Un brûlot anti-profs que Robien feint d'ignorer

Le Canard enchaîné, 3 janvier 2007.

Des enseignants mal formés, incultes, bafouilleurs et souvent parasites. C'est l'image que donne des profs le récent ouvrage d'un inspecteur général de l'Education nationale, Philippe Barret, La République et l'école (éditions Fayard).

Si ces noms d'oiseaux commencent à émouvoir sérieusement dans les bahuts, ils n'ont pas arraché le plus petit commentaire de la part de Gilles de Robien. Ce même ministre, il y a quelques mois, n'avait pourtant pas hésité à blâmer publiquement et à menacer de sanctions deux inspecteurs trop critiques sur sa réforme de la lecture. Dans son ouvrage, Philippe Barret, ancien conseiller de Chevènement, s'en prend d'abord aux profs de gym, des oisifs qu'il conviendrait de remplacer par « des personnels formés et recrutés comme ceux qu'on emploie dans les clubs de gymnastique privés ».

Même paquet réservé aux enseignants des disciplines artistiques, musique et dessin. « L'idée qu'on puisse acquérir une culture artistique à raison d'une heure hebdomadaire est sans fondement. Il faut faire appel à des professionnels plutôt qu'à des professeurs. » Leurs collègues d'anglais, dont certains, « pour tout bagage, ont passé le baccalauréat avec l'anglais en langue vivante », ne sont pas davantage ménagés. Mais l'ombrageux Barret, qui égratigne au passage d'autres incultes fameux - parmi lesquels... Chateaubriand, « dont la culture était aussi vaste que superficielle » -, réserve le bonnet et le coup de pied de l'âne aux instituteurs.

Ces béotiens ont le devoir de maîtriser « l'orthographe et la grammaire de la langue française. La plupart d'entre eux ne connaissent ni l'une ni l'autre ». C'est tout ? Non. Les mêmes de­vraient « pouvoir s'exprimer clairement et correctement. Or il suffit d'entendre n'importe lequel d'entre eux, interrogé au journal télévisé, pour se rendre compte qu'il ne le peut pas ».

Une chance - quand même - pour eux d'être aussi analphabètes : ils ne pourront pas comprendre toutes les vilenies que Barret déverse sur eux.

J.-F. J.