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La dictée dans les nouvelles épreuves du brevet


Montage de réflexions lues sur Lettres&Débats.

Philippe, le 26/01/2000 : un véritable sabotage organisé de tout enseignement normatif.

La Dictée, si l'on regarde les annales zéro est réduite à un court texte de cinq lignes à dicter en quinze minutes, relecture comprise.
Ainsi, les nouvelles épreuves entérinent-elles l'idée qu'un élève de quinze ans n'est pas capable d'écrire sous la dictée plus d'un quart d'heure.
Une fois de plus, on aligne le niveau d'une épreuve sur le niveau des élèves les plus faibles, et on crée ainsi les conditions du surgissement d'un enseignement à deux vitesses.
Chose étonnante, depuis peu les épreuves de concours d'entrée aux grandes écoles (à commencer par la prestigieuse X) ont introduit la dictée parmi leurs épreuves de sélection.
Attendons un peu, et, à force d'avoir formé des générations d'handicapés d'orthographe, on l'instituera au CAPES et à l'Agrégation de Lettres pour avoir enfin la garantie de recruter au moins des gens capables d'écrire sans fautes, à défaut de pouvoir penser par eux-mêmes.

Personnellement, je vois que nous récoltons tous, ce que certains d'entre nous ont semé. A force d'avoir dit et redit que la dictée ne servait à rien, n'était pas un exercice formateur, que cela bridait la spontanéité d'écriture de l'élève, la démagogie de certains formateurs et IPR de Lettres apporte de l'eau au moulin des démagogues de la rue de Grenelle.

L'enseignement du français est un tout, a-t-on dit. Fort bien. Donc écrire sans faute un texte entendu est une compétence nécessaire. Perdre de vue cela, c'est courir à la catastrophe intellectuelle.
Je prends une métaphore: imaginons un seul instant que la dictée musicale soit supprimée ou amoindrie dans le cursus de solfège. Tout le monde comprendra que c'est l'éducation de l'oreille musicale qui sera négligée, défaut que le musicien devra compenser autrement et de manière empirique, donc bien incertaine.
Et bien c'est la même chose en lettres.
On m'objectera que je suis élitiste.
Oui et alors! Le progrès de l'élève moyen est-il plus méritoire quand la barre est abaissée?
On m'objectera que je suis réactionnaire.
Oui et alors! Je fais partie des élèves qui ont appris l'orthographe en faisant des dictées et qui n'ont pas besoin d'avoir de dictionnaire d'orthographe pour écrire. Je fais aussi partie des gens qui ont appris à penser grâce au Latin et au Grec, et grâce à la Philosophie. Et quand je vois la politique mise en place par Allègre et ses séides, je suis fier de ne pas être de cette génération sacrifiée sur l'autel d'une éducation macdonaldisée.
Alors j'espère que cette génération que l'on cherche à spolier de tout héritage culturel en aura cependant assez pour instruire le procès d'Allègre devant le tribunal de l'histoire.


Yvon, le 26/01/2000 :

On peut critiquer un exercice (la dictée) sans pour autant critiquer une exigence. Par ailleurs on peut aussi critiquer un exercice et contribuer à inciter à des réponses éclairantes sur l'utilité d'un exercice.
Il me semble que la question principale à se poser c'est le sens de l'école telle qu'il apparaît se définir peu à peu , par touches successives dans les réformes d'Allègre. Il est manifeste qu'on cherche :
1. A faire des économies
2. A simplement garder les élèves au chaud (et encore)
3. A surtout éviter de les faire penser
4. A surtout rompre avec la culture traditionnelle en vigueur en France , en opposition aux pays qui nous entourent


Françoise, le 26/01/00 (en réaction aux deux précédents messages) :

J'ai du mal à comprendre cet attachement indéfectible à la Dictée. Je fais pourtant moi aussi partie de cette génération qui en a fait beaucoup, et du temps où 5 fautes vous valaient un zéro. Or j'ai toujours pensé, et je continue à le penser, que cet exercice ne sert pas à grand chose. Ce qui me gène, c'est que la dictée fait de l'orthographe pour faire de l'orthographe, cela devient un art, un objet de concours à la Pivot... Loin de moi l'idée de négliger l'importance de la norme écrite, et je suis tout à fait d'accord pour sanctionner les fautes dans les copies d'examen, que ce soit au Brevet des collèges, au bac, au BTS et autres examens ou concours post-bac. Mais la dictée ne me paraît pas le meilleur moyen d'améliorer l'orthographe des élèves dans l'ensemble de leurs écrits.


Sébastien, le 26/01/99 :

Sans vouloir critiquer mes collègues qui ont baissé les bras et ne font quasiment plus de dictées autour de moi, je dois bien constater que mes élèves prennent souvent conscience de leurs difficultés en orthographe chez moi. En effet, je n'ai pas peur de mettre des zéros en dictée et même dans la marge une note négative à titre indicatif (quelle horreur n'est-ce pas !). Passé le choc, une bonne partie des élèves progressent en général, même s'il y a quelques causes perdues. Bien évidemment, je ne fais pas que des dictées pour travailler l'orthographe. J'en fais même assez peu (deux par trimestre) car c'est pour moi davantage un exercice évaluatif que formatif. Par contre, ce qui marche très bien c'est la dictée préparée (une page de l'oeuvre complète étudiée à ce moment là à étudier et à la maison) et les auto-dictées. Les élèves adorent également les exercices à trou portant sur les homophones grammaticaux : ils ont l'occasion de rattraper ainsi leurs mauvaises notes.

Je pense donc que :

1. la mauvaise orthographe n'est pas une fatalité à condition que les professeurs de lettres au collège consentent à la travailler sérieusement et méthodiquement, à faire de la grammaire et des conjugaisons. J'avoue que cet enseignement technique et répétitif n'est guère excitant pour le prof et la classe, mais, comme je le dis souvent à mes élèves, si vous voulez jouer du piano ou d'un instrument de musique, il faut accepter de faire des gammes et du solfège.

2. la dictée est un excellent exercice à cause de sa valeur psychologique : un élève qui n'est pas pénalisé par une mauvaise note en dictée est un élève qui n'aura pas été mis en face de sa valeur orthographique et qui n'aura jamais envie de progresser. Croire que les élèves auront envie d'écrire sans faute parce qu'on leur aura enlevé deux points sur une copie d'examen, c'est faire preuve d'une belle naïveté.

3. si l'on estime que les futurs élèves peuvent écrire avec des fautes d'orthographe et se passer d'une culture littéraire, qu'on le dise une bonne fois pour toutes et que l'on ferme boutique !


Lebateleur, le 27/01/00 : Une réponse de Claude Duneton ?

A hurler le soir au fond des collèges (Transmis par un collègue de Maths qui a des inquiétudes du même genre à propos de la disparition du calcul)

"Un autre des exercices ultra-classiques que l'on s'est mis à négliger, sans en connaître, heureusement, la véritable portée, c'est la dictée. La dictée n'a jamais eu, contrairement à ce qu'on pense, un intérêt bien considérable pour l'apprentissage de l'orthographe... Et encore il faut distinguer entre la dictée vraiment enseignante, expliquée tout du long, et la dictée dite "de contrôle", la plus pratiquée, celle où l'on comptait les fautes à la fin, et les points - et qui ne servait à rien! Au moins en ce qui concerne la graphie de la langue, car elle avait un rôle très important on revanche - je dis bien en revanche, car c'en est une! -, un rôle généralement incompris et peu soupçonné : insuffler dans l'inconscient des gosses une dose de langue française qui l'alimentait d'une manière des plus subtiles et des plus efficaces, parce que détournée. Ces textes d'une dizaine de lignes, choisis la plupart du temps, dans les phrases longues de la littérature pour donner une meilleure prise à l'analyse logique qui suivait, étaient d'abord lus lentement dans une sorte d'attention sacrée, rituelle, où chaque. auditeur essayait de détailler les mots et les tournures, et de se faire une première idée des difficultés à venir. On vous le faisait ensuite au détail: chaque phrase lue et relue séparément, articulée à l'extrême des possibilités et même un peu au-delà, chaque membre de la phrase soigneusement répété, cinq ou six fois, toujours dans le silence, la tension la plus recueillie, pendant que tous les mots étaient mimés par toutes les glottes, des récepteurs à porte-plume, repassaient . muettement par les langues. les dents, et les voiles des palais... Ainsi jusqu'au bout, puis, da capo, on vous rechantait tout le morceau jusqu'à la signature qui était inscrite respectueusement au tableau. A la fin de la demi-heure, un être normalement constitué connaissait le texte absolument par coeur. Gratuitement et en prime. C'était mon cas, je m'en souviens très bien, quand j'étais môme; certaines dictées me restaient plusieurs jours dans l'oreille, du moins des phrases entières. Eh bien cette cérémonie constituait une phase privilégiée de l'apprentissage de la langue: la demi-heure sacrée hebdomadaire qui valait à elle seule une semaine de méthode Assimil. C'était une technique d'assimilation involontaire d'autant plus géniale que l'attention consciente n'était justement pas portée sur la langue elle-même, mais détournée sur un objet parallèle: l'orthographe. Ça n'aurait sûrement pas marché aussi bien si l'acquisition avait été la règle du jeu - et si elle avait compté dans la sanction finale que savent mettre les pédagogues à tout ce qu'ils font. Là, c'était merveilleusement gratuit, mesdames et messieurs! Le petit tour de cirque clandestin pour le plus grand amusement des enfants sages!... J'ai connu plusieurs témoignages d'élèves du secondaire qui m'assuraient avoir appris le français dans les dictées des classes primaires - ce qu'ils en savaient. - Là aussi ça pose le problème fondamental du choix de la langue, évidemment. Il est peut-être heureux que ces exercices qui portaient uniquement, en principe, sur l'écriture interminablement cicéronienne pour la plus grande joie des accords subtils aient provisoirement passé à l'as."


Montage de Delphine

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