ÉAF : roses 2004

[Les consignes de correction sont imprimées sur papier rose]

Corrigé : le costume au théâtre

Question

La formulation de la question appelle une réponse synthétique, fondée sur la confrontation des textes dans une perspective de comparaison.
      Deux fonctions essentielles sont à identifier : une fonction de comique et une fonction symbolique, présentes l'une et l'autre dans chacun des trois textes.
      En effet, chacun des trois textes joue sur le ridicule du costume ou le contraste entre les personnages. Harpagon critique le débraillé des jeunes gens de son époque et n'est pas sensible à son propre ridicule, donc à l'ironie de Frosine. Le comique du texte de Beckett vient de l'attention presque obsessionnelle que les personnages portent aux accessoires de leur costume : chapeau ou chaussure. Enfin, le contraste entre le soin apporté par Jean à son apparence et le négligé de Bérenger saute aux yeux.
      Les trois textes montrent également une dimension symbolique liée aux costumes : l'habit fait le moine ! Harpagon est à ranger dans la catégorie des vieux démodés qui se croient beaux ; chapeau et chaussure deviennent chez Beckett des objets inquiétants et hostiles, ce qui exprime une angoisse devant un monde où l'on se sent étranger ; enfin, les costumes de Jean et de Bérenger traduisent deux manières d'être : l'un des personnages est soucieux d'ordre, l'autre apparaît avec des faiblesses bien humaines...

On valorisera les réponses synthétiques allant à l'essentiel.


Commentaire

Les pistes de réflexion pourraient être

- la conduite du dialogue, mettant en évidence la supériorité morale de Jean sur Bérenger (affirmations péremptoires, exclamations, questions inquisitoriales, impératifs...). Les didascalies renforcent la honte qu'éprouve Bérenger et sa soumission aux ordres de Jean.

- Le comique créé par les jeux de scène, par le contraste vestimentaire entre les deux personnages et la soumission inquiète de Bérenger à Jean, Bérenger renchérissant sur son état lamentable, dans un langage familier.

- La dimension symbolique : ce que représente chacun des personnages. Bérenger est un être influençable, faible, sans certitudes ; et Jean, moralisateur implacable, lui impose son souci de l'ordre. Leurs attitudes sont moins à interpréter à un niveau psychologique que philosophique, voire politique. La fonction des costumes contribue à construire cette dimension symbolique.

On valorisera les copies qui auront perçu la signification politique de l'extrait, et qui auront su le mettre en relation avec la "rhinocérite" dont il est question dans la présentation du texte.

On acceptera toutes les démarches proposant de ce texte une approche ordonnée, fondée sur une progression argumentative, sans attendre trois parties...


Dissertation

Le sujet porte explicitement sur la représentation théâtrale : l'invitation à s'appuyer sur des textes, même s'ils n'ont été abordés que par la lecture, doit être comprise dans la perspective de leur mise en scène.

Problématique : le costume est-il un accessoire, ou un élément essentiel à la dramaturgie ? Le sens d'une pièce vient-il seulement du texte, ou est-il aussi porté par des éléments d'ordre visuel, représentés ici par le costume ?

L'expression "Dans quelle mesure..." invite le candidat à s'interroger sur l'importance du costume mais aussi sur les limites de cette importance.

On valorisera donc les copies qui auront discerné la possibilité d'une position nuancée, attentive à ces limites.
Le minimum attendu est un plan de type analytique où les différentes fonctions du costume seront abordées et hiérarchisées, de façon à mettre en valeur un raisonnement du candidat et à préparer sa conclusion.

Quelques fonctions envisageables :

- esthétique, de séduction sensuelle du spectateur
- éventuellement comique
- référentielle (ancrage dans une réalité historique ou sociale), ou au contraire intemporelle, soulignant l'universalité de l'oeuvre.
- symbolique : le costume est une clé d'interprétation du personnage.

La conclusion pourrait insister sur le côté éphémère et contingent de la représentation théâtrale et sur le fait que le sens d'une pièce est à chercher dans la multiplicité des interprétations, qu'il n'y a pas de vérité unique et définitive d'une oeuvre.

On valorisera les candidats qui auront vu que le costume pouvait être mis en relation avec le décor.


Invention

Contraintes imposées par le sujet :

- un dialogue argumentatif
- deux thèses incarnées par deux personnages dont l'emploi est donné : l'un est comédien, l'autre metteur en scène. - Il s'agit de la mise en scène du texte A (l'Avare II, 5) : le sujet ne porte pas sur la pièce de l'Avare en entier.
- Enjeu du débat : costumes d'époque ou costumes modernes, afin de donner au texte toute sa saveur comique ?

Le choix de la forme à donner au dialogue n'étant pas indiqué, on acceptera aussi bien un dialogue de type philosophique qu'un dialogue théâtral (comportant éventuellement quelques didascalies). Difficulté du sujet : ne sont sur scène qu'Harpagon et Frosine, mais il est fait allusion aux costumes de "jeunes blondins", intéressants à prendre aussi en compte. On valorisera donc les copies des candidats qui auront trouvé un moyen de les faire apparaître sous une forme ou sous une autre, sans trahir le texte de Molière (clip vidéo, passage en fond de scène, tenue disposée sur un mannequin... )

On attendra que les candidats s'intéressent non seulement à Harpagon, mais aussi à Frosine, pour laquelle aucune indication vestimentaire n'est donnée. Quelle apparence faut-il lui donner ? Comment son costume peut-il souligner sa fonction d'entremetteuse ?

On ne pénalisera pas les candidats qui auront choisi de donner à Frosine par sa tenue, un aspect aussi ridicule qu'Harpagon, lecture qui occulte l'ironie de son propos (1.31 à 34 essentiellement) au profit d'un nouvel effet comique.

[scanné par MB 07/2004]