'efface. Les élèves sont contents. Mais quel est le profit réel ? Les bons s'en sortent, les autres zappent. Comment évaluer des élèves qui ont réalisé des maquettes ?

Deuxième intervention pour un TPE arts plastiques / littérature / politique avec 25 élèves plus ou moins en difficultés par groupe de trois élèves. Sujets multiples : l'affaire Dreyfus et les écrivains, la Commune et les écrivains, Napoléon III vu par les écrivains, le French Cancan (les élèves ont voulu aller aux Folies Bergères…), la prostitution, le métro, etc.

La collègue énumère les problèmes :
- la documentation : problème d'internet. Élèves noyés par la surabondance ; des milliers d'articles sont en circulation.
- la réalisation des dossiers : internet donne accès à des fiches conçues, toutes prêtes. Certains élèves ont collé leur documentation en juxtaposant les documents écrits ou iconographiques.
- la rédaction des carnets de bord.
- le passage à l'oral : les élèves disent que c'est un entraînement à l'EAF. Chaque élève avait sa part à commenter dans un groupe de trois élèves d'où…
- le problème de l'évaluation.
- 32 heures officielles ; au moins le double en réalité a été consacré au travail - toujours pas rémunérées d'ailleurs.

La collègue souligne les difficultés :
- comment répondre à toutes les demandes ? Le professeur n'ayant pas forcément toutes les lumières sur le métro, la prostitution, etc.
- comment fera-t-on avec des effectifs plus lourds ?
- comment faire avec internet ? Quand les élèves travaillaient pour leur Tpe, l'accès au CDI était interdit aux autres.
- comment gérer les problèmes de sécurité ? Les élèves sont-ils sous la responsabilité de l'enseignant quand ils sont par exemple dans le 13e arrondissement pour rencontrer l'Association des amis de la Commune ?
- elle constate un " creusement de la fracture sociale " entre ceux qui ont déjà un ordinateur, internet, une possibilité d'être aidé.
- les élèves lui reprochent maintenant d'avoir sacrifié la préparation de l'EAF.

Commentaires :

Si les collègues se montrent ici lucides et objectifs quant aux difficultés de tous ordres rencontrées dans la mise en place de ces TPE, deux remarques nous viennent cependant à l'esprit, à l'énoncé de l'"expérimentation".

La première concerne le TPE "French Cancan", auquel le groupe d'élèves "cobayes" s'est farouchement "accrohé toute l'année", avec "interview des danseuses et des chorégraphes" in situ… cad au Moulin Rouge. On a beau ne pas vouloir faire de mauvais esprit, on ne peut tout de même pas s'empêcher de penser à d'autres "expérimentations", menées en d'autres temps et en d'autres lieux : sous François Bayrou (ça ne nous rajeunit pas !)…

L'année d'expérimentation des "parcours diversifiés", on a vu fleurir une brochure éditée par le MEN, qui, à côté de "parcours" tout ce qu'il y avait de plus "culturel", voire "scientifique", présentait complaisamment des parcours du genre "makramé", "rugby", "judo", etc…, le tout agrémenté de la logorrhée pédagogique habituelle : "prérequis", "objectifs", et autres "réinvestissements"…

En Juin 1999, Mme Ségolène Royal préconisait, dans le supplément du BO consacré au Collège 2000 que les "moyens utilisés" pour les "travaux croisés" en Collège" soient ceux "prévus actuellement pour les parcours diversifiés de 4ème qui ne sont guère mis en place aujourd'hui, comme le constate le récent rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale". Quand on connaît précisément la nature des "moyens" en question, c'est à dire purement et simplement les horaires de cours, on ne peut que faire le lien avec les TPE, financés par une baisse générale des horaires. Ce type de travaux justifie-t-il une telle baisse ?

La seconde portera sur un problème tout aussi concret : comment considérer l'aveu fait par la collègue de Bergson que 60 h avaient été tout juste suffisantes pour mener à bien ces projets - dont elle ne semblait que très partiellement satisfaite - quand 20 seulement lui étaient payées. L'Enfer est décidément pavé de bien bonnes intentions… Si c'est pas "casser du statut", ça !!! (au secours, ya quelqu'un pour nous défendre ?)

Interventions :

- Sur les textes officiels concernant les programmes et les horaires.
Réponse : Rien pour l'instant. On peut éventuellement consulter son syndicat.(et pour les 40 h sup, M'sieur, on peut le consulter ? Mais d'abord lequel, au fait ?)

- Sur l'organisation de l'EAF cette année. Des collègues convoqués alors qu'ils n'enseignent pas en 1re. Réponse : organisation qui risque d'être problématique. Quant aux collègues convoqués, ce sont " des scrupules qui les honorent " mais ils sont absolument compétents.


Conclusion.

M.-F. Desvaux : On compte sur la compétence, la responsabilité des enseignants…

Dernier commentaire : cette histoire de collègue convoquée pour faire passer des oraux d'EAF alors qu'elle enseigne en 2nde recoupe étrangement l'info apportée par une collègue du Collectif Anti Allègre, quelques heures plus tard, et qui tendrait à prouver, propos d' une secrétaire du Rectorat à l'appui, que cette année, bien peu de professeurs de 1ère et Terminale auraient été convoqués dans l'Académie de Paris, pour les corrections de Bac…

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